Engineering Infinity (Infinity project 1/7) – Collectif

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Je débute avec cet article une série consacrée aux différents volumes de l’anthologie de hard-SF connue sous le nom d’Infinity Project dirigée par Jonathan Strahan, éditeur australien multiplement primé. La SF a toujours aimé les anthologies et en a produit à profusion, avec plus ou moins de bonheur. C’est presque un phénotype.

Sauf que l’Infinity project de Jonathan Strahan n’est pas une anthologie, mais un manifeste. Lorsque les éditions Solaris lui ont demandé fin 2008 de diriger une anthologie de la hard-SF, celui-ci s’est posé la question suivante : qu’est-ce que la hard-SF au début du 21e siècle ? Les bases du genre avaient été posées dans les années 60, autour de l’exploration spatiale ou de la robotique par des géants comme Arthur C. Clarke ou Isaac Asimov. Mais les années 90 ont vu l’arrivée fracassante en SF de la mécanique quantique et de la singularité, et l’explosion d’une nouvelle génération d’auteurs comme Kim Stanley Robinson, Greg Egan ou encore Charles Stross. Que Strahan cite en introduction ces trois auteurs n’a rien d’innocent. Ceux-ci ont posé les bases d’un renouveau de Hard-SF en y introduisant de nouveaux paradigmes et en ouvrant ses horizons. A partir de là, la Hard-SF s’est émancipée pour étendre largement le champs de son investigation. Jonathan Strahan a donc invité les grands noms de la hard-SF d’aujourd’hui à rejoindre l’Infinity Project en proposant des nouvelles originales sur des thèmes choisis, et ils sont nombreux à avoir répondu à l’invitation. On y trouve des auteurs comme Peter Watts, Stephen Baxter, Charles Stross, Alastair Reynolds, James S. A. Corey, Elizabeth Bear, Greg Egan, Pat Cadigan, Ken Liu, et bien d’autres….On notera à travers toute la série la place importante des auteures femmes. Qui a dit que la SF était une occupation purement masculine ?

L’Infinity Project est constitué de 7 recueils de nouvelles : Engineering Infinity (2010), Edge of infinity (2012), Reach for Infinity (2014), Meeting Infinity (2015), Bridging Infinity (2016), Infinity Wars (2017) et Infinity’s End (2018).

C’est une fabuleuse collection de textes, notamment primée par le Locus Award, et cette collection est un must de la Hard-SF. Même si on ne sera jamais transporté par une courte nouvelle comme on peut l’être par un roman, ces textes permettent de découvrir de grands auteurs, et d’autres nettement moins connus et de montrer l’étendue créative de la Hard-SF, avec souvent des idées brillantes. Tous les textes ne sont pas bons. Mais il y en a de vraiment excellent qui font toute la qualité de cette anthologie.

Ce premier tome ouvre la série sur le thème de l’ingénierie. L’ingénierie des machines, des armes, mais aussi l’ingénierie génétique, voire l’ingénierie de l’univers,… le résultat est pour le moins vertigineux, et ce ne sont pas forcément les auteurs les plus connus qui y brillent le plus. Ce sont des nouvelles courtes, voir très courtes. A de rares exceptions près, vous n’y trouverez donc pas de scénarios à tiroirs et rebondissents, ni de personnages très travaillés, mais simplement l’exploitation d’une idée.

Malak de Peter Watts. Ce texte a été repris dans le recueil Au-delà du gouffre. Peter Watts y opère un changement de perspective et construit sa nouvelle autour des pensées d’une arme intelligente, qui se met à réfléchir et questionner la pertinence des ordres.

Watching the Music Dance de Kristine Kathryn Rusch. Une nouvelle sur les implants destinés à augmenter l’humain. Que se passe t’il quand une mère souhaite l’enfant parfait ?

Laika’s Ghost de Karl Schroeder. J’ai été moins convaincu par le texte de Shroeder qui présente une histoire cachée de l’exploration de Mars par l’ex-URSS. Il faut dire que j’apprécie assez peu les écrits de Schroeder.

The Invasion of Venus de Stephen Baxter. C’est pour moi LE texte du recueil. Celui qui en justifie à lui seul la lecture. Un vaisseau spatial extra-terrestre débarque plein gaz à travers le système solaire en direction la Terre. Rien que cela provoque quelques sueurs froides sur la planète. Mais ce n’est rien par rapport à ce qui va se passer lorsque celui-ci ignore complètement l’humanité et fonce droit sur Vénus. La suite prend une ampleur magistrale, à la Baxter, et replace l’humain bien seul au fond de son puit de gravité.

The Server and the Dragon de Hannu Rajaniemi. Ce texte est une sorte de poésie ultra-hard SF. Le texte est superbe, parle de création d’univers de photons et de dragon, et laissera sans doute pas mal de lecteurs dubitatifs. C’est un texte unique en son genre.

Bit Rot de Charles Stross. La nouvelle de Stross se déroule dans l’univers de Saturn’s Children et Neptune’s Brood et fait le lien entre les deux textes. S’il peut se lire seul, il vaut quand même mieux avoir lu Saturn’s Children pour savoir de quoi cela parle. C’est un univers post-humanité dans lequel les intelligence artificielle tente de survivre sans but dans un monde aussi déshumanisé que lorsqu’il était encore humanisé. Ici, l’action se passe à bord d’un vaisseau interstellaire subissant une grave avarie en plain voyage. Stross y revisite le mythe des zombies.

Creatures with Wings de Kathleen Ann Goonan. Une nouvelle un peu étrange entre extra-terrestre et bouddhisme. Je n’ai pas vraiment compris où Goonan voulait en venir.

Walls of Flesh, Bars of Bone de Damien Broderick et Barbara Lamar. Un vieux film en noir et blanc révèle quelques anachronismes. Une prise peu originale sur le thème du voyage dans le temps. Il n’y a pas grand chose à en retenir.

Mantis de Robert Reed. Des gens font du sport et regarde une fenêtre qui leur projette des images d’ailleurs. Aucun intérêt.

Judgement Eve de John C. Wright. Là pour le coup c’est une nouvelle d’une densité assez peu commune. Il a fallu que je la relise deux fois. Cela commence avec des anges extraterrestres qui viennent sauver le monde en y imposant assez brutalement leur jugement sur ce qui est bien et mal. Puis cela prend des proportions épiques qui donnent le tournis. En quelques pages, on a l’impression d’avoir lu tout Homère. Impressionnant.

A Soldier of the City de David Moles. Une autre vraiment excellente nouvelle, se rapprochant de la SF militaire et spatiale. Un Soldat de la cité s’engage dans un combat armé pour venger le meurtre de sa Déesse (oui, avec un grand D) lors d’un attentat. Crime, châtiment et rédemption !

Mercies de Gregory Benford. Une promenade champêtre de monde en monde version Benford. Pas mal mais sans plus.

The Ki-anna de Gwyneth Jones. Pas compris grand chose à cette nouvelle.

The Birds and the Bees and the Gasoline Trees de John Barnes. C’est l’histoire d’une grosse gaffe à l’échelle planétaire. Voulant luter contre le réchauffement climatique, des scientifiques cherchent à ensemencer les océans avec du fer (cela se fait réellement) provenant d’astéroïdes. Sauf que cela va déraper dans les grandes largeurs et donner lieu à un final explosif. La nouvelle n’est pas forcément très bien écrite, mais l’histoire est amusante.

Voir la critique d’Apophis


Livre : Engineering Infinity
Collection : Infinity Project 1/7
Auteur : collectif (Peter Watts, Kristine Kathryn Rusch, Karl Schroeder, Stephen Baxter, Hannu Rajaniemi, Charles Stross, Kathleen Ann Goonan, Damien Broderick et Barbara Lamar, Robert Reed, John C. Wright, David Moles, Gregory Benford, Gwyneth Jones, et John Barnes.)
Editeur : Jonathan Strahan pour Solaris
Publication : 2012
Langue : Anglais
Nombre de pages : 400
Format : papier et ebook


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