Test 4 Echo – Peter Watts

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Plongé dans une lecture en parallèle de l’essai Comment parle un robot ? de Frédéric Landragin et de l’anthologie de hard-SF Made to Order : Robots and Revolution de Jonathan Strahan, je continue mon exploration des intelligences artificielles telles que les chercheurs en informatique-linguistique et les auteurs de science-fiction la conçoivent en 2020. Après la superbe nouvelle Idols de Ken Liu, je vais vous parler aujourd’hui de Test 4 Echo de Peter Watts. Que dire de Peter Watts si vous ne le connaissez pas ? Une bonne manière de faire sa connaissance serait de lire le numéro 93 de la revue Bifrost qui lui est consacré, ou de lire le recueil Au-delà du gouffre pour aborder l’auteur en douceur.  Et si vous vous pensez l’âme suffisamment accrochée, vous pouvez sombrer dans le dur avec l’un des deux cycles qui composent le cœur de son œuvre : la duologie Blindopraxia ou la trilogie Rifteurs. Mais il vous faut savoir que les écrits de Peter Watts sont sombres. A son propos, le critique James Nicoll nous a laissé cette phrase pour la postérité : « Chaque fois que j’ai l’impression de trop tenir à la vie, je lis du Peter Watts ». D‘autres vous diraient que l’auteur canadien fait preuve de clarté quant à l’avenir de l’humanité. Quoi qu’il en soit, Peter Watts est un auteur vénéré sur l’épaule d’Orion et sa hard-SF est un sommet du genre, tout là-haut aux côtés de Greg Egan.

Ce n’est pas la nouvelle Test 4 Echo qui va changer la perception qu’on peut avoir en bien ou en mal de l’auteur. Il s’agit d’une nouvelle 100% wattsienne. Pour info : avant de se lancer dans une opération de déconstruction de l’humanité à travers la littérature de genre, Peter Watts était un bon gars, sérieux, puisqu’il fut scientifique spécialisé en biologie marine. Comme il l’a démontré dans la trilogie Rifteurs, il aime visiter les profondeurs des océans. Mais il aime aussi se promener dans l’espace, objet du cycle Sunflower, parfois même à la rencontre d’entités extraterrestres comme dans Vision aveugle. On retrouve un peu de tout cela dans Test 4 Echo. Mais la grande marotte de Peter Watts, c’est la conscience, qui est le vrai sujet de la duologie Blindopraxia et qui est au centre des préoccupations dans Test 4 Echo.

Depuis 18 mois, Lange est à bord d’une station scientifique en orbite autour de la Lune. Il explore à distance le fond océanique d’Encelade, la lune de Saturne, à la recherche de cheminées hydrothermales et d’une éventuelle trace de vie. 18 mois passés à rejeter les unes après les autres des données peu probantes et à voir son équipe de recherche s’amenuiser par manque de financement au point d’être réduite à lui et Sansa. Sansa n’est pas une personne. Sansa est une intelligence artificielle. Et là vous vous dites : « je te vois venir Pete. Un scientifique seul avec une IA, qui va découvrir une trace de vie extraterrestre sur un satellite de Saturne, trop 2001 l’Odyssée de l’espace ! ». Non, tu n’y es pas du tout lecteur. Watts n’est pas Clarke. Lange ne va rien découvrir au fond de l’océan d’Encelade. La sonde robotisée Medusa se prend un vent sur une cheminée hydrothermale et se retrouve projetée loin de là, avec une de ses six pattes en vrac. Medusa est une sonde d’une technologie avancée, autonome. A la manière d’un poulpe ou d’une ophiure, elle est dotée d’un système de commande central mais chacun de ses bras possède sa propre intelligence artificielle. Toujours attaché au corps mais coupé du système nerveux central, A4, le bras en vrac, va devoir se débrouiller tout seul.  Il va commencer simplement par observer et imiter les autres bras, puis explorer son environnement. A4 va semble-t-il développer une conscience propre. Lange et Sansa, l’humain et l’IA, vont évidemment avoir une interprétation très différente des événements et s’opposer sur les conclusions à en tirer.

Cette opposition va se résoudre d’une manière qui te fera faire une pause et t’interroger, lecteur. Dans un roman de science-fiction, les gens, normalement, n’agissent pas de cette manière. Mais Lange est une créature wattsienne, et donc réaliste. Et Peter Watts, il aime les gens et la vie, c’est bien connu. Et de conclure par cette réplique savoureuse :

« I guess you didn’t know me that well after all. »

Test 4 Echo, donc. C’est du Peter Watts, c’est noir brillant !


Un autre avis, là, chez : Gromovar, sur l’Albedo,



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