The Freeze-Frame Revolution – Peter Watts

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Comment organiser une mutinerie lorsque vous n’êtes réveillés que quelques jours par siècle, que votre ennemi, lui, ne dort jamais, et qu’il voit et entend tout ? C’est la question que se pose Peter Watts dans The Freeze-Frame Revolution, texte de 190 pages que son auteur insiste pour qualifier de novella et qui est sorti aujourd’hui même.

Peter Watts est le cardinal de la hard-SF contemporaine (Greg Egan, le maître de Perth, en étant le pape). L’auteur canadien est principalement connu pour ses deux séries Rifters et Firefall. C’est notamment à cette dernière qu’appartient son chef-d’oeuvre Vision Aveugle (Blindsight). En France, il est aussi connu grâce à l’excellent recueil de nouvelles Au-delà du Gouffre publié chez le Bélial en 2016.  On y trouve notamment trois nouvelles, qui forment ce qui est désormais connu sous le nom de Sunflower Cycle : Éclat (Hotshot), L’île (The Island) et Géantes (Giants). The Freeze-Frame Revolution s’inscrit dans cette série en venant s’intercaler dans la chronologie de l’histoire entre Éclat et L’îleLa novella peut être lue indépendamment car Peter Watts prend soin de rappeler les éléments importants mais, bien évidemment, cela aide d’avoir lu les trois autres nouvelles pour vraiment saisir l’univers dans lequel le récit prend place.

The Freeze-Frame Revolution se déroule dans 65 millions d’années. J’entends dès lors les esprits chagrins maugréer « c’est n’importe quoi, comment voulez-vous savoir comment seront les choses dans des millions d’années, d’abord on sera tous morts, la hard-SF c’est nul. etc. » Attendez, j’explique. C’est là justement un des points importants de l’histoire.

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l’Eriophora est un vaisseau qui a été lancé dans l’espace au XXIIe siècle. Ben voilà ! En guise de vaisseau, il s’agit d’un astéroïde de près de 70 kilomètres de long et presque autant de large, qui utilise comme moyen de propulsion une singularité (un mini trou noir) logé en son cœur. Cela lui permet de parcourir une trajectoire elliptique à travers la galaxie à la vitesse faramineuse d’un cinquième de celle de la lumière. Il accueille en outre à son bord 30 000 passagers spécialement éduqués dès l’enfance (certains diraient fabriqués) et d’une intelligence artificielle, légèrement moins intelligente qu’un humain, du doux nom de Chimp. La mission de l’Eriophora est de construire à l’aide de machines de Von Neuman, sous la forme de petites sondes lancées devant lui, des portails à trou de ver tout au long de sa trajectoire afin d’offrir, un jour lointain, la possibilité aux humains de se déplacer dans l’univers en s’affranchissant des distances et du temps.

La nouvelle Éclat nous permettait de voir la préparation du voyage à travers la formation des voyageurs, et plus particulièrement de faire connaissance avec Sunday Ahzmundin, qui est la protagoniste principale de la série. Cette jeune femme au caractère bien trempé est aussi la narratrice de The Freeze-Frame Revolution.

Nous sommes donc 65 millions d’années plus tard. Les passagers de l’Eriophora sont maintenus en stase et ne sont réveillés par petits groupes, 5 ou 6 personnes, que lorsque les opérations de construction des portails nécessitent l’intervention d’humains, ou lorsqu’un problème apparaît à bord. Ils ne se rencontrent pour ainsi dire jamais, ou par intervalle de quelques milliers d’années dans le meilleur des cas. Pendant tout ce temps, l’Eriophora a construit 100 000 portails. Comme le disait Woody Allen, l’éternité, c’est long, surtout vers la fin. Et 65 millions d’années ressemblent fortement à l’éternité.

Une ombre commence à troubler l’esprit de certains passagers sur la durée de cette mission et sur son sens car, a priori, l’humanité a disparu, ou est devenue quelque chose d’autre.  Le message de la Terre appelant au retour n’est jamais arrivé, et aucun navire humain n’a a priori franchi l’un des portails construits par l’Eriophora ou un de ses vaisseaux sœurs. Mais pour Chimp, seul véritable maître à bord, il n’est pas imaginable de remettre en question la mission pour laquelle l’Eriophora et lui-même ont été construits. L’IA commence a développer une certaine paranoïa vis à vis des passagers et surveille de près les faits et gestes de chacun à bord, décidant lui-même de la composition des équipes qui sont réveillées. Chimp a un contrôle complet de ce qui se passe à bord. Il voit et entend tout. Cela vous rappelle quelque chose ? Certains événements vont amener quelques uns des passagers à vouloir reprendre le contrôle de la situation.

How do you manage a mutiny when you’re only awake a few days in a century. How do you plot against an enemy that never sleeps. A ennemy with eyes that span your whole world.

Pour cela ils vont devoir redoubler d’imagination, ne serait-ce que pour pouvoir communiquer entre eux, au-delà des phases de stase, des millénaires qui s’écoulent, et en dehors de la surveillance de Chimp. Tout ceci va être raconté par la voix de Sunday, elle qui fut rebelle dans ses jeunes années, puis amie de Chimp avec lequel elle entretient une relation de confiance, jusqu’à ce qu’elle fasse une découverte stupéfiante.

The Freeze-Frame Revolution est un récit court et haletant qui propose un scénario habile, mais sans peut-être la profondeur philosophique à laquelle Peter Watts a pu nous habituer par le passé. S’il n’atteint pas les sommets de Vision Aveugle, le texte offre tout de même un beau sense of wonder face à l’étendue de ce qu’il donne à imaginer. Il s’avère en outre très accessible pour un roman de hard-SF. Le côté scientifique, toujours très élaboré chez Watts, ne perturbe jamais le récit.

Cela étant dit, il vous faudra être attentif pendant votre lecture car le texte principal contient un texte caché, et si vous le trouvez, vous serez récompensé par une révélation. Il est taquin Peter Watts.

Les éditions Le Bélial’ ont acquis les droits de traduction du texte et il sera publié le 17 septembre 2020 sous le titre Eriophora.


Voir aussi l’avis d’Apophis, de Gromovar sur Quoi de neuf sur ma pile, l’Albedo,


Livre : The Freeze-Frame Revolution
Série : The Sunflower cycle
Auteur : Peter Watts
Publication : 2018
Langue : anglais
Traduction : chez Le Bélial en 2020.
Nombre de pages : 192
Format : papier et ebook.


8 réflexions sur “The Freeze-Frame Revolution – Peter Watts

  1. Quelle célérité ! Tu m’as battu sur le fil, je viens à peine de publier ma propre critique (pour un bouquin sorti il y a 21h11 au moment où je rédige ces lignes, je pense que nous venons de battre un record !). Sinon, nous sommes quasiment d’accord, ce qui n’a finalement rien d’étonnant 🙂

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