
Nouveau roman à paraître le 6 avril 2023 dans la collection Ailleurs et Demain chez Robert Laffont, Après nous les oiseaux fait partie de ces œuvres littéraires difficilement classables. Il s’agit du premier roman de Rakel Haslund, autrice danoise et traductrice du chinois, publié en langue originale en 2020. L’autrice a reçu pour ce roman le prix Michael Strunge, du nom du poète danois postmoderne qui mit fin à sa vie en 1986 en sautant du quatrième étage d’un immeuble après avoir prononcé les mots « maintenant je peux voler ». Il est utile de le mentionner dans cette chronique car le roman de Rakel Haslund peut être vu comme un hommage au poète disparu, jusque dans ses derniers mots.
On peut tout d’abord se demander si ce livre d’à peine 208 pages est vraiment un roman. Après nous les oiseaux est avant tout un long poème en prose. S’il se présente comme un livre de science-fiction post-apocalyptique – et on pense inévitablement à La Route de Cormac McCarthy à sa lecture – ses thématiques sont l’oubli, la solitude, la mort. Nous sommes ici plus proche d’En attendant Godot de Samuel Beckett que de Mad Max. L’action n’est pas le moteur du texte, soyez prévenus.
Après nous les oiseaux est le récit au présent – car le passé s’estompe et l’avenir ne sera pas – de la quête à la fois géographique et métaphysique d’une jeune femme seule dans un monde qui n’est plus, à la suite d’un événement cataclysmique dont on ne saura que peu de choses, et toujours indirectement. On devinera beaucoup. Trop jeune pour se souvenir du monde d’avant, la jeune femme n’évoque que des souvenirs parcellaires, des paroles et des images qu’elle ne sait pas toujours interpréter et dont la gravité lui échappe souvent. La priorité du présent est à la survie avant tout. La jeune femme se rappelle, presque comme des mantras qu’elle se répète, des mots qui lui ont été livrés par une compagne disparue, dont on devine qu’il s’agit d’une mère. Et lorsque les mots viennent à lui manquer, c’est au lecteur de combler les trous. Après nous les oiseaux est aussi un texte sur le langage, les mots et leur symbolique. C’est dans le travail de lecture et d’interprétation qui est demandé au lecteur que petit à petit une histoire se recompose et que la véritable dimension horrifique du récit prend forme. Si pendant longtemps le texte apparait comme contemplatif et poétique, à mesure qu’on avance, de chapitre en chapitre, une peinture plus vaste se révèle. Le roman devient alors immensément perturbant. On réalise alors qu’on ne peut plus faire confiance aux mots, ni à la jeune femme, et que ceux-ci cachent des images qui dérangent et viennent hanter la fin du livre, et les heures qui suivent sa lecture. Après nous les oiseaux est un texte sombre, très sombre, qui se découvre lentement. Mais c’est un texte poétique et beau comme une fin du monde.
D’autres avis : le Dragon Galactique, Au Pays des Cave Trolls,
- Titre : Après nous les oiseaux
- Autrice : Rakel Haslund
- Traduction : Catherine Renaud (danois)
- Publication : 6 avril 2023, Robert Laffont, coll. Ailleurs et Demain
- Nombre de pages : 208
- Support : papier et numérique
Ca m’intrigue beaucoup en tout cas, l’ambiance fin du monde sans action, ça me parle. Merci !
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