
Adam Roberts est anglais, auteur de romans de science-fiction et professeur de littérature et d’écriture créative à l’université, à Londres. En 2015, il a publié un roman ambitieux, The thing itself, qui se voulait être une mise en pratique imaginaire de la philosophie de Kant. Malgré des qualités d’écriture indéniables, je n’avais pas été transporté par ce roman. Je ne fus pas le seul, et quelque peu déçu par le manque d’enthousiasme du public pour ce travail dans lequel il avait placé apparemment de grands espoirs, Adam Roberts avait alors décidé d’écrire un nouveau roman, plus direct, sans toute l’esbroufe intellectuelle dont The thing itself regorgeait. Ce fut fait avec The real-town murders, roman à la saveur cyberpunk publié en 2017. Ou plutôt, ce fut tenté. Adam Roberts étant Adam Roberts, un auteur dont toute une partie de la production est constituée de pastiches littéraires (The McAtrix derided, Star warped, The Va Dinci Cod, The Dragon and the Girl Tattoo, etc.), il ne résiste pas à la tentation de recycler et de tordre mille et une références culturelles. Cela peut être amusant – car en plus de posséder un style d’écriture tout à fait plaisant, Adam Roberts a aussi beaucoup d’humour – mais est-ce pour autant passionnant d’un point de vue purement romanesque ? Selon moi, pas vraiment.
Whodunit?
The real town murders est un whodunit, une enquête autour d’un meurtre agrémentée d’un mystère de type chambre-close, qui est basé sur une idée d’Alfred Hitchcock pour un film qu’il n’a jamais tourné. Un corps est découvert dans le coffre d’une voiture en fin de chaîne de montage entièrement automatisée alors qu’il est impossible qu’un humain ait pu pénétrer dans l’usine, et sans que les caméras de surveillance présentes du début de l’assemblage jusqu’à la fin ne montrent comment ce corps a pu se retrouver là. Évidemment, c’est très mystérieux.
Alma, enquêteuse privée est contactée par la compagnie de construction automobile pour résoudre l’affaire. Mais à peine y met-elle les pieds qu’elle est priée par une représentante de l’autorité policière de bien vouloir cesser ses investigations afin de les laisser s’occuper de l’enquête sans interférer. Citoyenne obéissante, Alma rentre chez elle mais s’y trouve confrontée peu de temps après à une autre représentante de l’autorité qui lui apprend que la première a été elle aussi assassinée. Ni une ni deux, Alma se retrouve en état d’arrestation. Elle va devoir s’échapper.
Adam Roberts ajoute une contrainte forte au scénario, qui sera le moteur et le rythme du roman : Alma vit avec sa compagne Marguerite qui est atteinte d’une maladie provoquée par un hack génétique qui l’a rendue obèse au point de ne plus pouvoir se mouvoir ni quitter leur appartement, mais qui, de plus, nécessite des soins que seule Alma peut lui prodiguer (sans qu’on comprenne bien pourquoi, mais c’est ainsi) toutes les quatre heures précisément, sans quoi Marguerite meurt. L’enquête, la fuite, et la vie d’Alma durant le roman sont donc soumises à cette contrainte temporelle absolue, qui va être de plus en plus difficile à tenir. L’idée de la contrainte qui s’ajoute à l’impossibilité du meurtre est habile mais la résolution l’est moins, car malheureusement cela va provoquer des incohérences scénaristiques difficiles à avaler.
The sky above the port was the color of television, tuned to a dead channel.
L’Angleterre dans laquelle le roman se déroule dans un futur proche est bien différente de celle que nous connaissons aujourd’hui et le monde décrit relève du Cyberpunk. Alma, comme tout le monde, est équipée d’implants cérébraux qui lui permettent un accès permanent à l’internet du monde, le Shine. Plus qu’un simple accès à une banque de données, celui-ci s’est développé en mondes virtuels dans lesquels les citoyens en grand nombre se plongent de manière quasi-permanente. Quand certains ont toujours des obligations dans le monde réel, le Real, qui les obligent à déconnecter parfois, d’autres n’en émergent plus. On voit ainsi des êtres habillés de combinaisons motorisées leur permettant de se déplacer, ou simplement de bouger pour maintenir un semblant de musculature fonctionnelle, dans des rues de plus en plus abandonnées par les humains. Alma compare ainsi Real-Town (ou R !-Town, anciennement Reading) à un décor de cinéma. La plupart des services et tâches manuelles du Real sont désormais effectuées par des robots qui font tourner la boutique au quotidien sans qu’aucun humain n’ait à intervenir. L’attractivité du Shine (where the fun is) a ainsi dépeuplé le monde réel. De nombreuses références sont directement faites dans le roman au Neuromancien de William Gibson ou encore à The Matrix des sœurs Wachowski. L’antagonisme entre le Real et le Shine se trouve au centre de l’enquête qui va rapidement s’orienter vers une conspiration gouvernementale qui oppose différents intérêts : revigorer le réel qui est dépeuplé, ou au contraire contrôler la population dans des mondes virtuels.
De ces mondes virtuels nous ne saurons rien de plus. Adam Roberts n’y emmène pas le lecteur. Le roman se déroule entièrement dans le Real car Alma, en raison de la contrainte qui est la sienne, ne va jamais dans le Shine. C’est évidemment un choix que d’ancrer ainsi le récit et ses préoccupations dans le monde réel et non dans un fac-similé aliénant. La panoplie Cyberpunk déployée, on peut la remiser au placard car au final elle ne sert que peu. Retirez-la complètement du roman, et le scénario reste le même.
North by northwest
On en reste donc à l’hommage à Alfred Hitchcock qui, au-delà de l’idée de départ, inspire le roman. De nombreuses références sont faites au cinéaste à travers le livre et plusieurs scènes reproduisent des scènes mythiques de ses films : l’attaque des oiseaux dans Les oiseaux devient une attaque de drones, la scène dans laquelle Cary Grant escalade les sculptures de Georges Washington et Abraham Lincoln sur le mont Rushmore dans La mort aux trousses est reprise avec Alma escaladant le visage de William Shakespeare sur les falaises de Douvres, etc. Alma est le prénom de la femme d’Hitchcock. Cela passe aussi par de nombreuses citations (« Puns are the highest form of literature », « In feature films the director is God; in documentary films God is the director », « Suspens is not about the unexpected. It is precisely about the expected », etc), et jusqu’à un caméo, inévitable, du cinéaste lui-même.
Là où Adam Roberts ne rend pas hommage à Hitchcock, c’est dans le scénario. Au-delà du jeu des références, l’histoire ne se suffit pas à elle-même. On attend d’une telle proposition, le mystère de la chambre close, qu’elle donne lieu à une construction solide. Il y a des courses poursuites, des fusillades, du suspens… mais aucune de ces scènes n’est très crédible et le tout est fragilisé par un scénario au final relativement pauvre, une résolution du mystère qui semble reléguée au rang d’obligation contractuelle, et pléthore d’invraisemblances (je vous en épargne la liste, elle occuperait beaucoup trop d’espace). Le suspense est maladroitement entretenu par de grosses ficelles et des artifices placés là pour étirer le récit et qui deviennent fatigants à la longue. J’ajouterai juste que le ressort du personnage qui, depuis le début a tout compris mais qu’on ne laisse jamais en placer une, est… désolant.
En conclusion
J’avais été peu convaincu par The thing itself, je suis déçu par The real town murders. Ce roman connait une suite, By the Pricking of Her Thumb, qui a été publiée en 2018. En ce qui me concerne, je pense que je vais en rester là.
D’autres avis : Gromovar,
Titre : The Real-Town murders
Auteur : Adam Roberts
Éditeur : Gollancz (24 Août 2017)
Langue : anglais
Nombre de pages : 240
Support : papier et ebook
bon, je crois que pour moi, le verdict sera sans surprise : pas pour moi!
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