
L’adage qui dit qu’un écrivain n’écrit jamais qu’un seul livre n’est pas démenti par le roman Le Cerveau vert de Frank Herbert. Postérieur à Dune (1963-64), et écrit en même temps que Destination : vide (1965), ce texte a d’abord été sérialisé dans la revue Amazing en 1965 avant d’être publié sous forme de roman en 1966 sous le titre The green brain. Il s’agit d’un texte relativement mineur de l’auteur, ce qui sans doute explique qu’il a fallu attendre 1975 pour qu’il soit traduit et publié dans la collection Le masque science-fiction, et 2009 pour qu’une nouvelle édition voit le jour chez Pocket. Il est loin d’être inintéressant pour autant car il aborde des thématiques récurrentes chez l’auteur.
En 1962, la biologiste américaine Rachel Carson publie Silent Spring (Printemps silencieux) qui est considéré comme le premier livre à dénoncer l’usage intensif des pesticides et leurs conséquences sur la faune et l’environnement. L’essai provoqua une véritable prise de conscience aux États-Unis et contribua grandement à l’essor des mouvements écologistes. Le Cerveau vert est très clairement inspiré par les écrits de Rachel Carson et Frank Herbert y cite à plusieurs reprises un mouvement « carsoniste » de défense de l’environnement. Dans Dune, Herbert définit l’écologie comme un questionnement des conséquences à long terme de l’activité humaine sur un écosystème. C’est la thématique principale de Le Cerveau vert.
Le roman se déroule dans un futur proche, au Brésil, sur le fleuve Amazone. Un programme international de restructuration écologique a été lancé avec succès en Chine, et est désormais mis en application au Brésil par l’OEI, l’Organisation Écologique Internationale. Le but est l’éradication complète de tous les insectes déclarés inutiles, voire nuisibles car porteurs de maladies, et leur remplacement par une espèce d’abeille génétiquement modifiée afin de favoriser l’agriculture. Cela peut paraître extrême dit comme ça, mais n’est-ce pas là précisément le but de l’usage de pesticides dans les champs ? Herbert ne fait qu’étendre le concept à tout le territoire. La forêt amazonienne, en cours de restructuration, est divisée en deux zones : la zone verte, nettoyée, et la zone rouge encore sauvage. Des bandeirantes sont employés par le gouvernement pour procéder au nettoyage à grand coups de pesticides, de poisons, et de barrières vibratoires. Toutefois les choses ne se déroulent pas comme prévu et les bandeirantes qui parcourent la forêt ainsi que les paysans qui vivent en limite de la zone rouge décrivent des attaques d’insectes géants. Le lecteur est informé de ce qu’il en retourne dès le premier chapitre : les insectes ont muté et ont développé une conscience collective, le cerveau vert du titre. Face à ses témoignages, la population s’en prend aux bandeirantes qu’elle accuse de réintroduire des insectes pour protéger leur activité. Soupçonnant une résistance à son cher programme, l’OEI a dépêché sur place son directeur local, le docteur anglo-chinois Travis-Huntington Chen Lhu, accompagné d’une entomologiste irlandaise, la docteure Tanja Kelly, qui n’est pas là pour faire usage des connaissances acquises sur les bancs de l’université mais de ses charmes pour séduire le jefe des bandeirantes du coin, Jaoa Martinho. Soyons clair : le portrait que Frank Herbert dresse dans ce livre des femmes et de leur rôle dans la société n’est pas des plus progressistes et s’il venait à l’idée d’une lectrice de notre siècle de traiter Herbert de mufle, on ne saurait lui donner tort.
Le roman se divise en deux actes. Dans le premier, Joao, Tanja et Chen Lhu font connaissance et sont les témoins des bouleversements en cours dans ce coin de la forêt amazonienne. Ils s’opposent sur leur interprétation du phénomène et se soupçonnent mutuellement. Le second acte est un huis-clos psychologique entre ces trois personnages confinés à bord d’une embarcation de fortune sur une rivière coulant à travers la forêt alors qu’ils sont poursuivis par une armée d’insectes. Enferrés dans leurs conflits, ils ne seront pas de taille à lutter contre le cerveau vert.
Ce huis-clos sur l’eau rappelle bien sûr le roman Le dragon sous la mer, mais est nettement moins réussi en raison de personnages trop caricaturaux. Au-delà de la thématique écologiste, on retrouve aussi celle de l’éveil d’une conscience, thème central dans le roman Destination : vide. Cette conscience essaye de comprendre et communiquer avec les humains, ce qui s’avère impossible, et on retrouve là la thématique de la communication avec une entité radicalement différente qui est développée avec plus de succès dans L’étoile et le fouet (1970). On retrouvera en outre le collectif des insectes dans le roman La Ruche d’Hellstrom (1973).
Le Cerveau vert est un roman qui a assez mal vieilli, entre considérations religieuses pauvres, commentaires sexistes et insectes géants de série B, quand bien même il reste d’actualité en ce qui concerne les questions écologiques. C’est un roman d’essai, dans lequel Herbert teste des idées qu’il développera de manière plus convaincante dans d’autres romans. Son intérêt principal se trouve là, dans ce brouillon de concepts. Ce n’est pas un roman indispensable, mais intéressant dans le cadre d’une lecture exhaustive des œuvres de Frank Herbert.
D’autres avis : Anudar
Titre : Le Cerveau vert (The green brain)
Auteur : Frank Herbert
Edition : Pocket (2009)
Traduction : Jacqueline Huet
Nombre de pages : 256
Format : papier et ebook
je vais donc laissé de côté et mettre mon cerveau au vert!
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C’est mieux par la suite !
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On va donc attendre la suite…
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De toute façon, je vais tous les faire.
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Ah oui quand même !
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Il se trouve que je les ai tous dans ma bibliothèque. Le fait qu’on reparle de Frank Herbert à l’occasion de l’adaptation de Dune m’a donné l’envie de les relire avec un oeil critique.
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Vous devriez lire la mort blanche… Eclairant, surtout en ce moment !
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Oh mais je l’ai lu.
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