Father – Ray Nayler

Rendons-nous à l’évidence, vous n’avez pas fini d’entendre parler de Ray Nayler sur l’épaule d’Orion. Il y a quelques jours, à la faveur de la sortie du dernier numéro de Clarkesworld Magazine, je vous parlais avec enthousiasme de la nouvelle glaciaire Sarcophagus, me promettant d’aller explorer plus avant les productions de cet auteur.  Puis le magazine Asimov’s Science Fiction a publié la liste de ses meilleurs textes de l’année selon une sélection de ses abonnés, liste dans laquelle on retrouve deux nouvelles de Ray Nayler, dont Father qui fait l’objet de cette chronique.

Avec Sarcophagus l’auteur emmenait son lecteur sur une lointaine planète froide et inhospitalière dans un récit de survie futuriste. J’avais noté la qualité de l’écriture dans l’évocation du combat mené par le personnage principal dans ces paysages glaciaires. Changement d’époque et de sous-genre avec Father qui nous embarque dans les années 50 d’une Amérique uchronique. Nous sommes en 1956 exactement. L’auteur évoque très rapidement un événement qui a transformé le monde, la chute sur Terre d’un OVNI en 1938, dont l’étude a permis le développement rapide de technologies avancées. On parle ici de voitures volantes, de robots, de traitement universel contre les maladies. Cela a évidemment eu une influence sur le déroulement de la seconde guerre mondiale. Les communistes furent repoussés jusqu’à Moscou et les pays d’Europe de l’Est libérés. Notons que le background n’est pas réellement développé dans la nouvelle, mais cela n’importe guère car là n’est pas le propos. Il suffit de savoir que cette guerre fit de nombreuses victimes, dont le père du narrateur, un jeune garçon de sept ans vivant seul avec sa mère dans la région d’Albuquerque au Nouveau Mexique. Ce père, mort au combat avant même sa naissance, il ne l’a jamais connu. Les services sociaux de l’armée ont développé un programme d’aide aux familles des soldats décédés, et offre un robot nommé Father à quelques-unes tirées au sort. C’est ainsi que Father entre dans la vie du jeune narrateur. Il y restera six mois. Le garçon va rapidement développer une relation privilégiée avec cet androïde qu’il finira par appeler… Father. Mais 20 ans de développement accéléré, beaucoup trop rapide, ont créé un choc technologique et si personne ne se plaint des voitures volantes, tous ne sont pas prêts à accepter l’arrivée d’un robot dans le voisinage. Les tensions vont aller croissantes, jusqu’au drame inévitable. Et l’on découvrira que Father est plus qu’il ne semble.

“Now we will have a secret between us, son.”

Father est une histoire relativement simple mais très émouvante, menée par une écriture tout à fait admirable. Certains antagonismes sont présentés de manière très manichéenne. Ainsi, le méchant de l’histoire est … méchant. Et c’est ce qu’on attend de lui car rappelons que tout cela est vu et dit pas les yeux et la bouche d’un enfant de sept ans. Ce sont par les paroles des adultes rapportées que l’on prend conscience d’une complexité plus importante que celle directement perçue par le narrateur. Cette dynamique entre ce qui est dit et ce qui est suggéré fonctionne particulièrement bien. S’il ne saisit pas toujours les subtilités du monde des plus grands, s’il est peu sûr des sentiments qu’il éprouve envers son père, envers Father, il les exprime néanmoins très réellement, que ce soit l’angoisse, la peur, la honte, ou l’amour. J’ai trouvé la nouvelle brillante dans sa simplicité et sa justesse.


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