Les Planétaires – John Brunner

De John Brunner, on retient principalement les visions dystopiques d’un proche avenir. L’écrivain britannique de la New Wave a acquis une notoriété internationale grâce à quatre romans : Tous à Zanzibar (1968), L’Orbite déchiquetée (1969), Troupeau aveugle (1972) et Sur l’onde de choc (1975), récemment été réédités chez Mnémos en omnibus sous le titre La Tétralogie noire (2018). Mais John Brunner a aussi écrit de nombreux space opera. C’est ce pan de son œuvre que l’éditeur nous propose de découvrir à travers une sélection de huit romans, dont deux sont inédits, regroupés dans Les Planétaires. Si ces textes remplissaient pour l’auteur une fonction alimentaire, comme le note Patrick Moran qui a dirigé, préfacé et révisé les traductions de cet omnibus, il serait erroné que les considérer comme œuvres secondaires. Ecrits entre 1965 et 1982 et produits de leur époque, les récits proposés montrent certes la patine du temps, et n’échappent pas aux clichés du héros compétent ou à des conventions sociales datées. John Brunner prend toutefois le contrepied du space opera classique et détourne le genre dans une approche moderne et sociale, loin du triomphalisme des récits de conquête intergalactique.

Huit romans, huit planètes. C’est le programme proposé dans Les Planétaires. L’ordre de présentation des textes fait le choix judicieux d’une chronologie interne plutôt que par date de publication. Contant une histoire de l’humanité sur des milliers d’années, ils forment aussi une boucle thématique. Futur proche ou lointain, en présence d’autres espèces ou seule dans l’univers, l’humanité réveille toujours les mêmes démons lorsqu’elle se confronte à des mondes étrangers. Les deux premiers romans, Eclipse totale et La Planère asile, font le récit de la colonisation difficile de planètes éloignées aux premiers temps de l’expansion humaine dans la galaxie. Eclipse totale tente notamment de comprendre comment une civilisation avancée peut disparaitre soudainement. Dans Le Long Labeur du temps, l’humanité est désormais installée sur plusieurs mondes, chacun possédant son propre système politique et sa propre culture. Les sociétés n’évoluent plus au même rythme, les anciennes colonies s’émancipent et, dès sa naissance, l’empire galactique doit se réinventer pour ne pas disparaitre. Les trois textes suivants, Les vengeurs de Carrig (inédit), Polymath et Les réparateurs de Cyclops (inédit) forment une trilogie dite des rescapés de Zarathustra. L’humanité est devenue une société galactique utopique, socialement et technologiquement très avancée. Confrontée à une diaspora humaine retombée à un stade préindustriel suite à une catastrophe cosmique, la question de l’ingérence est soulevée alors que des agents infiltrés observent le développement de ces sociétés isolées. 20 ans plus tard, Iain M. Banks créera le cycle de « la Culture » sur les mêmes bases. Enfin, Les Dissidents d’Azrael et Les Dramaturges de Yan, deux récits se déroulant plus loin encore dans le futur, déclinent à leur manière la question de la menace existentielle abordée dès Eclipse totale, et mettent en lumière la fragilité des civilisations usées car trop anciennes.

Par le choix des textes qu’il met en avant et un agencement intelligent, Les Planétaires offre au lecteur une passionnante exploration du space opera selon John Brunner. Hautement recommandable.

[Cet article est paru une première fois dans la revue Bifrost, n°110 en avril 2023.]


  • Titre : Les Planétaires
  • Auteur : John Brunner
  • Edition : janvier 2023, Mnémos
  • Traduction : (inédites et révisées) Patrick Moran
  • Nombre de pages : 880
  • Support : papier (38 €)

6 réflexions sur “Les Planétaires – John Brunner

  1. Eje me souviens de la claque qu’à été Zanzibar et ses collages, quand un pote m’a filé le poche il y a 25 ans. Je m’en vais acheter les Planétaires de suite. En cette journée difficile, je te remercie pour cette recommandation qui me change opportunément les idées. Bonne soirée à toi.

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  2. John Brunner est un géant pour moi aussi important que Herbert. Je vais m’offrir cet omnibus car je n’ai pas lu les inédits. Il y a deux romans qui m’ont marqué autant que ses grands classiques dans les années 70, « la ville est un échiquier » et « le creuset du temps ».

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