Un Psaume pour les recyclés sauvages – Becky Chambers

Pour vous qui avez besoin de souffler. La dédicace en ouverture du dernier livre de Becky Chambers vous dit tout ce qu’il y a à en savoir. Un Psaume pour les recyclés sauvages, novella qui vient de remporter le prix Hugo 2022 du meilleur texte court, fait partie des livres de la rentrée littéraire chez l’Atalante, éditeur exclusif de tous les textes de l’autrice à ce jour en France. Celle-ci ayant acquis une solide réputation dans l’hexagone auprès du lectorat d’imaginaire pour son approche résolument solaire et optimiste de la science-fiction, au point qu’elle en soit devenue la représentante la plus célébrée du courant hopepunk, chaque nouvelle parution signée de son nom crée une excitation tangible dans notre petit microcosme et fait causer.

Personnellement, je n’avais pas été particulièrement enthousiasmé par la série des Voyageurs – constituée de L’Espace d’un an (2016), Libration (2017) et Archives de l’exode (2019) – qui trainait un peu trop en longueur à mon sens et avait suscité chez moi un vague ennui bienveillant. C’est comme le thé. J’envie les personnes qui y trouve un tel réconfort qu’elles peuvent en boire de grandes quantités, mais c’est un goût que je ne partage pas. J’ai une préférence pour le café noir, serré. De la même manière, je trouve Becky Chambers plus convaincante dans la forme courte, et j’avais ainsi été très agréablement surpris, et touché, par Apprendre, si par bonheur…, autre novella précédemment publiée chez L’Atalante. Ce qui nous amène à Un Psaume pour les recyclés sauvages.

Nous sommes ailleurs et dans un autre temps. Une lune orbitant une planète à une époque post-industrielle. Il y a eu la Transition. L’humanité a dû trouver un compromis avec la Nature après l’avoir brutalisée, et revenir à un mode de vie responsable. La technologie n’a pas été abandonnée, elle fait partie de la solution aux problèmes du passé. Mais elle n’a plus la même emprise sur les vies. Dans le même temps, les robots ont acquis la conscience, et avec la bénédiction de leurs créateurs, ont abandonné les tâches pour lesquelles ils avaient été conçus et se sont retirés de la société des hommes. Les uns et les autres ne se sont pas croisés depuis deux siècles, et tout va bien. Becky Chambers décrit une forme d’utopie futuriste apaisée, harmonieuse.

« J’ai lu des livres, des textes monastiques, tout ce que j’ai pu trouver. J’ai redoublé d’efforts dans mon travail, j’ai accompli des pèlerinages dans tous les lieux qui m’inspiraient autrefois, j’ai écouté de la musique, j’ai admiré des œuvres d’art, j’ai fait du sport, j’ai fait l’amour, j’ai fait attention de dormir suffisamment et j’ai mangé équilibré, et malgré tout, quelque chose manque. »

Ce qui manque à Dex, c’est le sens. Froeur Dex est moine de thé. Sa vocation monastique remonte à loin, à l’enfance. Quittant la ville et le monastère, Dex s’engage sur les routes avec sa roulotte électrique pour faire ce que font les moines de thé : alléger les petits tracas du quotidien en servant un thé réconfortant à ceux qui ressentent le besoin de souffler un moment. Et si dans cette mission, Dex excelle, elle ne suffit pas. Froeur Dex traverse une crise existentielle qui l’amène en dehors des chemins. C’est là qu’iel fait la rencontre d’un robot, Omphale. Tous deux seront amenés à faire connaissance.

Un Psaume pour les recyclés sauvages est une fable philosophique qui, par de nombreux aspects, emprunte au bouddhisme. Texte court, il est aussi lent à démarrer, étonnamment. Mais sa deuxième partie, celle où le chemin est le prétexte à une discussion entre un moine et un robot sur le sens de la vie, égrainant au passage les réflexions sur les différences culturelles et le rapport à l’altérité et au monde, est ce qui fait tout son intérêt. S’il n’a pas le piquant d’Apprendre, si par bonheur… le texte est une courte lecture agréable et… apaisante. Si vous avez besoin de souffler pendant une heure.


D’autres avis : L’imaginarium électrique, Ombrebones, Le Nocher des livres, Vive la SFFF, Au Pays des Cave Trolls,


  • Titre : Un Psaume pour les recyclés sauvages
  • Autrice : Becky Chambers
  • Traduction : Marie Surgers
  • Publication : 15 septembre 2022, L’Atalante
  • Nombre de pages : 136
  • Support : papier et numérique

16 réflexions sur “Un Psaume pour les recyclés sauvages – Becky Chambers

  1. Je partage assez ton avis, déjà concernant les romans de Chambers dont je vois les qualités mais que je trouvais aussi assez longuets. Je la trouve bien plus brillante sur le format court. Ensuite, j’ai préféré aussi « Apprendre » mais je trouvais ce texte-ci très riche. Je l’ai donné en lecture à ma classe d’aides soignants d’ailleurs, je trouvais ça approprié.

    Aimé par 1 personne

      1. Il me semblait aussi puis ça permet d’aborder la thématique des différences culturelles avec l’autre et de montrer comment y réagir positivement. Les recoupements avec mon cours sont tellement nombreux que je vais l’acheter en papier et le relire bientôt pour y mettre tout un tas de post-it ^^’

        Aimé par 1 personne

  2. merci pour cette critique plus nuancée que toutes celles que j’avais lues jusqu’à présent. J’avais l’impression d’être bien seule face à cette lecture encensée par tous et qui m’a laissée de marbre. Ne suis-je pas sensible à la SF « optimiste » ? J’ai trouvé cela très lent, et finalement les messages philosophiques et bienveillants m’ont passablement ennuyée. J’ai aussi été déstabilisée par l’absence de genre du héros/ de l’héroïne. Cela a instauré une certaine distance dans ma lecture, ce personnage n’avait pas de visage ou de représentation mentale, j’avais le sentiment presque de lire un essai… mais un essai bien plat. J’ai été toute déçue face à ce roman dont j’attendais tant et qui m’a laissée sur le bas-côté…

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.