Au-delà du gouffre – Peter Watts

gouffre

Le recueil de nouvelles Au-delà du Gouffre, publié chez Le Bélial en 2016, regroupe 16 histoires écrites par Peter Watts entre 1990 et 2014 et présentées en parties thématiques plutôt qu’en ordre chronologique. Si Peter Watts est l’un des porte-étendards de la hard-SF, ce recueil montre que ce genre n’est pas uniquement destiné à des lecteurs chargés d’un bagage scientifique de niveau universitaire, mais qu’on peut très bien écrire de la très bonne hard-SF sans utiliser de jargon scientifique ou de concept mathématique abscons. Ce recueil prouve aussi que Watts est un maître en ce qui concerne la création d’ambiances fortes et oppressantes en quelques mots. Si la qualité des textes n’est pas uniforme, il y a du bon et du moins bon, c’est dans l’ensemble un excellent recueil.

Partie I : Les Choses (2010), le Malak (2010), L’Ambassadeur (2002), Nimbus (1994), le Second Avènement de Jasmine Fitzgerald (1998). C’est la partie du recueil que je qualifierais des « points du vue divergents », et où la narration inverse les perspectives (dans Les Choses ou Malak), ou s’appuie sur des interprétations contraires à nos présupposés. Les Choses, basée sur le film The Thing de Carpenter, révèle le talent de Watts pour les ambiances oppressantes. Une des grandes réussites du recueil. Nimbus est l’une des moins réussies, ce que Watts lui-même reconnait dans la post-face.

Partie II : L’île (2009), Eclat (2014), Géantes (2014). C’est la partie Space Opera, dans laquelle le sens of wonder cher à la science fiction explose là littéralement dans des récits (évidemment courts) mais de grande ampleur. L’île est une nouvelle brillante, à l’atmosphère très travaillée et prenante, la plus réussie du recueil de mon point de vue.

Partie III : Un mot pour les païens (2004), Chair faite Parole (1994), Les Yeux de Dieu (2008), Hillcrest contre Velikovski (2008), Éphémère (2005). C’est la partie dans laquelle Watts règle ses comptes aux croyances et à la religion. Malgré quelques bonnes saillies, ces textes ne sont pas les plus intéressants du recueil. Watts se déclare même embarrassé que Chair faite Parole en fasse partie, car il juge la nouvelle mal écrite. Hillcrest contre Velikovski est à mon sens le meilleur texte, très bien vu, mais à mon avis trop optimiste quant à sa conclusion.

Partie IV : le Colonel (2014), qui est une sorte de préquelle au roman Echopraxie. L’opposition entre deux évolutions de l’humanité, l’une monocerveau, individualisée, et l’autre, les ruches, qui efface l’individu pour mettre la pensée en commun. La nouvelle est brillante. Encore une des grandes réussites du recueil.

Partie V : Une Niche (1990), la Maison (1999). Ces deux textes s’intègrent dans la trilogie Rifter de l’auteur, une Niche devenant le roman Starfish sous sa forme étendue. Encore une fois, dans ces deux textes Peter Watts montre un énorme talent pour la création d’ambiances étouffantes, voire carrément flippantes. Une Niche est indéniablement l’une des meilleurs textes du recueil.

Pour finir, il faut vraiment lire l’excellente postface dans laquelle Peter Watts se défend que ses écrits soient sombres, dystopiques, ou déprimants, en comparaison avec la réalité qui selon lui l’est bien plus encore. Personnellement, j’y ai pris une bonne claque, et me suis découvert de nombreux points communs avec cet auteur.


Voir les avis de l’Albédo, de Lecture 42, du journal d’un curieux.


Livre : Au-delà du gouffre
Auteur : Peter Watts
Publication : 2016 (LE BELIAL)
Langue : Français (traduction de Gilles Goullet, Pierre-Paul Durastanti, Roland C. Wagner)
Nombre de pages : 480
Format: papier et ebook