Fleet of knives (Embers of war 2) – Gareth L. Powell

fleet

Il y a presque un an de cela, je vous parlais du premier tome d’une nouvelle trilogie, Embers of war, de l’écrivain britannique Gareth L. Powell. Bien que révélant des influences trop évidentes (dont Reynolds et Banks) pour pouvoir clamer une grande originalité dans la veine du nouveau space opera, il s’agissait d’une lecture honnête et divertissante pour les amateurs d’aventures intergalactiques et de vaisseaux intelligents. Depuis, les droits de traduction pour la trilogie ont été achetés par Denoël pour la collection Lunes d’Encre qui sortira ce premier tome en avril de cette année.

De plus, Embers of war a été nommé parmi les finalistes du prix de la British Science Fiction Association (BSFA). Tout ceci nous invite forcément à nous pencher sur le deuxième tome de la trilogie, Fleet of knives, qui est paru le 19 février 2019.

Pour parler de ce deuxième tome, je suis malheureusement être obligé de révéler un élément important de l’histoire du premier tome, ne serait-ce que pour expliquer son titre. Dans Embers of war, nous avions fait connaissance avec Trouble Dog, le croiseur militaire de classe Carnivore, à l’IA construite à partir de cellules cérébrales d’origine humaines et implantée de gènes canins pour développer son esprit de meute, et son équipage de rescapés d’une guerre dont les traumatismes marquent durablement les esprits. Trouble Dog est désormais démilitarisé et employé par la House of Reclamation, ou l’équivalent interstellaire de la croix rouge. Embers of war faisait le récit d’une mission de sauvetage qui aboutissait à la libération d’une gigantesque flotte d’origine extra-terrestre d’un million de vaisseaux entièrement automatisés, la fleet of knives (la flotte des couteaux) qui apparaît dans le titre. Voilà, désolé, mais il était difficile de faire autrement.

Narration à plusieurs voix

Nous retrouvons dans Fleet of Knives quelques-uns des personnages qui ont survécu au premier tome, à savoir Trouble Dog et son équipage, ainsi qu’Ona Sukda, la poétesse qui fut par le passé le commandant de vaisseau responsable du massacre de Pelapatarn narré dans le prologue d’Embers of war, et qui mit fin au conflit. De nouveaux personnages sont introduits, dont Johnny Schultz, le capitaine du navire de contrebande  le Lucy’s Ghost et son équipage. Gareth L. Powell utilise le même procédé narratif que dans le premier tome, à savoir une alternance de chapitres racontés à la première personne par différents narrateurs homodiégétiques (comme on dit sur les bancs de l’université). Plus encore que dans Embers of war, le procédé s’avère très efficace dans Fleet of knives et Gareth L. Powell développe particulièrement bien la psychologie de ses personnages par ce moyen. Les événements sont ainsi narrés par trois voix principales, celles de Sally Konstanz, capitaine du Trouble Dog, d’Ona Sukda et Johnny Schultz. Quelques interventions de Trouble Dog et de Nord, son ingénieur druff, viennent complémenter le récit. Quoi de plus immersif que de lire un récit à travers les yeux et les pensées de ses protagonistes ?

Trois arcs narratifs

Nous suivons trois arcs narratifs. A bord du Lucy’s Ghost, le capitaine Johnny Schultz et son équipage traversent l’hypervide pour tenter de rejoindre et piller un artefact extra-terrestre, le Restless Itch, qui est une arche générationnelle gigantesque taillée dans un astéroïde et qui dérive abandonnée depuis dix mille ans dans l’espace. Seulement, comme les dernières pages d’Embers of war le laissait supposer, quelque chose se cache dans les replis de l’hypervide et le Lucy’s Ghost se fait attaquer. Le vaisseau n’a d’autre choix que de resurgir dans l’espace réel et ce faisant percute le Restless Itch. Le vaisseau est perdu et son équipage n’a d’autre choix que de se réfugier dans l’arche extra-terrestre abandonnée. Mais, ils ne sont pas seuls.

De son côté, le Trouble Dog a réuni son équipage et reçoit le signal de détresse du Lucy’s Ghost. Ils vont se lancer à son secours.

Enfin, au centre du récit, se trouve la fleet of knives. Celle-ci réclame la présence à son bord d’Ona Sukda, qui échappe ainsi à la peine de mort à laquelle l’avait condamnée son rôle passé dans le massacre de Pelapatarn. L’armada a en effet besoin d’un être organique pour valider son plan d’action qui vise à mettre un terme définitif à toute guerre dans l’espace humain. Qui de mieux désigné que celle qui n’hésita pas à mettre en œuvre le pire pour faire cesser une guerre ? La mise en branle de ce plan va profondément affecter l’univers humain et menacer son équilibre.

Un deuxième tome qui fonctionne

Après Embers of war qui était une lecture plaisante mais qui pêchait à mon sens par un manque d’originalité et une approche un peu naïve, Gareth L. Powell propose un deuxième tome que je trouve de meilleur niveau que son prédécesseur. Bien sûr, on y lira encore diverses influences, notamment dans un ressort du scénario qui est tiré d’un célèbre film de science-fiction que je ne nommerai pas pour ne pas spoiler, mais qui est ici exploité avec une vraie ambition. Il y introduit aussi des éléments de science-fiction horrifique dans la veine du huis-clos avec monstres qui rodent dans les couloirs (suivez mon regard). Mais dans l’ensemble, Gareth L. Powell trouve une voix plus personnelle avec Fleet of knives. Son écriture est fluide, simple mais efficace, les personnages sont vivants et l’action est omniprésente. Fleet of knives est un page turner fait de chapitres courts qui sans cesse relance l’action. Les 412 pages du livre s’avalent en une petite journée.

Au-delà des tropes du space opera traditionnel, Powell aborde la question de l’interventionnisme armé en matière de maintien de la paix. Le prix à payer est-il celui de l’instauration d’un état policier brutal et aveugle ? Les conséquences évoquées ne sont ni plus ni moins que la fin possible de la civilisation. Les choix faits par les différents protagonistes face à cette éventualité, et clairement dérivés de leur propre passé,  constituent le moteur de la trilogie. A la fin du deuxième tome, cependant, s’annonce un péril plus grand encore, qui pourrait signifier tout simplement la fin de toute vie.

Le reproche que je ferai toutefois est un ton qui n’est jamais suffisamment sombre pour porter vraiment efficacement le message ou faire trembler le lecteur. Gareth L. Powell est un auteur qui n’arrive pas à être véritablement méchant. Ce qui vous apprécierez ou non selon vos propres inclinations.

En conclusion

Gareth L. Powell propose avec Fleet of knives un deuxième tome de bonne facture, convaincant dans son intention et dans sa réalisation. Si cette trilogie ne révolutionne pas le genre du nouveau space opera, qu’elle y puise de nombreuses idées, elle n’en constitue pas moins un exemple dont la lecture est recommandable pour le simple plaisir qu’elle procure.


D’autres avis de lecteurs : Apophis.


Titre : Fleet of knives
Cycle : Embers of war 2/3
Auteur : Gareth L. Powell
Publication : 19 février 2019 chez Titan Books
Langue : anglais
Nombre de pages : 416
Support : papier et ebook


15 réflexions sur “Fleet of knives (Embers of war 2) – Gareth L. Powell

  1. Bonjour,

    J’avais acheté Fleet of knives dès sa parution, en (relative) confiance après avoir lu le premier tome il y a deux mois, mais avant de voir ta critique.

    J’avais bien aimé le ton d’Embers of war et la manière dont les personnages sont développés, même si la toile de fond est un peu légère : on est dans une ambiance space-opera / roman d’aventures et pas franchement (ou franchement pas) hard-SF faute d’un « world-building » et d’un côté fiction scientifique solides. A la limite ça tend plus vers la soft-SF… Mais c’est plutôt agréable (faut juste pas trop se prendre la tête en se demandant comment tout ça fonctionne), et reposant après d’autres lectures plus exigeantes.

    J’en suis au premier tiers de Fleet of knives et je reste sur la même impression, en attendant que (sans-doute) l’intrigue prenne plus d’ampleur avec l’arrivée d’Ona Sudak auprès de l’armada (je ne spoile pas plus que toi…) : le premier tiers a surtout servi à planter le décor et à introduire de nouveaux personnages, a priori aussi attachants que ceux qu’on connaît depuis Embers of war – d’ailleurs les uns et les autres ne vont pas tarder à se rencontrer (je ne spoile pas non plus en disant ça : on se doutait bien que c’est là que Powell voulait nous emmener).

    Bref je vais attaquer la suite aujourd’hui, et crains bien de ne pas pouvoir décrocher avant la fin ;-), et de rester sur ma faim en attendant la parution du troisième tome…

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    1. C’est vraiment facile à lire en anglais. Donc sauf si tu tiens à soutenir les efforts faits par certains éditeurs français pour traduire de la bonne SF, tu as tort de te priver 😉

      Surtout qu’au rythme d’une cinquantaine de bouquins par an, le fait de les lire en VO et en version électronique permet de faire pas mal d’économies – ce qui serait moins le cas si les prix pratiqués par les éditeurs français sur leurs publications électroniques n’étaient pas aussi dissuasifs… (désolé pour le hors-sujet)

      PS : j’ai fini Fleet of knives hier soir, et je confirme ce que j’en disais dans mon commentaire précédent, et bien sûr ce qu’en disait FeydRautha. Seul bémol, ça va être dur d’attendre la suite !

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      1. rhaaa! tu me rajoutes une couche sur un bouquin que j’ai très envie de lire.
        Ma position, généralement, c’est qu’une fois que je sais les droits acheté par un éditeur français, j’opte pour la VF (même si à l’occasion l’envie est trop forte et que du coup, je craque pour le VO).

        je te rejoins sur le prix du numérique en France…
        Mes derniers articles ce mois-ci sont sur des titres VO. Il se peut que je te mette l’eau à la bouche…

        Bon, je crois que je vais craquer si c’est ce genre de bémol!

        Aimé par 1 personne

        1. « Ma position, généralement, c’est qu’une fois que je sais les droits acheté par un éditeur français, j’opte pour la VF »
          C’est louable… Reste plus qu’à militer pour qu’ils baissent les prix du numérique !

          « Mes derniers articles ce mois-ci sont sur des titres VO. Il se peut que je te mette l’eau à la bouche… »
          Ben si je me mets à suivre trop de blogs je risque d’accumuler encore plus de titres à lire. Entre FeydRautha et Apophis j’ai déjà du pain sur la planche !
          Mais comme je ne suis pas tenté par la Fantasy, et moins par les formats courts que par les « pavés », il y a des semaines où je ne trouve pas mon bonheur chez eux, alors je vais quand-même aller voir si je trouve des idées chez toi…

          PS : mais je ne tiens pas absolument à lire en VO. Quand il s’agit de titres un peu anciens dont la VF est disponible à un prix raisonnable (de préférence en numérique), je suis preneur !

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          1. Nous avons quand même pas mal de lectures communes avec l’Orion épicé et l’Astéroïde égyptien – nous sommes proches en goût. Mais j’espère que tu trouveras quelques bonnes idées chez moi.

            J’aime

        2. Je suis allé voir ton blog, et j’y ai effectivement trouvé des idées… Pas forcément dans les articles récents d’ailleurs, raison pour laquelle je te réponds ici quitte à faire du hors-sujet (j’espère que le taulier ne m’en voudra pas) plutôt que d’ajouter un commentaire sur un article déjà ancien :
          j’ai regardé tes « Top » et y ai retrouvé pas mal de bouquins (pas que de SF) que j’avais lu dans un passé plus ou moins lointain, dont certains dont je ne me rappelais pas mais que j’ai retrouvés bien poussiéreux et un peu jaunis (les éditions de poche pour ça c’est pas top) sur mes étagères.
          Grâce à toi, j’ai déjà exhumé la Forteresse des étoiles de C.j. Cherryh (d’après l’étiquette qui est restée collée dessus, j’ai dû le lire il y a 20 ans…), qui va probablement être ma prochaine lecture. Je vais peut-être aussi reprendre un jour les McMaster-Bujold (la saga Vorkosigan), dont j’avais lu plusieurs tomes à l’époque de leur parution, qui m’ont laissé un bon souvenir – mais je ne savais pas que ce cycle avait pris une telle ampleur.
          Et parmi les titres de SF figurant dans tes Top et que je n’ai jamais lus, il en a deux ou trois qui me semblent incontournables même si pas (du) tout récents. Donc, merci pour le conseil.

          J’ai aussi trouvé dans ta liste plusieurs bouquins que j’ai lus ces deux dernières années (les Watts, ou dans un tout autre genre le cycle Honor Harrington) et beaucoup appréciés. Et, hors SF, pas mal d’autres titres qui m’ont aussi laissé de très bons souvenirs.
          Bref j’ai l’impression de partager pas mal de tes goûts, et je retournerai visiter ton blog en plus de ceux de FeydRautha et d’Apophis…

          Aimé par 2 personnes

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