The Relentless Moon – Mary Robinette Kowal

The Relentless Moon est la troisième installation de la série The Calculating Stars de Mary Robinette Kowal, débutée en 2018 avec le roman qui lui a donné son nom : The Calculating stars. L’autrice américaine y propose un univers uchronique dans lequel une météorite a frappé la Terre le 3 mars 1952. La côte Est américaine est rayée de la carte, des incendies gigantesques ravagent les régions avoisinantes, des tsunamis balayent les océans, les cieux s’obscurcissent. Des millions de victimes sont à déplorer et des réfugiés de partout affluent vers les zones préservées. Mais le pire reste à venir. Les dérèglements climatiques qui s’annoncent et qui, sur le long terme – un siècle tout au plus -, vont probablement réduire à néant les chances de survie sur la planète. Les Nations Unies décident de lancer un programme d’exploration spatiale pour permettre à l’humanité, un jour éventuellement, de quitter la Terre et trouver refuge sur la Lune ou sur Mars. L’International Aerospace Coalition (IAC) est créée dans ce but. Comme dans toute uchronie qui se respecte, Mary Robinette Kowal s’inspire de faits et de personnages réels et de l’époque, et notamment en ce qui concerne le rôle tenu par les femmes dans le développement du programme spatial américain (voir à ce sujet le film Les Figures de l’ombre de Theodore Melfi). Le niveau technologique et scientifique est celui de la première moitié du siècle, l’informatique est balbutiante, et Kowal avait non sans humour collé l’étiquette « punchcard-punk » à son premier roman. Autre aspect important de la série, cette Amérique est bien socialement et culturellement celle des années 50, avec les préjugés sexistes et  racistes que cela amène. C’est dans ce cadre que se déroule les trois romans du cycle qui accolent ainsi les deux thématiques de l’exploration spatiale et des luttes sociales avec pour message que l’humanité ne progressera qu’en embrassant toutes ses composantes.

Le premier volume du cycle, The Calculating stars,  racontait l’histoire de la « lady astronaut » Elma York et la conquête de la Lune. Ce très bon roman avait remporté le prix Nebula 2019, le prix Hugo 2019, et le Sidewise 2019. Le second volet, The Fated Sky, était nettement moins réussi et racontait la conquête de Mars. Il souffrait à mon avis d’un très grand déséquilibre entre le côté rétro-hard-SF qui faisait le charme du premier et qui était là abandonné au profit d’une approche entièrement centrée sur les rapports humains marqués par le racisme de l’époque, mais traités avec des gros sabots. Empêtrée dans ses problèmes psychologiques, Elma York devenait insupportable et nuisait au roman, d’autant qu’elle était entourée de personnages secondaires caricaturaux.

Dans The Relentless Moon, Mary Robinette Kowal se reprend et change de personnage principal pour relancer la dynamique du cycle. Et cela fonctionne plutôt bien. Le roman débute en 1963 et revient sur les évènements se déroulant sur la Terre et sur la Lune durant la mission martienne décrite dans The Fated Sky. On retrouve ainsi les grandes lignes de la trame historique connue depuis le deuxième volet, ici vue depuis l’autre côté.

Washington ayant été détruite, la capitale des Etats-Unis a été transférée à Kansas City, où se trouve aussi le centre de l’IAC pour l’Amérique du Nord. Des centaines de personnes vivent et travaillent désormais dans l’espace, soit sur la station spatiale relais Lunetta, soit sur la base lunaire permanente installée depuis 1961, dans le but d’offrir un avenir à l’humanité. La situation sur Terre ne cesse de se dégrader, les inondations et les ouragans font des milliers de victimes à travers le monde, et ce n’est qu’un début. Face à cela, on comprend que tout le monde n’est pas convaincu de la pertinence d’un programme spatial couteux tourné vers un avenir hypothétique alors que l’argent pourrait être utilisé pour soulager les besoins de ceux qui souffrent ici et maintenant. Les manifestations plus ou moins violentes sont nombreuses et la situation politique est tendue aux Etats-Unis. L’opposition à l’IAC s’exprime de façon extrême à travers l’organisation terroriste d’inspiration religieuse et d’extrême-droite Earth-First que l’on avait déjà croisé dans The Fated Sky. The Relentless Moon raconte le combat que les astronautes de l’IAC vont devoir mener contre cette organisation et ceux qui sont sympathiques à ses idées.

Elma York volant au loin vers Mars, ce qui nous fait des vacances, l’héroïne du roman est Nicole Wargin, une femme de 50 ans, ancienne pilote des WASPS durant la seconde guerre mondiale, l’une des six membres du groupe original des « astronettes », et femme de Kenneth Wargin, gouverneur démocrate du Kansas. Nicole Wargin a un caractère très différent d’Elma York, quand bien même elle souffre elle-même de troubles du comportement qui ne lui facilite pas l’existence (Il s’agit là d’une des thématiques récurrentes chez l’autrice). C’est une femme au caractère bien trempé, sûre d’elle et de ses aptitudes. Alors qu’elle se rend une nouvelle fois sur la base lunaire, les incidents techniques s’accumulent et rapidement il devient raisonnable de soupçonner que Earth First a réussi à infiltrer l’IAC jusqu’à avoir introduit l’un de ses membres sur la base lunaire. L’avalanche de catastrophes touchant la base lunaire est sans fin, l’action omniprésente, et la paranoïa est un mode de survie. Ne pouvant faire confiance à personne, Nicole va tout de même devoir trouver des alliés, ce qu’elle fera parmi les anciens de l’IAC avec lesquels elle a déjà partagé des aventures spatiales.

The Relentless Moon est un vrai page-turner qui prend la forme d’un roman d’espionnage, une sorte de James Bond sur Lune, avec des accents de techno-thriller puisque Mary Robinette Kowal y retrouve ce goût pour la hard-SF, et tout ce qui entoure l’espace et ses (mauvaises) surprises, qui marquait le premier volet de la série. Il faut souligner que Mary Robinette Kowal connait parfaitement son sujet. Depuis les débuts de la série, elle collabore avec la NASA et suivre ses tweets Live lors des manœuvres de la NASA est fort instructif. La composition de la trame du roman est assez remarquable car chaque élément a son importance, et le moindre détail reviendra hanter le récit quelques dizaines ou centaines de page plus loin. Tchekhov a retrouvé son fusil. L’autrice fait aussi des correspondances bien amenée entre scènes séparées dans le temps et l’espace.

Le roman parle toujours aussi du sexisme et du racisme de l’époque, mais de façon beaucoup plus imbriquée dans le récit que dans le précédent volume. L’autrice a cette fois-ci semble-t-il pris soin de revenir à un équilibre qui sert son propos. Progrès scientifique et progrès social s’alimentent à nouveau l’un et l’autre au service de l’histoire.

Tout n’est pas sans défaut. L’écriture de Kowal reste très méthodique avec un style  trop utilitaire pour provoquer un émoi littéraire. Mais là encore, alors que la grille de composition perçait à travers le récit de manière beaucoup trop voyante dans The Fated Sky, l’autrice a pris soin de travailler son texte pour lisser cet aspect et rendre la lecture plus naturelle et fluide.

En conclusion

Si The Relentless Moon ne provoque pas l’émotion du premier volet du cycle (en ce qui me concerne), il fait oublier les défauts du deuxième. Le choix de Mary Robinette Kowal de changer de personnage principal est salvateur. Il permet de relancer la série et de livrer un thriller politico-technologique uchronique qui fonctionne comme un page-turner. Sa lecture est plaisante et le livre de 540 pages se lit d’un trait, tout en étant efficace sur ses thématiques centrales qui sont l’aventure spatiale et sociale de notre époque.


Un autre avis : Apophis,


  • Titre : The Relentless Moon
  • Cycle : The Calculating Stars
  • Autrice : Mary Robinette Kowal
  • Publication : 14 Juillet 2020 chez Tor Books
  • Langue : anglais
  • Nombre de pages : 544
  • Format : Relié et ebook

9 réflexions sur “The Relentless Moon – Mary Robinette Kowal

  1. Je n’en suis qu’à 26%, mais je suis (pour le moment) un peu moins enthousiaste que toi. J’ai trouvé le premier quart très poussif et trop orientée problèmes de couple (sur cette partie là, je ne parlerai, pour ma part, certainement pas de page turner), même si je suis d’accord pour dire que Nicole est plus intéressante qu’Elma. Je regrette juste que Kowal se soit sentie obligée de lui coller des problèmes psychologiques à elle aussi, parce que c’était justement le côté sûre d’elle qui me plaisait chez Nicole au début du bouquin. Je viens juste d’entamer la partie lunaire, et effectivement, on sent tout de suite la différence par rapport à la partie terrestre. Critique à suivre lundi prochain !

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