Termush, côté Atlantique – Sven Holm

En avril 2023, les éditions Robert Laffont faisaient paraitre dans la collection Ailleurs et Demain le premier roman de l’autrice danoise Rakel Haslund, Après nous les oiseaux. Ce texte poétique et contemplatif portait un regard sombre sur la fin du monde. Il fut remarqué au point de faire partie de la sélection du grand Prix de L’Imaginaire dans la catégorie roman étranger. Un an après, c’est à nouveau le texte d’un auteur danois que Camille Racine, éditrice responsable de la collection, nous propose. Il s’agit de Termush, Atlanterhavskysten de l’auteur et dramaturge Sven Holm. Ce texte inédit en français é été publié en langue originale en 1967, et traduit une première fois en anglais en 1969. Sven Holm a reçu le prix de l’académie danoise en 1974 et en est devenu membre en 2001. Ce classique de la littérature scandinave a été récemment redécouvert par Jeff Vandermeer et réédité au Royaume Uni en 2023 et aux États-Unis début 2024 accompagné d’un éloge de Ray Nayler – auteur bien connu sur ces pages – qui le décrit en ces termes : « Like the radioactivity of its world, Termush crackles with an invisible, deadly energy. » (Telle la radioactivité de son monde, Termush crépite d’une énergie invisible et mortelle.)

Termush, côté Atlantique, titre sous lequel il nous arrive en France, est un court texte de 145 pages, écrit en pleine guerre froide, et qui décrit des événements se déroulant au lendemain d’une apocalypse nucléaire. Si la thématique du jour d’après a laissé la place à la catastrophe écologique ces dernières décennies au sein de la littérature postapocalyptique, elle retrouve ces jours-ci une sombre pertinence dans une actualité mondiale marquée de gesticulations guerrières – sans vouloir vous effrayer, chers lecteurs. Termush est le nom qui désigne un lieu, situé géographique au bout des terres, sur la côte atlantique, et temporellement à la fin du monde. C’est un hôtel servant de refuge à quelques dizaines d’individus prévenant qui ont dépensé leur fortune pour s’assurer une survie au cas où adviendrait… ce qui a fini par advenir. Un conflit nucléaire qui a rayé de la carte les grandes villes, irradié les campagnes et laissé derrière lui mort et désolation. Le récit est un journal, rédigé au présent, jour après jour, par l’un des hôtes de Termush. Ce narrateur sans nom livre peu d’éléments de contexte – on ne saura jamais quel a été ce conflit, mais est-ce important ? – son lecteur est censé être de son époque et connaître tout autant ce qui est arrivé au monde. Sven Holm fait le choix du minimalisme. Son écriture va à l’essentiel, évite les disgressions et ne se perd pas en tergiversations, et rappelle le dramaturge. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’une pièce de théâtre en huis-clos. Un lieu, une unité de temps. À Termush, les hôtes vivent en espace fermé, se réfugient dans les abris en cas d’alerte – lorsque la pluie ou le vent disperse les radiations – et pour leur sécurité ne s’aventurent jamais plus loin que le jardin de l’hôtel. Rapidement, il devient évident que la direction de l’établissement cache aux clients la réalité du monde au dehors. À Termush, l’extérieur n’existe que lorsqu’il devient intrusif.

Dès le premier jour, alors qu’ils sortent des abris, les hôtes sont confrontés aux premiers survivants, les brulés, les irradiés, les malades, qui viennent là pour demander l’aide des médecins de l’établissement, des médicaments, de la nourriture. D’abord, un ou deux, puis plus, des familles, des groupes. Tous sont mourants. L’afflux grandissant devient un problème pour les hôtes. Ces survivants, à peine vivants et jamais pour longtemps, représentent un danger pour les hôtes : ils mènent la maladie, les radiations, et menacent les ressources limitées de Termush. Le langage évolue. Les survivants deviennent les étrangers, puis les adversaires et enfin les ennemis. Au sein de la communauté, les dissensions apparaissent. Certains estiment qu’ils ont payé pour avoir le droit de leur survie.

Termush, côté Atlantique n’est pas un récit survivaliste dans un monde postapocalyptique, c’est un examen de la morale humaine lorsque l’humanité se déshumanise et dont, inévitablement, la conclusion est démoralisante. C’est là un texte fort qui laisse une plaie au creux de la poitrine longtemps après sa lecture. Dans un univers éditorial souvent tourné vers le monde anglosaxon, pour de nombreuses raisons dont la difficulté des traductions, il faut saluer les choix de la collection Ailleurs et Demain de faire découvrir une science-fiction venue d’autre horizons linguistiques et plus rarement publiée chez nous.


  • Titre : Termush, côte atlantique
  • Auteur : Sven Holm
  • Publication : le 28 mars 2024, Robert Laffont, Coll. Ailleurs et Demain
  • Traduction : Catherine Renaud
  • Couverture : Mathieu Persan
  • Nombre de pages : 160
  • Support : papier (13,90 €) et numérique (9,99 €)

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