
Il y avait des soldes chez Bragelonne, alors j’ai pris ça. Nous sommes légion (nous sommes Bob) est le premier roman publié de Dennis E. Taylor, informaticien canadien devenu depuis écrivain à plein temps. Ce roman a une histoire éditoriale intéressante. D’abord rejeté par les éditeurs contactés, l’agent de Dennis E. Taylor arrive à le passer chez Audible, la marque Amazon des livres audio. Publié le 20 septembre 2016, il grimpe rapidement en tête des ventes et devient le livre audio le plus vendu du site. C’est un peu une histoire à la Seul sur Mars sans l’adaptation au cinéma. Repéré par les éditions Bragelonne en France, il est traduit et publié en français en 2018. C’est le premier volume d’une série qui compte à ce jour trois livres et forme le Bobiverse. Les deux tomes suivants, Nous sommes nombreux et Tous ces mondes sont sortis en 2018 et 2019 chez Bragelonne. Un quatrième tome est en cours d’écriture. En Outre-Atlantique, l’ensemble de la série est un best-seller vendu sous le label « hard science fiction ». On me fera un procès pour élitisme et condescendance, mes excuses aux familles, mais nous sommes d’accord, chers lecteurs et lectrices, que hard-SF et best-seller dans la même phrase ne présume rien de bon, si ? Non. Nous sommes légion (nous sommes Bob) n’est pas foncièrement un mauvais livre de SF. Ce n’est pas non plus de la hard-SF. C’est un livre de divertissement qui s’adresse à des lecteurs qui entrent en SF et souhaitent une lecture légère à emporter avec sa serviette sur la plage, quand le hardSFeur préférera la plongée des grands fonds sous nitrox ou les parties de Beach Volley quantique.
Parlons de Bob. Bob est riche. Il vient de vendre la start-up d’informatique qu’il dirigeait depuis 10 ans dans la Silicon Valley. Geek assumé, il se rend à une convention de science-fiction à Las Vegas et se fait écraser par une voiture en traversant la rue. Bob est mort. Avant de mourir, il a signé un contrat avec CryoEterna, une startup qui vous propose contre une somme rondelette de vous décapiter pour congeler votre cerveau et le ramener à la vie quand…. Et bien quand ce sera possible. Ce début de roman est en tout point identique au dernier livre de Neil Stephenson Fall, or Dodge in Hell que je chroniquais récemment. À ceci près que We are Legion (we are Bob) a été écrit trois ans plus tôt et que les deux histoires divergent dès le premier chapitre passé. Lorsque Stephenson envoie Dodge dans le cyberespace, Taylor envoie Bob dans l’espace. On trouvera dans les deux récits d’autres points communs. La principale différence toutefois est que Fall, or Dodge in Hell est bien écrit et se donne les moyens de ses ambitions (quand bien même je n’ai pas apprécié le résultat).
BOB 2.0
Robert Johansson, autrement dit Bob, se réveille 117 ans plus tard. Enfin, pas vraiment. Il n’est plus Bob, mais un Bob 2.0, une intelligence artificielle créée à partir des souvenirs et de la personnalité de Robert Johansson. L’Amérique du Nord est désormais une dictature religieuse, FAITH, est Bob est la propriété d’une entreprise privée, sous contrat gouvernemental. Les grandes nations sont à couteaux tirés dans la colonisation de l’espace à la recherche d’une planète suffisamment accueillante pour satisfaire les tendances expansionnistes d’une humanité qui commence à envisager qu’elle va devoir se trouver un refuge faute d’avoir pris soin de la planète mère. La compétition est rude et l’une des solutions tentées est d’envoyer des sondes d’exploration pilotée par des IA, ou plutôt des réplicants comme Bob. Je vous passe les détails, mais Bob passe les tests haut la main, et est envoyé dans l’espace. Il n’est pas qu’une simple sonde capable de voyager à des vitesses très élevées à travers l’espace interstellaire, mais aussi une machine de van Neumann capable de se répliquer dès lors qu’il trouve et dispose des ressources nécessaires. Et il va se répliquer.
Bob l’explorateur
Nous allons ainsi suivre Bob et ses déclinaisons de Juin 2133 à Septembre 2188 à travers les quelques 20 années lumières qui entourent la planète Terre, à la recherche de planètes habitables, tentant parfois d’échapper à des sondes concurrentes et ennemies (celles envoyées par l’empire brésilien). Le roman développe ainsi plusieurs lignes narratives en parallèle. Dennis E. Taylor, comme son personnage, est un geek assumé. Son roman regorge de références à la SF et la pop culture. Bob se voit ainsi comme un capitaine de vaisseau à la Star Trek. Les récits d’exploration en ont la saveur lointaine. Alors que Bob 2.0 découvre une planète habitée dont il va prendre la population autochtone sous son aile, jouant les divinités interventionnistes, d’autres instances explorent les étoiles, terraforment des planètes. D’autres encore retournent vers la Terre et tenteront de sauver les restes d’une humanité qui s’est autodétruite dans une guerre globale. Nous sommes légion (nous sommes Bob) touche donc à des thématiques riches et porteuses en SF, que ce soit le téléchargement des consciences, l’intelligence artificielle, l’exploration spatiale, la terraformation et l’exode des populations, le premier contact, etc. Tout ceci pourrait donner une formidable aventure mais, malheureusement, il semble que Dennis E. Taylor n’arrive jamais à prendre très au sérieux sa propre histoire et le ton reste léger, même lorsque les drames s’accumulent, jamais très méchamment. L’humour est de mise mais pas la profondeur du propos. De tensions qui porteraient le récit, il n’y a pas. Bob ne connaîtra jamais, ou si peu que s’en est comique, les angoisses existentielles, et les humains sont relégués au rang de caricature à gros traits dessinées. D’autres auteurs ont déjà depuis longtemps traité ces mêmes thématiques avec beaucoup plus de conviction et de brio.
En conclusion
Vous savez ce sentiment de détachement que vous éprouvez lorsque vous êtes chez des amis, que votre verre est vide, que le mioche s’est tiré avec le bol de Curly pour aller s’empiffrer avec le chien, et que vous devez assister à la séance photos de vacances ? Vous souriez afin de garder un semblant de bonnes manières mais quand bien même les paysages sont attrayants, vous vous ennuyez car les clichés figés manquent singulièrement de chaleur. Et bien là c’est pareil. Il y a tant à dire, tant à faire dans l’univers. Mais ce ne sera pas dans ce livre-là. Si l’exploration post-humaine de l’univers vous intéresse, je vous recommande plutôt Diaspora de Greg Egan.
Titre : Nous sommes légion (nous sommes Bob)
Cycle : Nous sommes Bob 1/4
Auteur : Dennis E. Taylor
Éditeur : Bragelonne (20 juin 2018)
Nombre de pages : 380
Support : papier et ebook
OK, donc Les envoyés de Sean Williams / Shane Dix, en plus geek, en moins sérieux et en moins bien, alors.
(sinon, Hard SF et best-seller, ça peut le faire, cf Seul sur Mars).
A part ça, rien à voir, mais j’ai commencé la nouvelle antho de Strahan, et je suis curieux d’avoir ton sentiment sur la nouvelle d’Egan ouvrant ce recueil. Je l’ai trouvée complètement abracadabrante, pour ma part.
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Idem. Je laisse reposer avant de la relire car je n’ai même pas le sentiment d’avoir du Egan dans ce texte.
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Et sinon, oui je suis d’accord, Seul sur Mars est une des rares exceptions qui confirment la règle.
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Et justement, Strahan raconte dans la préface de Mission Critical que le thème de l’antho lui a été inspiré par Seul sur Mars.
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Oui, j’ai vu. Et par Apollo 13.
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J’attends impatiemment le crossover Bobiverse X Bob le bricoleur.
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Peut-être dans le tome 2, si ça se trouve ! :-))
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Du coup je suis moins triste d’avoir loupé la promo ! :-p
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Les soldes, c’est très surfait.
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Vous avez sûrement raison pour le manque d’originalité et le côté aurait pu être mieux traité mais ce livre a selon moi une qualité importante : il est très divertissant, je trouve donc votre conclusion un peu dure, mais chacun son avis !
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Bonjour Yann. Je le trouve aussi divertissant, mais pas sur la durée. Il aurait proposé une dimension supplémentaire au simple fun, que je me serai laissé totalement embarqué je pense.
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Par contre, pour quelqu’un qui découvre la SF, ce roman pourrait être une bonne entrée en matière? J’adore ta conclusion! Qui ne s’est pas déjà trouver dans cette situation? Lol!
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Sur tes conseils je vais continuer tranquillement ma ecture de Diaspora…
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C’est un très bon choix de vie 😁
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Bonjour,
J’ai l’impression de lire le même argument que les soi-disant cultivés du cinéma crachant sur « avengers: endgame! »
« Ce n’est pas du cinéma, c’est du divertissement! Regarder du Bergman ou du Lars von trier ça c’est du cinéma! »
Et j’ai envie de vous dire, comme pour le cinéma, on s’intéresse pas à une oeuvre juste pour « briller » en société!
Mais si celle des gens qui se regardent de haut vous parlant avec la bouche en cul de poule De ce qu’est le vraiment la Culture.
Ce qui fait pour le commun des mortels qu’une oeuvre est aimé, et ça va vous paraître choquant, c’est d’abord de la « distraction »
Alors oui « nous sommes Bob » est un divertissement. Mais quel bon divertissement! Surtout pour un premier roman.
Oui j’aime beaucoup.
Et j’ai lu beaucoup de S.F. Allant du A.E. Van Vogt, du grand franck Herbert, Et d’autres.
Et j’ai essayé, suivant vos conseils, Greg Egan que je ne connaissais pas.
La cité des permutants… j’ai pas aimé du tout. Trop indigeste. L’impression de lire une these de chimi et d’informatique qu’un roman…
Chacun c’est goût… hein?
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C’est ça, chacun ses goûts. C’est le propre de la littérature. Vous avez l’air de prendre pour une insulte personnelle le fait que d’autres n’aiment pas les mêmes livres ou les mêmes films que vous. Ou alors que ce soit une prétention intellectuelle de leur part. Respirez, tout va bien. Nous avons tous des goûts, des attentes, des recherches différentes. Deux personnes qui aiment le même livre ne l’aiment jamais pour les mêmes raisons. On n’est pas dans la tête des autres, et ce que vous appelez le « commun des mortels », ça n’existe pas. Effectivement l’humour de Taylor me laisse froid. Et personnellement, Greg Egan me parle. Je suis scientifique de métier, ça me va qu’on me parle de physique, de chime, ou d’informatique. D’autres auront un autre avis mais je ne peux pas me mettre dans leur tête. Mon avis m’est propre, je ne prétend pas à l’universalité en écrivant une chronique de livre. (Et puis, sérieusement, si j’étais aussi hautain que vous semblez le dire… je ne lirais pas de la science-fiction, cette « sous-littérature pour ados boutonneux », non ? Chercher à briller en société en parlant de SF, c’est pas la meilleure idée qu’il soit. Vous avez essayé ?)
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bon tout d’abord, note pour moi-même, ne jamais ecrire un post sur son smartphone… une partie de ce que j’ai ecrit semble décousu…
Pour vous répondre, chacun c’est gout effectivement.
Je ne prends pas pour moi votre critique parce que j’aime bien ce livre.
ni parce que je voudrais que tout le monde aime les même livres que moi… loin de là.
Je n’accepte pas cette « condescendance », ce snobisme intellectuelle sur une oeuvre simplement parce que c’est « commercial » où « juste divertissant ».
C’est tres reducteur et parfaitement, je trouve ,de l’ordre du snobisme intellectuel.
Ce que l’on retrouve beaucoup dans d’autres médias et notamment le cinéma.
(d’où mon parallèle… le cinéma pour briller en société, pas la S.F. )
Je ne pensai pas retrouver un jour dans la S.F. cette condescendance.
mais voilà qu’au détour d’une recherche je suis tombé sur votre article.
Et la conclusion m’as paru injuste: qu’une oeuvre soit « divertissante » n’en fait pas une oeuvre de second plan.
Du coup dans la S.F., une « sous-litterature pour ados boutonneux » , être au second plan ç’est vraiment pas terrible.
voilà,
je ne suis pas en colère ou faché. j’expose un point de vue different des differents commentaires que j’ai pu lire, c’est tout.
Les goûts…
Je reste ouvert, j »essaierai « Diaspora »
bonne journée à vous
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Et moi ce que je voulais dire c’est qu’il n’y a pas de condescendance de ma part en ce qui concerne ce livre. Si je lis de la SF, voire quasiment que de la SF, c’est que je trouve ça divertissant. J’en parlais aujourd’hui même sur twitter avec quelqu’un qui ne l’a pas apprécié : j’aime Le Guide du voyageur galactique parce que c’est amusant. Complètement absurde et très divertissant. Taylor ne m’a pas amusé et d’un point de vue des idées purement SF, c’est déjà vu en mieux. Diaspora, je préfère vous prévenir, c’est hard. C’est un cours de physique du début à la fin. Si vous préférez la SF plus légère, plus divertissante, moi je vous conseille la série de l’interdépendance de Scalzi chez L’Atalante. C’est du pur divertissement, de très bonne qualité je trouve. J’en parlais là : https://lepauledorion.com/2020/01/03/leffondrement-de-lempire-john-scalzi/ et là https://lepauledorion.com/2020/03/01/linterdependance-tome-2-les-flammes-de-lempire-john-scalzi/.
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Je suis d’accord.
J’ai lu les 3 tomes sans les lacher, j’ai adoré et pourtant je lis de tout en sciences fiction.
Ca change des bouquin qu’on lit avec un bloc note pour comprendre.
Les touches d’humour sont très fun et très cyniques.
Je recommande ce bouquin à tous mes amis qui veulent se divertir et lire de la SF.
J’espere qu’il y aura des suites.
Effectivement dur pour briller en société, mais purée ca fait du bien à la tete comme bouquin.
Mélange de SF et de Terry Pratchett pour moi, coté critique humour cynique de la société.
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