
Nouvelle sortie de la rentrée dans la collection Une Heure Lumière chez Le Bélial, le court roman Les Attracteurs de Rose Street de Lucius Shepard est tout simplement magnifique. Le deuxième de couverture essaiera maladroitement de vous convaincre que le texte s’empare de l’esthétique Steampunk. Il n’en est rien. Le roman de Shepard invoque le roman néogothique anglais qui mêle habilement une peinture sombre de la société londonienne de la seconde moitié du XIXe siècle, les prémices d’une science-fiction qui invente des machines effrayantes et l’apparition du fantastique derrière les rideaux de brumes noires dans les cieux industriels de l’Old Smoke. La beauté sombre du texte est soutenue par la très belle traduction de Jean-Daniel Brèque qui retranscrit admirablement dans le langage et les termes choisis l’époque et les accents très particuliers de ce roman (avec quelques perles inoubliables).
Dans la plus pure tradition du roman néogothique, le narrateur, Samuel Prothero, est homme de science, un jeune médecin aliéniste de 26 ans, arrivé il y a peu depuis le Pays de Galles dans la capitale anglaise pour se bâtir une carrière. Soucieux de remplir son carnet d’adresses au sein de la haute société londonienne, il est membre (à titre probatoire) du très sélectif Club des Inventeurs. Il y rencontre un homme au caractère peu amène, Jeffrey Richmond. Bien que très riche, Richmond a l’étrange particularité d’habiter dans l’un des quartiers les plus malfamés de Londres. Richmond va proposer au jeune homme de le payer assez grassement pour venir réaliser chez lui une analyse. Les descriptions hallucinantes (et quelque peu exagérées) faites par Prothero de sa traversée du dit quartier valent leur pesant de mots. Une fois sur place il lui sera révélé qu’en fait d’analyse on attend de lui qu’il utilise ses talents d’homme de science pour tenter de percer le mystère de l’apparition de fantômes dans la demeure de Richmond. Celui-ci a inventé des machines, les attracteurs, qui, installées sur son toit, sont censées purifier l’air pollué de la ville. En fait, ces machines attirent spectres et fantômes, esprits et manifestations de l’au-delà. Prothero est le témoin de ces phénomènes et ne peut rester longtemps incrédule. D’autant que l’histoire est beaucoup plus complexe que de simples apparitions spectrales. Richmond habite en fait la maison de sa sœur décédée, Christine, qui y tenait un bordel. Richmond a gardé à son service deux des anciennes prostituées de la maison, Jane et Dorothea, et y réside car l’une des apparitions les plus fréquentes dans la maison n’est autre que celle de sa sœur. Il tente avec ses machines d’entrer en contact avec elle. Lucius Shepard utilise ici la vague de spiritisme morbide qui était à la mode en Europe à la fin du XIXe siècle.
De folles machines qui invoquent le fantôme d’une femme assassinée dans un ancien bordel où vivent un riche inventeur fou et deux charmantes prostituées… que voulez-vous donc qu’il puisse bien arriver à ce jeune médecin de 26 ans ?
Lucius Shepard signe là un texte admirable, qui mêle pulsions érotiques et funestes (Eros et Thanatos sont de vieux amants), fascination pour le fantastique et curiosité scientifique, sexe et effroi. Les personnages, tous, sont superbes et sont chacun soit attachant, effrayant, séduisant ou cocasse (mention spéciale à Dorothea qui m’a beaucoup fait rire). Les Attracteurs rend un très bel hommage aux sources des littératures de l’imaginaire. C’est une très grande réussite et à mon avis l’un des meilleurs textes de la collection Une Heure Lumière.
D’autres avis sur la blogosphère : Apophis, Gromovar, Yozone, Acaniel, la bibliothèque D’Aelinel, l’Albedo, Blog-O-Livre, Célindanaé, les lectures du Maki, le bibliocosme, Elhyandra, Ombre Bones, L’imaginarium electrique, RSF blog,
Titre : Les Attracteurs de Rose Street
Collection : Une heure Lumière
Auteur : Lucius Shepard
Publication : 30 Août 2018 chez Le Bélial
Traduction de l’anglais : Jean-Daniel Brèque
Nombre de pages : 136
Format : papier et ebook
C’est un titre que je ne pensais pas prendre et maintenant je doute. Après Gromovar et la Yozone, ta chronique commence a faire pencher la balance… on verra demain !
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Je dois dire que je n’en attendais pas grand chose, j’ai même hésité à le prendre, et ce fut une excellente surprise.
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Je l’ai pris hier soir, je pensais le lire aujourd’hui mais j’ai eu une bonne surprise dans ma boite mail ce matin donc je le lirai un peu plus tard. 😉
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« … une peinture sombre de la société londonienne de la seconde moitié du XIXe siècle, les prémices d’une science-fiction qui invente des machines effrayantes… » En effet, absolument AUCUN rapport avec le steampunk, hein. 😉 Content que le texte t’ait plu !
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Aucun ! Non mais !
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Super! Je confirme mon achat, le 6! Merci pour ta chronique éclairante!
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Rien que cela…. Me tarde d’être au 6!
J’espère être aussi conquise que toi!
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j’espère que ça te plaira, moi j’ai adoré.
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Achat confirmé aussi 🙂
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Je l’ai fini aujourd’hui et j’ai adoré! Par contre, je suis d’accord avec toi, je ne vois pas du tout le côté steampunk ni la relation avec Jane Austen et son roman Orgueil et préjugés.
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Ah ! Je suis ravi que quelqu’un soit d’accord avec moi ! Merci !
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Merci pour le lien!
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Merci pour le lien ^_^ Très chouette chronique, je vois que toi aussi tu as été convaincu par ce texte !
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