Expiation – Tade Thompson

Après avoir découvert comme beaucoup de lecteurs français l’auteur britannique Tade Thompson à travers la série Molly Southbourne, que j’avais beaucoup appréciée pour son ancrage psychanalytique dans le body-horror, j’avais été déçu par ma lecture de Far from the Light of Heaven (2021), space opera que je n’avais pas trouvé très convaincant, voire limite raté. La publication d’une nouvelle de l’écrivain dans le numéro 106 de la revue Bifrost (qui sort aujourd’hui, le 28 avril 2022) est l’occasion de retrouver, peut-être sous de meilleurs jours, sa plume. Et j’en sors plus que ravi.

Expiation est une nouvelle datant de 2016, publiée dans le magazine Interzone sous le titre original The Apologists. Elle nous arrive sous la traduction de l’inimitable Jean-Daniel Brèque qui, du même auteur, a déjà traduit Les Meurtres de Molly Southbourne (2019) et La Survie de Molly Southbourne (2020) pour la collection Une Heure-Lumière chez Le Bélial’.

« Aujourd’hui, je décide d’aller dans un bar. »

Expiation est l’histoire d’un mec qui rentre dans un bar.  Là, sans aucune formalité d’usage, il propose à une femme de coucher avec elle, sans que ceci ne provoque de réaction de la part de l’homme qui l’accompagne. Elle accepte. Notre héros s’en va, furieux. En chemin, il bouscule une ou deux personnes, qui ne bronchent pas. Ce qui le met encore plus en colère. Décidément, rien ne va dans ce monde. Expiation est l’histoire d’un homme désagréable, violent et cynique, qu’il va nous être a priori difficile d’apprécier.

À ceci près que Tade Thompson emmène d’entrée son lecteur sur une fausse piste, car l’histoire n’est pas du tout celle-là et l’on réalise rapidement l’illusion magistrale que vient de nous servir l’auteur. Expiation est l’histoire d’un homme que la vie a rendu solitaire et qui se voit condamner à vivre une situation des plus absurdes, dont je ne peux rien dire de plus car c’est là tout le charme de la nouvelle qui va de révélations en révélations. Disons, simplement, que le scénario évoque les ambiances irréelles et l’absurdité de la série télévisée originale The Twilight Zone de 1959, et plus particulièrement peut-être les épisodes « Where is Everybody » et « The Lonely » écrits par Rod Serling. La situation dans laquelle se trouve Storm n’est en rien crédible, si l’on cherche à tripatouiller dans les méandres scénaristiques de ce récit de science-fiction, car c’est bien de science-fiction dont il s’agit, et même de science-fiction postapocalyptique, mais là n’est pas le propos. Cette mise en place permet à l’auteur de tenter à définir ce qui constitue l’humanité, avec ses qualités et ses défauts. Surtout ses défauts. Mais ceux-ci ne sont-ils pas essentiels à faire l’humain, interroge Tade Thompson. Toute fable possède son côté sombre, et celle-ci est cruelle.

Expiation est une nouvelle que j’ai trouvé très réussie, avec une écriture franche qui m’a rappelé Albert Camus pour le style. Peut-être est-ce là aussi le talent du traducteur qui a su rendre ce texte vraiment… particulier de manière fort appréciable. Une très bonne lecture que je vous conseille vivement, et qui m’a réconcilié avec l’auteur.


5 réflexions sur “Expiation – Tade Thompson

  1. Bon, faut que je fasse gaffe à mes chevilles maintenant.
    Info (on en a parlé sur le forum du Bélial’, donc c’est public mais discret): le troisième et dernier « Molly Southbourne », toujours traduit par mes soins, devrait sortir au second semestre 2022 dans la collection « Une Heure-Lumière ».
    Jean-Daniel Brèque, inimitable de chevet

    Aimé par 2 personnes

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