
Voilà bien six mois qu’Adrian Tchaikovsky n’avait pas sorti un nouveau roman, autant dire une éternité au rythme de production de l’auteur anglais. Cette interminable pause est rompue aujourd’hui avec la sortie d’une longue novella, Firewalkers. Adrian Tchaikovsky est un auteur non seulement prolifique mais aussi éclectique, qui écrit tout aussi bien de la fantasy médiévale que de la hard-SF, en passant par du weird lovecraftien. Avec une telle production, il va sans dire qu’il y a du bon et du moins bon. A l’exception de Guns of the Dawn, le volet fantasy de son œuvre m’interpelle moins, il est vrai, que ses chefs d’œuvre de science-fiction que sont Children of Time et Children of Ruin. Ces deux derniers abordaient, avec la précision scientifique de la hard-SF, une thématique chère au transbiologisme qui est la provolution, ou uplift en anglais, c’est-à-dire l’évolution artificielle à coup de manipulations génétiques de charmantes petites bestioles vers la conscience et l’intelligence à un niveau comparable avec l’humain. La même idée est différemment exploitée dans le roman Chiens de guerre. Il n’est pas question de provolution au sens biologique ici, mais la question de l’accès à la conscience est tout aussi présente (et il y a aussi des bestioles !).
Firewalkers est un roman de science-fiction apocalyptique, qui revisite et modernise le mythe de Faust, celui d’un pacte avec le diable. Le texte s’inspire en partie du poème de T.S. Elliot La Terre vaine (The Waste Land, 1922) dont certains vers, tirés de la cinquième partie, celle du Jugement, sont plusieurs fois cités.
Dans un futur indéterminé, quelques siècles tout au plus, la Terre a passé le point de non-retour climatique et le réchauffement a transformé une grande partie de sa sruface en zones désertiques et inhabitables. Il y a deux générations de cela, les puissants de ce monde ont lancé le projet de construction de plusieurs vaisseaux spatiaux en orbite autour de la planète qui servent de refuge à ceux qui en ont les moyens. Cela ne concerne qu’une toute petite partie de l’humanité, ceux-là même par qui la catastrophe est arrivée. L’autre partie survit dans les villes bondées où tout manque, principalement l’eau. Cet aspect du roman d’Adrian Tchaikosvky rappelle le film Elysium de Neill Blomkamp (2013).
« They’d gone into space and left behind the land where nothing grew, where no rain fell and every drop had been sucked out of even the deepest aquifer. »
Plusieurs cités, les Ankara, sont distribuées au niveau de l’équateur et servent de ports pour accéder aux vaisseaux à l’aide d’ascenseurs orbitaux. Les besoins en énergie y sont importants et de vastes champs de panneaux solaires ont été construits pour alimenter en électricité les ports. Le temps et les conditions météo extrêmes provoquent la lente dégradation des installations et quand les machines qui réparent les machines qui réparent les machines tombent en panne, il faut bien envoyer des gens pour les réparer. C’est le métier des firewalkers. Le métier est dangereux, parcourir le désert dans ces conditions est souvent létal, et si les firewalkers sont jeunes, c’est que la plupart d’entre eux ne deviennent jamais vieux.
Le récit se déroule à Ankara Achouka, au Gabon, qui sert de port au vaisseau Le Grand Celeste. La production électrique qui alimente Achouka s’effondre et une équipe de trois firewalkers est envoyée dans le désert pour vérifier et, si besoin, réparer les panneaux solaires défectueux. L’équipe est constituée de M. Nguyễn Sun Mao, qui est d’origine vietnamienne, de Lupé Mutunbo, d’origine africaine, et de Cory Dello qui est une fille de l’espace, née à bord du Grand Celeste, mais débarquée car elle ne correspondait pas aux standards psychologiques demandés aux astronautes, ni à ceux de ses parents. Tous trois vont s’enfoncer dans le desert. Le récit va alors prendre une direction inattendue. Ce qu’ils vont découvrir dans le desert va changer le monde. Pour le meilleur ou pour le pire, la fin ne laissant aucun doute sur l’ambiguité morale des choix faits.
Adrian Tchaikovsky a pris l’habitude, que ce soit en fantasy ou en SF, de reprendre des thèmes habituels, ou simplement déjà exploités, et de se les approprier en les remaniant pour tirer des histoires nouvelles et, à sa manière, originales. C’est à nouveau le cas ici avec Firewalkers qui invoque les thématiques du réchauffement climatique apocalyptique, des vaisseaux générationnels qui doivent sauver l’humanité, et … Volontairement, je ne vous ai pas dévoilé quel est le trope science-fictif principal au cœur de la novella. Je vous laisse le découvrir. Il s’agit d’une thématique très courante en SF, mais qui est ici manipulée de façon à la fois attendue dans un premier temps puis retournée dans la partie finale. Firewalkers s’inscrit entre deux mondes, celui perdu du passé qui crame de ses erreurs, et celui d’un futur dont les dernières lignes laissent supposer qu’il va être problématique, à un niveau plus fondamental encore. S’il prenait à Adrian Tchaikovsky de lui imaginer une suite, je plongerais sans hésitation car c’est sur son final que le texte est le plus intéressant. La novella ne s’élève pas au niveau des Children of Time et Children of Ruin, mais certainement à celui d’un roman comme Ironclads ou The Expert System’s Brother, ce qui n’est pas si mal.
PS : la novella est proposée en format papier en édition limitée à un prix tout à fait exagéré, mais fort heureusement aussi en format électronique.
D’autres avis : Apophis (pas convaincu)
Titre : Firewalkers
Auteur : Adrian Tchaikovsky
Publication : 12 mai 2020 chez Solaris
Langue : anglais
Nombre de pages : 185
Format : papier (limité) et ebook
Ah, j’ai encore perdu notre petit concours de vitesse de lecture, car je n’en suis qu’à la moitié, pour ma part. Content de savoir que la fin est intéressante, parce que pour l’instant, je suis loin d’être impressionné.
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C’est mieux sur la deuxième moitié. Etrange, mais mieux. La fin est vraiment intéressante, je trouve, même si un peu précipitée.
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