Barbares – Rich Larson

Selon le mode opératoire du Bélial’, maison d’édition spécialisée dans la fabrique des littératures du lendemain, il manquait au curriculum de Rich Larson une entrée dans la collection Une Heure-Lumière. Le jeune auteur nomade, né en 1992 à Galmi au Niger, a été découvert comme souvent par Ellen Herzfeld et Dominique Martel, et traduit par Pierre-Paul Durastanti ; quelques-unes de ses nouvelles ont d’abord été publiées dans la revue Bifrost puis d’autres sous la forme d’un recueil dans la collection Quarante-Deux sous le titre La Fabrique des lendemains (2020) qui a reçu le Grand Prix de L’imaginaire en 2021 ; un premier roman, Ymir, a été publié en 2022. C’est maintenant sous le format novella que nous est donné à lire Rich Larson avec la publication le 19 octobre de Barbares. Cette possibilité de publier sous différents formats dans une revue et des collections dédiées est unique dans le paysage éditorial à ma connaissance et c’est pour les autrices et auteurs de la maison un vaste terrain de jeu créatif. La créativité, Rich Larson n’en manque pas et il s’est imposé comme « le fer de lance d’une SF post-eganienne survitaminée ». Je n’invente rien, c’est l’éditeur qui le dit. Signe d’une relation de confiance, l’auteur a accordé à l’éditeur de publier sa novella en français en avant-première mondiale, avant une publication en VO dans le magazine Asimov’s science fiction.

Barbares et un texte de 90 pages seulement, ce qui même au sein de la collection Une Heure-Lumière est relativement court. Mais il déborde d’idées, d’action et surtout d’humour. C’est une novella qui m’en rappelle une autre aussi publiée dans la collection Une Heure-Lumière et qui est Sur la route d’Aldébaran d’Adrian Tchaikovsky. Ces deux textes ont en commun de proposer une aventure spatiale dans le décor d’un Big Dumb Object, de mêler horreur et humour, et de jouer avec les attentes du lecteur. L’ambiance générale est toutefois différente et l’éditeur dessine un lien entre Barbares et une version punk de La chasse au Snark de Lewis Caroll. On y trouve en effet un goût particulier pour l’absurde, une panoplie de personnages baroques et la métaphore d’une quête vaine pour un bonheur inatteignable. À l’instar de Lewis Caroll, Rich Larson utilise de nombreux néologismes apparaissant sous la forme de mot-valise qui ont dû donner du fil à retordre au traducteur. Pierre-Paul Durastanti livre là une traduction joyeuse et ludique dont la pertinence induit la compréhension sans effort de la part du lecteur.

De mon côté, la lecture de Barbares m’a évoqué une version trash et un peu dégueulasse des animés japonais de mon enfance, façon Capitaine Flam en plus punk.

 Yanna et Hilleborg forment un couple de contrebandiers de l’espace ayant vécu des fortunes diverses. Suite à une erreur de Yanna, Hilleborg s’est fait emprisonner et décapiter. Yanna promène désormais sa tête dans un sac de protéinique relié à un organoïde qui lui fournit de l’oxygène. Son cerveau est branché au système de leur vaisseau, ce qui permet à « Hilly » aussi bien de piloter que de s’exprimer par l’intermédiaire d’une voie synthétique. Voilà pour la version trash et organique du professeur Simon Wright.

« S’agit-il d’une disposition temporaire ? D’un fétichisme, peut-être ? Ou d’un choix de vie plus permanent ? »

Yanna et Hilleborg sont embauché par deux jumeaux, descendants d’une des plus anciennes et riches familles de la galaxie, pour aller faire une promenade touristique sur un Big Dumb Object en orbite autour d’une géante gazeuse. Mais comme nous sommes chez Rich Larson, ce BDO n’est pas un astéroïde creux mais la carcasse en décomposition d’un nagevide, soit une sorte de gigantesque baleine de l’espace couverte de parasites plus dangereux les uns que les autres, et qui a la fâcheuse tendance, comme toute carcasse de baleine qui se respecte, à exploser sans prévenir en libérant des tonnes d’entrailles et de fluides chauds et gluants. Tout ne va pas bien se passer, d’autant que les jumeaux ont caché qu’ils avaient une raison bien particulière de vouloir se rendre sur ce nagevide.

« Je prends le tchekhov, l’arme à un coup, au canon court, avec laquelle je n’ai jamais tiré, ni voulu tirer. »

Rich Larson s’amuse beaucoup dans Barbares, et le lecteur aussi. Il pose son récit comme il écrirait le scénario d’un film pastichant le cinéma. Chacun des personnages suit une quête personnelle jusqu’à l’absurde. Les antagonismes sont exacerbés jusqu’à s’effondrer sous leur propre poids. Les rebondissements sont improbables et l’action débridée. Larson s’amuse et joue avec les codes et les clichés, depuis le fusil de Tchekhov jusqu’à un McGuffin à faire pleurer Hitchcock. Si vous vous êtes laissés porter le long du récit par les détournements de l’auteur, la scène finale ne manquera pas de provoquer un grand éclat de rire. Rich Larson est souvent très sombre, mais il sait aussi nous amuser. Lisez Rich Larson.


D’autres avis : Apophis, Anudar, Weirdaholic, Gromovar, Au Pays des Cave Trolls, Les blablas de Tachan,


  • Titre : Barbares
  • Auteur : Rich Larson
  • Traducteur : Pierre-Paul Durastanti
  • Illustrateur : Aurélien Police
  • Publication : 19 octobre 2023, Le Bélial’, coll. Une heure-Lumière
  • Nombre de pages : 128
  • Support : papier (9,90€) et numérique (5,99€)

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