Seul sur Mars – Andy Weir

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Seul sur Mars est à mon avis un roman de science-fiction très réussi, s’inscrivant dans le genre particulier de la hard SF, genre qui peut repousser les esprits plus littéraires que scientifiques, mais qui à mon sens à le double mérite de respecter à la lettre ce qu’est la littérature de science-fiction (avec le mot science devant fiction) et d’éviter de bassiner le lecteur avec des tartines d’invraisemblables inepties. C’est un choix de lecture !

Je retiendrai deux qualités principales à ce livre. La première est l’humour, présent à chaque page, et très anglo-saxon. La seconde est la précision technique de l’auteur. Les descriptions faites par Mark Watney (astronaute, ingénieur, botaniste et accidentellement Robinson Crusoé martien) et l’ingéniosité qu’il met en oeuvre pour tenter de survivre à une situation plus que désespérée sont tout à fait remarquables.

Laissez-moi vous résumer ma situation : je suis coincé sur Mars, je n’ai aucun moyen de communiquer avec Hermès ou la Terre, tout le monde me croit mort et je suis dans un Habitat censé pouvoir durer trente et un jours. Si l’oxygénateur tombe en panne, je suffoque. Si le recycleur d’eau me lâche, je meurs de soif. Si l’Habitat se fissure, j’explose ou un truc comme ça. Dans le meilleur des cas, je finirai par crever de faim. Ouais, je crois bien que je suis foutu.

J’ai eu plaisir à le lire, de nombreux fous rires, et si je l’ai occasionnellement refermé, c’est bien qu’il me fallait moi aussi survivre (manger, travailler, dormir, enfin tous ces trucs du quotidien). Je le recommande donc aux lecteurs passionnés de science-fiction, avec une coloration science très affirmée, ainsi qu’aux amateurs d’exploration spatiale.

Pourtant, deux critiques principales reviennent souvent à propos de ce livre, et qui appellent à mon avis quelques remarques. La première serait le manque de profondeur dans les sentiments exprimés par le personnage principal : le fait qu’il ne semble pas déprimer, se lamenter sur son sort, ou passer ses journées à pleurer, plutôt que mettre toute son énergie à sauver sa peau comme il le fait ici. Certes, il n’est pas très expansif, et à part quelques crises (« Vous savez quoi ? J’en ai rien à foutre !… ») rapidement recadrées (« Soupir…D’accord, j’ai fait ma petite crise, et maintenant je dois trouver un moyen de rester en vie »), nous sommes ici plus proches d’un récit à la Apollo 13 que de Madame Bovary. Mais si c’est Madame Bovary que vous vouliez lire, choisir un livre qui s’appelle « Seul sur Mars » est sans doute un choix inopportun, vous en conviendrez. D’autre part, la narration est organisée autour des entrées de l’astronaute Mark Watney dans le système informatique de la station martienne Ares 3. Il ne s’agit pas d’un journal personnel, mais du compte rendu de ses activités au jour le jour, à destination d’hypothétiques futurs astronautes. Les trous dans ces entrées, parfois de plusieurs jours, correspondent justement à des moments de faiblesse. Et lorsque l’espoir revient, après le premier contact avec la Terre, il annonce, non sans humour, qu’il effacera les entrées les plus « embarrassantes ». Pour l’anecdote, Neil Armstrong était surnommé « Mister Cool » par ses collègues. Au moment du décollage d’Apollo 11, son rythme cardiaque a à peine frémit. Personnellement, de longues jérémiades sur la tristesse et le désespoir de l’homme abandonné à sa solitude dans le désert froid et monochrome du sol martien m’aurait vraiment fortement ennuyé.

La deuxième critique pose sur les trop nombreux détails techniques. Encore une fois, c’est un astronaute, ingénieur et botaniste, qui écrit dans le système de rapports d’une mission officielle de la NASA. Sérieusement, on ne saurait s’attendre à autre chose, l’exploration spatiale n’étant en général pas conduite sur le terrain par des poètes, mais par des hommes et des femmes au pedigree nettement porté sur la technique et les sciences. J’en reviens à Apollo 13 : le plus grand moment de poésie du commandant Jim Lovell restera « Houston, on a un problème ». Le reste des échanges fut une suite de commandes à suivre pour sauver sa peau. Personnellement, je trouve plus crédible Mark Watney qui m’explique concrètement comment il s’en sort en bricolant un système avec un générateur, un filtre et deux bouts de scotch (à la Apollo 13), plutôt qu’une Ryan Stone qui dans Gravity retrouve la chaussure rouge de sa fille disparue sous son lit et saute dans l’espace pour rejoindre à la nage la station orbitale chinoise. Mais, bien sûr, c’est vous qui voyez.


D’autres avis : Lectrice Hérétique


Livre : Seul sur Mars
Auteur : Andy Weir
Publication : 2014 chez Bragelonne (VO 2011)
Traduction: Nenad Savic
Nombre de pages : 408
Format : papier et ebook


5 réflexions sur “Seul sur Mars – Andy Weir

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