
Le numéro 100 de la revue Bifrost est consacré à l’une de ses figures historiques, l’écrivain Thomas Day. Mais ce n’est pas de Thomas Day que je vais vous parler. Je vais vous parler de Catherine Dufour, ou plutôt de la nouvelle que l’autrice signe au sommaire de ce numéro : Des Millénaires de silence nous attendent.
Catherine Dufour, j’ai déjà eu l’occasion de le dire au sujet de son roman Le Goût de l’immortalité et sa suite Outrage et rébellion, ou de son dernier recueil en date L’Arithmétique de la misère, a beaucoup d’humour mais sa vision de l’avenir est rarement poilante. C’est le rire destiné à relaxer les muscles de la paroi abdominale contractés sur décision du bulbe rachidien face à la sale gueule du monde présent et à venir. Le rire anti vomitif. C’est un réflexe de protection chez les gens qui aiment trop la vie pour se satisfaire du malentendu existentiel que constitue cette période de quelques années situées entre la naissance et la mort. Faisant acte de pluralisme ontologique en dehors des préfabriqués intellectuels et sociaux, Catherine Dufour se désolidarise du cynisme ambiant et on l’entend de plus en plus, ces temps-ci, appeler de ses vœux une prospective joyeuse, une anticipation positive de ce futur qu’elle maltraite pourtant bien souvent.
Mais vas-y Catherine, fais se lever le jour !, qu’on lui dirait presque si on se le permettait. Madame Dufour n’a pas attendu, elle y est allée et propose dans Des Millénaires de silence nous attendent le texte de science-fiction le plus tendrement solaire que j’ai lu sous sa plume, même si par manque de naïveté il est aussi farouchement amer car il faut bien que ça ait du goût quand même, sinon on s’ennuie à la dégustation, et distribue quelques gifles parce qu’on le vaut bien.
Des Millénaires de silence nous attendent est l’histoire croisée de deux femmes, l’une encore jeune, l’autre déjà vieille, qui toutes deux se trouvent à cet instant de leur vie confrontées brutalement à ce que l’on attend, nous, les autres, tout le monde, d’une femme encore jeune ou d’une femme déjà vieille. Catherine Dufour griffe la société, la famille, les hommes, et les femmes aussi, et conclut par un « mais je vous emmerde moi ! » aussi tonitruant qu’il n’est pas écrit, pas sous cette forme là en tout cas. C’est délicatement pensé, joliment construit, admirablement écrit. Et résolument tourné vers l’avenir, avec un final en forme de clin d’œil à Thelma et Louise. Je ne peux que vous recommander ce texte très touchant d’une des meilleures plumes françaises officiant dans nos genres préférés.
D’autres avis : Ombre Bones,
Je viens de recevoir mon Bifrost, j’ai encore plus hâte de le lire désormais 🙂
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Je n’osais y croire mais la rumeur disait donc vrai : du positif dufourien. Le « négatif » était déjà si bien, ça donne fichtrement envie.
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La rumeur disait vrai, et je fus le premier surpris en lisant ce texte. Mais ça reste quand même du pur Dufour.
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Le personnage de Claude est la même que dans Le bal des absents et la nouvelle L’immaculée conception dans L’Accroissement mathématique du plaisir. Par hasard, j’ai lu les deux nouvelles à un jour près 🙂
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Ah bien vu !!!
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une fois n’est pas coutume je viens de lire la nouvelle version pub que le Bélial m’a offert quand j’ai commandé Bifrost 100. Je ne connaissais pas Catherine Dufour, mais maintenant je vais être obligé de commander les autres écrits, je suis accro. La nouvelle me fait penser à un roman québécois (pas de la SF mais bon) rencontre d’une jeune femme marginale et d’une vieille femme déjantée à travers un périple en train dans le grand nord .
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