Le Cycle d’Andrea Cort [4/4] : La Guerre des marionnettes – Adam-Troy Castro

Le 15 juin, soit dans une semaine, le troisième et dernier (ou pas) volume du cycle d’Andrea Cort d’Adam-Troy Castro sort chez Albin Michel Imaginaire. Réjouissons-nous, pour ceux qui ont suivi les aventures éditoriales de ce cycle en France, ce n’était pas gagné. Heureusement, l’intérêt des lecteurs pour la Procureure Extraordinaire Andrea Cort a eu raison des dernières réticences financières qui auraient pu se mettre en travers de la parution de cet ultime (ou pas) volet. Pour rappel, le cycle est constitué à ce jour de trois romans, de novellas et de nouvelles parues à l’origine dans le désordre et présentant des contradictions. Le directeur de collection, Gilles Dumay, a eu la grande idée de rassembler et publier les textes dans l’ordre chronologique du récit, et non de parution, avec l’aide de l’auteur qui a réécrit certains éléments pour éliminer les contradictions internes. C’est donc une œuvre complète et cohérente qu’il nous présente. Ainsi, Emissaire des morts, sorti en 2021, contient le roman Emissaries from the Dead (2008) ainsi que les nouvelles Avec du sang sur les mains (With Unclean Hands, 2011), Une défense infaillible (Tasha’s Fail-Safe, 2015), Les Lâches n’ont pas de secret (The Coward’s Option, 2016) et Démons Invisibles (Unseen Demons, 2002). La Troisième griffe de Dieu sorti en 2021 contient le roman The Third Claw of God (2009) et la nouvelle Un coup de poignard (A Stab of Knife, 2018). Enfin, La Guerre des marionnettes n’est sorti en langue originale (anglais) qu’en audio-livre.  Il nous arrive ici accompagné de la novella Les Lames qui sculptent les marionnettes (The Knives that carve the Marionettes, inédit) et de la nouvelle La Cachette (Hiding Place, 2011).

À la question « est-il possible de lire La Guerre des marionnettes sans avoir lu préalablement Emissaire des morts ? », la réponse est non. À la question « est-il possible de lire La Guerre des marionnettes sans avoir lu préalablement La Troisième griffe de Dieu ? », la réponse est encore non. Et à la question « est-il possible de lire le roman La Guerre des marionnettes sans lire « Les Lames qui sculptent les marionnettes », la novella qui le précède au sommaire ? », la réponse est : je vous le déconseille. Cette novella fait le lien entre La Troisième griffe de Dieu et La Guerre des marionnettes par le récit d’évènements mentionnés brièvement dans le deuxième roman, et dont le protagoniste n’est pas Andrea Cort mais Jason Bettelhine, en lien avec la planète Vlhan sur laquelle se déroule l’histoire du troisième roman. La novella explique ce qu’il y a à savoir de la culture indigène de cette planète et ses rapports avec les autres civilisations. Sa lecture est donc, sinon nécessaire, au moins fort utile pour comprendre La Guerre des marionnettes.

Le contexte du cycle d’Andrea Cort est celui d’un space opera se déroulant quelques 4000 ans dans le futur. L’humanité a essaimé à travers l’espace et rencontré différentes espèces extraterrestres sentientes. Quoi que divisée, elle se regroupe principalement sous la bannière de la Confédération Homo-sapiens. Andrea Cort est représentante du Procureur Général du Corps Diplomatique de la Confédération Homsap. Enquêtrice, elle a en charge l’arbitrage de conflits juridiques entre cultures humaines et extraterrestres. Et ceux-ci ne manquent pas. L’ensemble du cycle repose sur deux idées directrices. La première est l’examen de crimes et de leur résolution juridique dans ce contexte d’interaction entre civilisations qui n’ont pas forcément la même conception ni de ce qui constitue un crime ni de la justice. La seconde est l’évolution du personnage d’Andrea Cort dans un monde violent où se joue ni plus ni moins que l’avenir de l’humanité menacée dans une guerre invisible que se livrent des Intelligences Artificielles anciennes et toutes puissantes.

La Guerre des marionnettes montre un changement de ton dans le cycle. Si les volumes précédents étalaient une certaine noirceur, celui-ci s’enfonce plus encore dans le côté obscur sans espoir de retour. Les crimes sur lesquels Andrea Cort enquêtaient relevaient pour la plupart du simple meurtre, aussi odieux soit-il, ou du complot politique. Adam-Troy Castro change de braquet dans La Guerre des marionnettes en s’attaquant cette fois-ci au crime contre une espèce dans son ensemble, au génocide et à toutes sortes d’horreurs qu’il est possible de faire subir à des êtres vivants.

La planète Vhlan est habitée par une espèce (très) intelligente qui se livre chaque année à un rituel dans lequel 100 000 d’entre eux meurent. Inexplicablement, ce suicide collectif attire des humains, chaque fois plus nombreux, qui vont jusqu’à subir des interventions chirurgicales extrêmes dans l’espoir de pouvoir participer à la cérémonie et y mourir à leur tour. De ce point de vue, le roman verse sans frémir dans le body horror, soyez prévenus. Comme va le découvrir Andrea Cort, tout ceci est depuis longtemps organisé et contrôlé. Alors que dans ses aventures précédentes, la procureure extraordinaire restait relativement maitresse de ses actions, dans ce volume elle subit plus qu’elle n’agit. Emportée par une situation qui la dépasse, et qui dépasse tout le monde à vrai dire, elle se voit malmenée par la tempête qui se déchaîne avant de comprendre qu’on n’attend d’elle qu’une chose, et une seule. Je n’en dévoile pas plus pour laisser au lecteur tout le loisir de découvrir Vhlan, ses habitants, ses rituels, et ses crimes.

Le roman est suivi de la nouvelle « La Cachette », qui ferme le cycle et scelle le destin d’Andrea Cort. Simple dans son déroulement, puisqu’il s’agit d’une simple enquête sur un meurtre, elle répond à une question qui me titillait depuis le début, à savoir les raisons profondes de l’association entre Andrea Cort et la gestalt formée par Skye et Oscin Porrinyard.

J’avais eu quelques réserves sur le deuxième volet, La Troisième griffe de Dieu, que je trouvais très classique dans sa forme quand bien même il traitait de façon aboutie le thème du crime en chambre close. Ce troisième volet n’est pas parfait, loin de là. Adam-Troy Castro garde des petites manies d’écriture qui m’exaspèrent toujours autant, notamment sa façon de se répéter sans cesse et de toujours trop expliquer, mais qu’on excuse en considérant qu’initialement l’ensemble de ces textes n’a pas été écrit pour être ainsi réuni en une trilogie.  On notera aussi de petites incohérences et des facilités. La résolution du roman, le choix d’Andrea, pourra faire grincer les dents du lecteur exigeant. Malgré tout, La Guerre des marionnettes est un roman qui m’a beaucoup surpris. J’ai été soufflé par sa noirceur assumée, par sa radicalité dans les horreurs qu’il décrit, ainsi que par son absence totale d’optimisme. S’il s’agit là de la conclusion du cycle, alors elle est très réussie.


D’autres avis chez : Gromovar, Apophis,


  • Titre : La Guerre des marionnettes : Andrea Cort – Tome 3
  • Série : Andrea Cort
  • Auteur : Adam-Troy Castro
  • Publication : Albin Michel Imaginaire, 15 juin 2022
  • Traduction : Benoît Domis
  • Nombre de pages : 529
  • Format : papier et numérique

16 réflexions sur “Le Cycle d’Andrea Cort [4/4] : La Guerre des marionnettes – Adam-Troy Castro

  1. J’avais aussi quelques réserves sur La troisième griffe de Dieu : le meurtre en huis clos étant pour le moins éculé depuis Le double assassinat dans la rue Morgue. Mais l’évolution psychologique d’Andrea et les relations qu’elle noue avec la famille de fabriquant d’armes rattrapent largement le tout. Du coup, je suis impatient d’aller jusqu’au bout de ses aventures avec ce dernier volume que je guette depuis un moment.

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      1. Très possible mais justement, ça ne fait que me conforter dans mon envie de le lire puisque moi j’étais déçue de la tournure prise précédemment dans le premier roman et le suivant, par rapport aux quatre nouvelles introductives. Je le sens bien grâce à toi, on verra après lecture 😉

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  2. Je voulais du noir, j’ai été servi. Et copieusement ! Des trois textes proposés c’est le dernier que j’ai préféré et de loin, même si l’invention des Vlhanis est superbe. Seul regret, il y a peu de chances pour que le reste des aventures de la procureure exceptionnelle soit publié en français.

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