Acadie – Dave Hutchinson

Acadie_cover

Acadie est un court roman de 112 pages écrit par Dave Hutchinson et publié par l’incontournable éditeur américain Tor en Septembre 2017. Je n’avais jamais entendu parler de cet auteur anglais mais il est apparemment connu pour sa série Europe constituée de 3 volumes publiés entre 2014 et 2016, et dont le troisième a été récompensé par le British Science Fiction Association (BSFA) award dans la catégorie meilleur roman. Il est en outre l’auteur d’une trentaine de nouvelles.

L’histoire se déroule plusieurs centaines années dans le futur, alors que l’humanité explore, à l’aide de sondes automatisées, les étoiles qui entourent notre Soleil à la recherche de planètes potentiellement habitables, et y envoie des vols habités lorsqu’une candidate se révèle. Le voyage interstellaire est facilité par une certaine maîtrise de l’hyperdrive. Précisons qu’elle n’a pas croisé d’autres espèces intelligentes lors de son exploration. Nous sommes dans un univers de Space Opera proche de celui d’Alastair Reynolds, en moins hard-SF, mais avec une forte composante transhumaniste.

Isabel Potter was the bogeyman. She was Baba Yaga, the Wicked Witch of the West. I actually knew someone who invoked her name to make her children go to bed. She was Legend.

500 ans avant le début du livre, le docteur Isabel Potter, professeur de biologie moléculaire à l’université de Stanford, a réalisé d’importantes avancées en thérapigénie avant que ne soit mis un terme à ses recherches par un gouvernement américain conservateur et théocratique. Notons qu’il ne s’agit là que de notre actualité. Réfugiée en Chine, où ce type de recherche est nettement moins encadré par des lois éthiques (là encore, c’est le cas), elle poursuit ses recherches pendant une dizaine d’années avant d’être rattrapée par le gouvernement américain. Elle parvient à s’enfuir avec un groupe d’étudiants et met les voiles en dérobant un vaisseau de colonisation spatiale contenant 40,000 colons en sommeil cryogénique. L’affaire passe mal auprès du Bureau de la Colonisation.

500 ans plus tard, les scientifiques renégats ont formé une colonie planquée quelque part dans la galaxie, et composée de près de deux millions d’âmes hautement modifiées génétiquement. Les Kids sont transhumains, modifient à loisir leur apparence, leurs capacités physiques, certains peuvent même survivre au vide, ont pu prolonger leur espérance de vie à plusieurs centaines d’années (Potter est toujours vivante), et surtout possèdent une intelligence très supérieure à celle des humains de base. Cela leur a permis de développer une technologie bien plus avancée que celle des terriens, notamment en ce qui concerne l’hyperdrive. La colonie ressemble à une société utopiste, égalitaire, démocratique, autonome et intelligente. Pourtant, ils doivent vivre cachés des terriens car ceux-ci, même après tout ce temps, n’ont pas pardonné et recherchent la colonie à travers la galaxie dans le but de les éliminer purement et simplement.

It was the morning after the morning after my hundred and fiftieth birthday, and a terrible noise was trying to wake me up.

Un matin, alors qu’il traîne une bonne gueule de bois, Duke Faraday, président élu de la colonie, est réveillé par une bien mauvaise nouvelle. Une sonde automatique terrienne est passée au travers du système de défense de la colonie. Ce système hautement perfectionné est constitué de millions de microsatellites, machines de Von Neumann autoréplicatives, qui forment une gigantesque sphère s’étendant jusqu’à plusieurs années lumière autour de la colonie. La sonde n’aurait pas dû passer. Avec l’accord du conseil, le président Faraday va enclencher l’option 1 : l’évacuation. Ils n’ont que 8 mois devant eux.

L’histoire est contée à la première personne, par Duke, et entrecoupée de quelques flashbacks qui permettent au lecteur d’en apprendre sur la constitution et le développement de la colonie. En peu de pages Dave Hutchinson arrive à construire un personnage engageant et un univers attrayant et complexe. Ces pages sont denses, contiennent de nombreuses idées, mais jamais l’auteur ne tombe dans l’info-dumping lourdingue. Le récit est bien mené et contient une bonne part de sense of wonder. La seule chose qui m’a au départ posé problème est le ton humoristique employé par l’auteur. Si de nombreuses fois j’ai beaucoup ri de certaines blagues ou des nombreuses références SFFF (la réunion du conseil ressemble pour raison de transhumanisme un peu trop poussé au conseil d’Elron avec même des klingons), j’ai trouvé que cet humour interférait un peu trop avec l’histoire.

SAUF QUE..

…cela trouve justification dans le final. Au-delà de la réussite en terme de worldbuilding dans la description de la colonie et de cette société transhumaniste, ce qui fait la qualité de ce roman, et la joie ressentie à sa lecture, c’est l’incroyable twist que l’auteur nous réserve. Les deux tiers du livre, bien que passionnants, ne servent en fait qu’à créer les conditions pour arriver dans le dernier tiers qui est magistral, et offre un tout autre regard sur la colonie. Et là, on n’a plus envie de rire. C’est du David Fincher dans l’espace. Ce twist, on ne le voit pas arriver, mais lorsqu’on a fini le roman, inévitablement on retourne en arrière pour y chercher les indices que l’auteur aurait pu y cacher. C’est énorme.

Mise à jour : Le Bélial a acquis les droits de cette novella qui sera donc traduite en français par Mathieu Prioux et publiée dans la collection Une Heure Lumière pour une sortie le 29 Août 2019. Avec bien sûr une couverture d’Aurélien Police.

acadie

D’autres avis : Gromovar, C’est pour ma culture, Au pays des Cave Trolls, les lectures du Maki, Acaniel, Yozone, Artemus dada, De l’autre côté des livres, le Bibliocosme, Yuyine, Blog à part, Yossorian, Nevertwhere, Lorhkan, Le Syndrome Quickson, Les chroniques du chroniqueur, Apophis, Ombre Bones, L’Albédo, Feygirl,


Livre : Acadie
Auteur : Dave Hutchinson
Publication originale : 5 Septembre 2017 chez Tor.com
Traduction : Mathieu Prioux pour Le Bélial (29 Août 2019)
Nombre de pages : 112
Format : papier et ebook


28 réflexions sur “Acadie – Dave Hutchinson

  1. J’ai hâte qu’il soit traduit en français, car je n’ai pas le niveau pour lire de la SF en anglais. La couverture est très jolie, mais ton avis me donne très envie de découvrir ce roman !

    Aimé par 1 personne

      1. Tu conseillerais quoi à une débutante en SF ? J’ai plutôt l’habitude de films/séries SF que de romans. (Stargate SG1, Atlantis, Star Trek..)

        J’aime

        1. Plutôt que des « classiques » écrits dans les années 60 ou 70, je trouve qu’il est plus intéressant de se lancer avec des choses écrites récemment. Alors je te conseille des livres que j’ai lus il y a peu de temps, et que j’ai chroniqués sur ce blog.

          Pour un recueil de nouvelles : La Tour de Babylone de Ted Chiang.

          Pour un roman court (100 pages) Le Poumon Vert de Ian R. MacLeod.

          Pour un roman long, sans hésitation, Dans la Toile du Temps d’Adrian Tchaikovsky.

          Aimé par 1 personne

          1. Dans les « classiques », j’avais essayé Dune.. je n’avais pas tout saisi lors de ma lecture :/

            Merci beaucoup pour tes conseils ! ^-^ Pour le moment, je lis Fahrenheit 451, dans les classiques et je le trouve assez accessible ! ^-^

            J’aime

  2. Fini. La couverture française est très astucieuse mais ne se comprend qu’après avoir fini le livre. J’avais vu venir le twist (à un moment, l’auteur lâche un énorme indice) mais il reste vertigineux (et effectivement, on comprend mieux le côté léger).

    Aimé par 1 personne

Répondre à Apophis Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.