Une BD : Macbeth, roi d’Écosse – Tome 01: Le Livre des sorcières – Thomas Day et Guillaume Sorel

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Le 18 Septembre, sort chez Glénat Macbeth, roi d’Écosse – Tome 01: Le Livre des sorcières, premier volume d’un diptyque formant un nouvelle adaptation en bandes dessinées du drame de William Shakespeare. Ce n’est pas la première fois que Macbeth est adapté en bandes dessinées, mais c’est la première fois que c’est réussi. Magistralement.

Thomas Day est écrivain de science-fiction (Sept secondes pour devenir un aigle, L’automate de Nuremberg, Dragon) et de fantasy (mais ce n’est pas grave). Sa plume est acérée. Guillaume Sorel est illustrateur et auteur de bandes dessinées qui a fourbi ses armes dans les pages de Casus Belli (que ceux qui s’en souviennent lèvent la main). Son pinceau est acéré. Shakespeare est dramaturge anglais et mort. L’écrivain et l’illustrateur ont profité d’être vivants pour s’associer et produire une œuvre, en s’inspirant du dramaturge.

Tuer le cochon

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Pour des auteurs qui viennent de la fantasy, le choix d’adapter Macbeth ne surprend pas. La pièce est sans doute celle de Shakespeare qui s’inscrit le plus dans le domaine de l’imaginaire. En s’inspirant d’événements historiques s’étant déroulés au XIème siècle en Ecosse, il met en place une tragédie du mal dans laquelle destinée, folie, désir, meurtre et paranoïa s’entrechoquent. Il y convoque une imagerie qui appartient au registre du fantastique médiéval avec les trois sorcières, bien sûr, et Hécate, des fantômes mais aussi tout un bestiaire qui dans la tradition populaire renvoie au monde de la nuit, au surnaturel, au mal : le porc, le rat, le loup, le corbeau, la chouette, la chauve-souris, etc.

Filet de couleuvre de marais,
Dans le chaudron bous et cuis.
Œil de salamandre, orteil de grenouille,
Poil de chauve-souris et langue de chien,
Langue fourchue de vipère, dard de reptile aveugle,
Patte de lézard, aile de hibou,
Pour faire un charme puissant en trouble,
Bouillez et écumez comme une soupe d’enfer.

(Traduction de François-Victor Hugo, 1866)

Thomas Day et Guillaume Sorel sont là en terrain connu. Restait donc à traduire cette dimension en images et en mots pour s’approprier la tragédie classique.

Manger des châtaignes

Guillaume Sorel joue pleinement la partition. Le dessin est sublime de précision et d’expression. L’esthétique fantasy emplit le cadre, que ce soit dans les décors et les costumes, ou les mouvements des corps. Les visages sont anguleux et coupants. Les regards chargés. Sur les planches du théâtre comme sur celles de la bande dessinée, les changements de lumière se font le révélateur des tourments de l’âme. Les scènes d’extérieur sont lumineuses et apaisées, révélant les paysages d’une Ecosse comme insouciante du drame que se joue dans les intérieurs. Ceux-ci sont sombres, torturés, pesants, étouffants, et traversés de teintes rouges. Lady Macbeth n’apparaît jamais en pleine lumière. Elle est l’expression de la folie meurtrière, de l’action résolue, de la violence alors que Macbeth est figé.

Agir comme un rat

Et il y a le texte. Le piège lorsqu’on adapte Shakespeare est de tomber dans le poncif. Imaginez-vous un instant metteur en scène. Vous faites jouer Hamlet et, arrivé à la scène 1 de l’acte 3, votre acteur doit déclamer « Être ou ne pas être ». Vous avez toutes les chances de vous ramasser. La meilleure adaptation de Hamlet que j’ai vue sur une scène est celle de Philippe Adrien au théâtre de la Tempête en 1997 (avec l’immense Scali Delpeyrat dans le rôle-titre). Sans changer une ligne du texte, Philippe Adrien avait déplacé les accents, réduisant la portée des phrases cultes pour relever celle de tirades moins connues, altérant ainsi la perception et le sens de la pièce.

« La vie n’est qu’un fantôme errant, un pauvre comédien — qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène — et qu’ensuite on n’entend plus ; c’est une histoire — dite par un idiot, pleine de fracas et de furie, — et qui ne signifie rien… »

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N’ayant pas le luxe de l’oralité, Thomas Day joue avec le texte. Il le découpe, le redistribue, le renverse et en change le sens. Lady Macbeth : « Ma vie ne sera pas une ombre agitée en tout sens par des fous » ! Macbeth lui-même est en retrait, il subit, spectateur d’un destin qui lui est imposé. C’est Lady Macbeth qui se retrouve au centre de la pièce et du récit, elle qui invoque les ténèbres, se fait plus qu’homme et commet le crime. C’est une réécriture de Macbeth pour en faire un Lady Macbeth et c’est là la grande réussite de cette adaptation à mes yeux.

Thomas Day et Guillaume Sorel ont produit un monstre. Visuellement et textuellement, Macbeth, roi d’Écosse – Tome 01: Le Livre des sorcières est fou, plein de fracas et de furie. L’œuvre de Shakespeare est éclairée par la fantasy qui use là de toute sa puissance évocatrice pour signifier la tragédie. Le second tome, Le livre des fantômes, est prévu au printemps 2020.

Pour creuser l’affaire, le blog Quoi de neuf sur ma pile propose une interview de Thomas Day qui nous parle de ce projet.


D’autres avis : Just a word, Au pays des Cave Trolls, Gromovar, Lorhkan


Titre : Macbeth, roi d’Écosse – Tome 01: Le Livre des sorcières
Série : Macbeth, roi d’Écosse (1/2)
Scénariste : Thomas Day
Illustrateur : Guillaume Sorel
Éditeur : Glénat BD (18 Septembre 2019)
Nombre de pages : 64


10 réflexions sur “Une BD : Macbeth, roi d’Écosse – Tome 01: Le Livre des sorcières – Thomas Day et Guillaume Sorel

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