Riot Baby – Tochi Onyebuchi

Ella est encore une enfant habitant la ville d’Inglewood dans le comté de Los Angeles lorsqu’en 1992 l’acquittement des policiers ayant brutalisé Rodney King déclenche des émeutes qui dureront six jours et feront plusieurs dizaines de victimes. Ella a des visions. Ella voit le destin, généralement violent, des gens qui l’entourent.

Quelques années plus tard, la famille a déménagé à Harlem. Ella a un truc. Elle peut faire exploser à distance la tête des rats. L’histoire est celle de Kevin, le jeune frère d’Ella, surnommé « Riot Baby » parce qu’il est né pendant les émeutes de 92.  Ella a maintenant des crises d’épilepsie, et lorsque ça arrive, les meubles volent dans l’appartement. Dehors, c’est toujours la même histoire qui se répète. Les gangs traficotent et foutent la merde dans les quartiers pauvres, les flics débarquent et cognent au hasard. Puis un nouveau drame. Cette fois-ci c’est Sean Bell qui est tué par cinq officiers de police à New York alors qu’il fêtait son enterrement de vie de garçon et sortait d’une boite de nuit avec des amis. 50 balles sont tirées. Bell n’était pas armé. Ella disparait.

Kevin finit lui aussi par croiser le chemin de la police. Il est en prison à Rikers Island pour un cambriolage raté. Il ne ressortira que des années plus tard.

Tochi Onyebuchi ne s’était pas jusqu’ici illustré comme un auteur énervé. C’est un auteur américain, né sur la côte Est américaine de parents nigérians. Après avoir débuté une carrière dans le droit civique auprès du procureur général de New York, il a écrit trois romans Young Adult entre 2017 et 2019. Puis, en 2020, il publie son premier roman adulte Riot Baby. Et là on se rend compte qu’il en a gros sur le cœur. Riot Baby est un roman de science-fiction relativement court, une novella politique de 170 pages. L’auteur y développe idées et pistes, en nombre suffisant pour rendre le roman dense, dans un univers qui part de l’Urban Fantasy, en invoquant des éléments qui relèvent de la magie – les pouvoirs d’Ella – pour déboucher –  à travers Kevin – sur une dystopie cyberpunk cauchemardesque. Le tout forme une histoire de la violence raciste institutionnalisée allant du passé vers l’avenir. Sa brièveté le rend d’autant plus puissant qu’il est porté par une écriture particulièrement travaillée. Nous avons en France un auteur à l’imaginaire énervé, comme Tochi Onyebuchi. Il s’appelle Thomas Day et il a écrit une nouvelle titrée 7 secondes pour devenir un aigle, qui est le texte qui me vient à l’esprit quand je cherche une comparaison avec le roman de Tochi Onyebuchi.

Au moment où l’Amérique du Nord mesure à peine encore l’ampleur du mouvement Black Lives Matter, Riot Baby n’est pas un appel au calme et à la paix civile. Ce temps là est révolu, d’ailleurs il n’a jamais été. C’est plus un appel aux barricades que lance Tochi Onyebuchi qu’un appel à une conciliation qui cache toujours un mensonge. Vous connaissez cette expression chère aux éditeurs et aux critiques « un roman coup de poing » ? Si je voulais poursuivre ce type d’analogie, alors Riot Baby serait un roman « .357 Magnum ». Sa radicalité pourrait ne pas plaire à tout le monde… Je l’ai trouvé brillant.

Mise à jour : Les éditions Albin Michel ont acquis pour leur département Albin Michel Imaginaire les droits de traduction du roman Riot Baby de Tochi Onyebuchi, ainsi que ceux de deux articles de contextualisation et ceux de la nouvelle “The Hurt Pattern”. Le tout sera traduit par Anne-Sylvie Homassel. Ce sera sous doute très intéressant de lire les articles de contextualisation.


D’autres avis : Gromovar, et sur la VF : Le Maki,


  • Titre : Riot Baby
  • Auteur : Tochi Onyebuchi
  • Publication : 21 janvier 2020 chez St Martin’s Press
  • Langue : anglais
  • Nombre de pages : 176
  • Format : relié et ebook

15 réflexions sur “Riot Baby – Tochi Onyebuchi

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