Pat Cadigan est une autrice née en 1953 dans le Massachusetts aux Etats-Unis et devenue citoyenne britannique en 2014. Elle a reçu le prix Arthur C. Clarke en 1992 et 1995 pour ses romans Synners (Les Synthérétiques, Denoël, 1993) et Fools (Mise en abyme, J’ai Lu, 1996), ainsi que le prix Hugo en 2013 pour la nouvelle The Girl who went out for sushi publiée dans l’anthologie Edge of Infinity de Jonathan Strahan. Elle est généralement considérée comme une autrice appartenant au mouvement cyberpunk, bien que ses écrits ne se limitent pas à ce sous-genre de la SF. C’est le cas de Chalk, court texte de 32 pages publié initialement comme chapitre de livre dans la série This is Horror (2013), puis diffusé en format électronique, et qui se veut être une novelette d’horreur. On se trouve plutôt dans ce que je qualifierai de fantastique allégorique.
Pat Cadigan a utilisé de nombreux éléments autobiographiques dans son texte, à la manière d’Emil Ferris dans le roman graphique Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, pour comme dans ce dernier dresser le portrait d’une enfance américaine dans une petite ville pauvre dans les années 60. Ce parallèle thématique entre les deux œuvres est évident, mais pour autant le résultat est très différent, dans la forme évidemment (vous allez me dire qu’on peut difficilement comparer un roman graphique de 800 pages et une novelette de 32 pages, et vous aurez raison), mais aussi et tout simplement dans l’intérêt que suscite la lecture. Là où Emil Ferris émerveille, Pat Cadigan déçoit.
Chalk raconte l’histoire de deux jeunes filles de 10 ans, Mary la narratrice et son amie Dee (Daffodil). La plus grande qualité de la novelette est la peinture qu’elle fait de cette petite ville qui vit au rythme des pollutions de l’air par la fabrique de plastique et de la rivière par la fabrique de papier. C’est un univers d’enfant à la géographie délimitée par la voie de chemin de fer, la route nationale, la rivière. Au-delà de ces frontières, le monde est plongé dans le brouillard, une zone grise indéfinie. Le texte replonge ainsi le lecteur dans cette perception que seul un enfant peut avoir du vaste monde qui l’entoure : il se construit un domaine, avec ses rues, ses passages secrets, ses lieux dangereux et sa cartographie réelle et imaginaire. Mary et Dee vivent toutes deux des situations familiales différentes. Mary vit seule avec une mère surprotectrice qui n’hésite pas à sévèrement la punir. Dee vit au sein d’une large famille aux règles aussi strictes pour les jeunes filles qui passent trop de temps dehors. La société américaine des années 60 laisse peu d’opportunités à de si jeunes filles pour s’épanouir et grandir. Alors Mary et Dee s’évadent en imagination. Avec de la craie de charpentier empruntée à l’oncle de Dee, elles vont marquer d’une croix les lieux à éviter, d’une étoile ceux qui peut-être sont sûrs, et du signe infini les lieux amicaux où elles peuvent se réfugier pour échapper aux adultes. C’est ici un parking, là une cabane de jardin, un buisson. Ce faisant, elles découvrent que lorsqu’elles se placent dans un lieu marqué du symbole infini, et à la condition d’être ensemble, elles deviennent invisibles au regard des autres. Mais ce jeu d’enfant va avoir des conséquences graves qui vont les séparer.
Chalk n’est pas un récit horrifique. C’est le récit de l’enfance perdue, des parcours divergents qui séparent les amis, du choix de tourner le dos à un passé douloureux pour certains ou d’y rester pour d’autres. De ce point de vue, c’est un texte réussi. Mais du point de vue récit fantastique ou horreur, on en reste au niveau de l’allégorie certes charmante mais qui ne propose pas grand chose d’autre. L’émerveillement ou le frisson ne sont pas au rendez-vous et si au début du texte je me suis dit que ça allait être bon, voire très bon, je suis resté sur ma faim la dernière page tournée. Car il faut bien dire qu’il ne s’y passe pas grand chose. Les lecteurs qui ont la nostalgie de l’enfance y trouveront certainement un texte enthousiasmant, ce n’est pas mon cas. La thématique ayant été mille fois traitée en littérature blanche, le côté fantastique étant exploité de façon minimaliste et expédié en deux lignes, Chalk de Pat Cadigan tombe pour moi dans la catégorie des textes dispensables. C’est dommage car une fin mieux produite aurait pu être puissante, même pour un texte aussi court.
Titre : Chalk
Auteur : Pat Cadigan
Publication : 2013
Langue : anglais
Nombre de pages : 32
Support : ebook
Je n’ai lu d’elle que « The Girl who went out for sushi », mais ça ne m’a clairement pas donné envie de découvrir le reste de son oeuvre. Qui pourtant est effectivement importante dans le courant Cyberpunk. Et ce n’est malheureusement pas ta critique (salutaire !) qui va me donner l’impulsion nécessaire pour lui donner une seconde chance. Dommage. Merci pour cette chronique !
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vu que tu le classes dans les dispensables, je vais m’en dispenser.
Merci!
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