Après tout – Ian Soliane

Ian Soliane nous avait enthousiasmés avec son Basqu.I.A.t, publié en 2021 aux éditions JOU, où il s’engouffrait dans les failles de l’IA pour mieux définir en creux l’humain. Deux qualités s’y affirmaient évidentes : l’habilité de la plume de l’auteur et son affutage. ces deux qualités, on les retrouve dans Après tout, nouveau roman court de l’écrivain à paraitre le 5 avril, toujours chez JOU. Comme dans Basqu.IA.t, Ian Soliane s’y livre à un exercice littéraire qui relève de l’équilibrisme de haute volée. Mais Après tout adresse un sujet plus délicat et sensible, où le moindre dérapage aurait aussitôt fait de devenir sortie de route et crash. Ce que l’auteur évite avec une dextérité qui confirme et conforte tout le bien que l’on pensait de lui.

Claire est morte. Dans une série de chapitres alternant avec le récit du présent, Greg raconte la longue maladie de sa femme, sa dégénérescence physique inéluctable induite par une sclérose latérale amyotrophique, ou maladie de Charcot. Greg a aimé Claire beaucoup, passionnément, à la folie. Un amour qui le fait plonger lorsqu’un nécromancien des temps modernes armé des plus récentes technologies disruptives, lui propose de faire revenir Claire sous la forme d’un androïde à l’apparence identique à celle de sa défunte femme, un peu plus jeune, avec tous ces petits défauts qui la rendaient belle à ses yeux, mais plus encore, avec tous ses souvenirs extraits des scans réalisés du temps de son vivant.

Dans les autres chapitres, ceux du présent, Greg raconte la découverte de la nouvelle Claire, du clone, du robot, de l’ersatz, de la copie, du sous-produit, de la poupée gonflable trop fidèle au service du désir sexuel de Greg. Le sentiment de malaise, puis d’horreur, est immédiat chez le lecteur qui est saisi par la folie de la situation, tous les sens moraux en alerte devant par ce sparadrap collé sur l’infinie douleur de la disparition. Le roman de Ian Soliane aurait été pâle s’il s’en était tenu là, à cette évidence. Mais l’auteur est aussi subtil que radical, il l’avait déjà montré dans son précédent roman.

Greg n’ignore pas le malaise qui sa décision va engendrer et, dans un premier temps, il cache Claire. Le couple se construit dans l’ombre, derrière les volets fermés, les sorties nocturnes à l’abri des regards. Mais vient le temps de la révélation nécessaire, d’abord à son fils et sa belle-sœur, et ainsi s’engage le drame. Les réactions sont violentes. Greg est fou. Dément. Malade. Des inconnus attaquent Claire. Son propre fils… Incompréhension, rejet, mise au ban, mais aussi ricanement, envie, jalousie. Et Ian Soliane désempare le lecteur, le fait douter, et le retourne. Car Greg cherche le bonheur et le trouve. Ce n’est pas un amour de pacotille que vivent Claire et lui, mais un amour véritable, différent, à deux. Et qui est en droit de les juger ?

La violence de la maladie mise en joue par la folie morale d’un artifice, Ian Soliane n’épargne rien à son lecteur et signe là un roman puissant, beau, acéré. Ian Soliane est un grand écrivain.


D’autres avis chez Gromovar, Le Nocher des livres,


  • Titre : Après tout
  • Auteur : Ian Soliane
  • Parution : 5 avril 2024, JOU éditions
  • Nombres de pages : 128
  • Support : papier (12€)

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