The Slipway – Greg Egan

Instantiation

Il y a quelques jours, le 23 Janvier, est sorti discrètement, et en format électronique uniquement, un recueil de nouvelles en anglais de l’auteur australien de science-fiction Greg Egan sous le titre Instantiation. Ne me demandez plus de présenter Greg Egan. Si vous venez sur ce blog sans jamais avoir entendu parler du pape de la hard-SF, je vous prie de cliquer sur la touche back et de ne plus jamais revenir sur cette page ! Ou alors revenez avec un mot d’excuse et des bonbecs. Ou… bon, allez, vous pouvez rester. Mais quand même…

Instantiation regroupe des textes écrits et publiés dans divers magazines spécialisés ou anthologies entre 2013 et 2019. J’avais déjà lu, et chroniqué pour certains, une partie des textes présentés dans ce recueil de 423 pages mais, le prix d’achat étant dérisoire, moins de 3 €, ma décision d’en faire l’acquisition fut prise en moins de 3 nanosecondes, dès lors que son existence fut révélée par Gromovar, le blogueur à l’œil de Bubo Bubo. Au sommaire, vous trouverez les nouvelles :

Il est à noter que Shadow flock et Seventh Sight ont été traduites en français par Erwann Perchoc et publiées dans la revue Bifrost dans les numéros 77 et 81 sous les titres Essaim fantôme et Les Yeux de l’arc en ciel, respectivement. De plus, il est bon de savoir que les nouvelles Bit Players, 3-adica, et Instantiation se suivent pour ne former qu’une seule histoire.

Dans cet article, je ne vais m’intéresser qu’à la nouvelle The Slipway, qui me semble être très représentative de la partie la plus hard-SF de l’oeuvre de Greg Egan. La nouvelle parle de science, d’astrophysique et d’observations tout d’abord, mais aussi de science en tant que pratique intellectuelle. A travers l’observation d’un phénomène extra-ordinaire, Greg Egan s’attache à décrire ce qu’il convient d’appeler une bonne pratique scientifique et remet en passant quelques pendules à l’heure.

Nous sommes aujourd’hui, sur Terre, dans l’hémisphère Sud. Alors qu’à son habitude Brian Farley scrute le ciel de ses jumelles derrière sa ferme en Nouvelle Zélande, il remarque une étoile qu’il n’avait jamais vue dans le voisinage de Nu Octantis, dans la constellation de l’Octant. (Il faudra s’y habituer rapidement, toutes les étoiles et constellations citées par Greg Egan dans cette nouvelle sont des objets stellaires uniquement visibles dans l’hémisphère Sud, et donc peu connus de par chez nous). Farley n’est pas un hurluberlu. Il a, quelques années auparavant, découvert une comète qui porte désormais son nom. Il fait part de son observation aux autorités compétentes. L’information arrive aux oreilles de Fatima, astrophysicienne spécialiste des exoplanètes travaillant en Australie. Elle et sa collègue Gabrielle font une demande de temps d’observation sur l’AAT, le télescope anglo-australien de l’observatoire de Sliding Spring. Les premières observations le confirment : un coin du ciel observable est en train de changer. À partir de là, une course poursuite va se déclencher autour du monde pour mesurer avec précision le phénomène et tenter de le comprendre. D’autant que la zone concernée croit d’heure en heure.

Greg Egan s’amuse, et c’est assez drôle, à imaginer les théories les plus folles qui pourraient voir le jour à l’occasion d’un tel phénomène : attaque extra-terrestre, trou de ver, etc… Au passage, il égratigne les célébrités scientifiques qui passent beaucoup de temps sur les plateaux TV et racontent n’importe quoi sans avoir même un début de preuve pour étayer leurs fantasmes, ainsi que les physiciens qui inventent une nouvelle physique à chaque petit déjeuner pour satisfaire leurs egos. Fatima va passer le rasoir d’Occam sur tout cela, s’en tenir aux observations et proposer les explications les plus systématiquement simples, mais qui sont parfois aussi les plus surprenantes. Lorsqu’elle va annoncer au monde ses conclusions, elle, la femme noire africaine non spécialiste face aux cadors du domaine, les réactions à son égard vont aller de la gêne polie aux menaces de viol et de mort, évidemment. Mais Fatima a raison et sa démonstration est implacable.

Greg Egan est aussi très sérieux, et sa démarche l’est tout autant. À partir d’un exemple d’observation astronomique, il montre comment la machine scientifique peut s’emballer et comment un simple changement de point de vue, de parallaxe, peut ramener la raison au centre des spéculations. Sa démonstration est mathématique. Elle s’appuie comme toujours chez l’auteur sur un strict respect des théories physiques. En mettant en parallèle ce texte avec les déclarations maladroites de quelques-uns qu’il dénonce, il est fascinant de voir qu’Egan est toujours plus rationnel que nombre de spécialistes. L’événement décrit dans la nouvelle n’en reste pas moins époustouflant, et ses conséquences sont ahurissantes. En simples termes d’émerveillement cosmique, de sense of wonder, nous ne sommes pas loin d’écrits comme Diaspora ou Schild’s Ladder.

The Slipway est une excellente nouvelle de hard-SF, accessible, imaginative et efficacement construite. Moi, j’adore.


Un autre avis ? Gromovar, Apophis,


Le recueil Instantiation est disponible sur Amazon : Instantiation (English Edition)


10 réflexions sur “The Slipway – Greg Egan

  1. « Si vous venez sur ce blog sans jamais avoir entendu parler du pape de la hard-SF, je vous prie de cliquer sur la touche back et de ne plus jamais revenir sur cette page ! »

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    OMG, not EPIC ! Slap « back » NOW or i will call the police !

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