Dichronauts – Greg Egan

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Je n’avais pas imaginé écrire un jour une critique négative sur un livre de Greg Egan, mais il y a un début à tout.

Greg Egan, c’est le pape incontesté de la hard-SF, version très Hard. J’avais jusqu’alors toujours été passionné par l’incroyable ambition de ses écrits, sa vision éclairée d’un futur parfois proche, parfois plus lointain, sa maîtrise des concepts scientifiques et mathématiques les plus avancés, même si l’aridité de son style pouvait parfois rendre la lecture de ses romans et de ses nouvelles quelque peu singulière. Greg Egan écrit parce qu’il a des idées, scientifiques mais aussi parfois politiques, à partager de façon pressente, et non pour proposer un moment de détente à son lecteur. Ses écrits réclament un engagement de la part du lecteur, une attention et une réflexion. Ainsi que bien souvent des connaissances en sciences et en mathématiques assez solides.

Mais voilà, j’ai eu beaucoup de mal à finir Dichronauts, par manque d’intérêt pour le monde décrit et l’histoire contée. Dans ce nouveau roman, Greg Egan reprend l’idée explorée dans la série Orthogonal d’un monde régi par des dimensions de l’espace temps différentes de l’univers que nous connaissons, un monde répondant à la métrique de Riemann, dans laquelle les trois dimensions de l’espace et celle du temps sont strictement équivalentes, pour faire court. Le propos des trois romans de cette série était alors d’explorer les conséquences de cette métrique. Cela fonctionnait car, au niveau le plus bas, il y avait finalement peu de différences entre cet univers et le nôtre, et il était facile pour le lecteur d’évoluer dans ce monde sans trop perdre ses repères.

Greg Egan complique les choses dans Dichronauts en imaginant un univers où il n’y a non plus 3 dimensions de l’espace et 1 du temps, mais 2 dimensions spatiales et 2 temporelles. Cela donne un univers à la géométrie hyperbolique. Et le souci d’une hyperbole, si vous vous souvenez de vos cours de math, c’est qu’elle diverge aux extrêmes. Il ne s’agit pas d’un roman de science fiction, mais d’une fiction mathématique. Les habitants de ce monde sont des symbiotes, constitués d’une paire d’individus, soit un « walker », dont on ne sait trop quelle forme il a si ce n’est qu’il marche sur deux jambes et qu’il possède deux bras et une tête, et un « sider », sorte de sangsue logée dans le crâne du walker. En raison de la géométrie hyperbolique de ce monde, la lumière ne se propage pas de la même manière dans toutes les directions. Un walker ne peut ainsi percevoir le monde que dans une direction. En utilisant l’écholocation, le sider lui fournit une vision dans l’autre direction. Mais ce n’est pas tout, le walker ne peut tourner sur lui-même, car sa forme géométrique divergerait rapidement, jusqu’à le briser. Il est ainsi condamné, à sa naissance, à faire face à l’ouest ou à l’est. Pour se déplacer vers le nord ou vers le sud, il doit faire un pas de côté. Une chute dans la mauvaise direction, et c’est le drame. La simple manipulation des objets est aussi compliquée voire rendue impossible par cette géométrie. Greg Egan va prendre le prétexte d’une exploration du monde par quelques individus pour s’amuser avec cette géométrie particulière et en tester les conséquences. C’est sans doute amusant pour l’auteur mais nettement moins pour le lecteur.

Le problème principal qui se pose est l’impossibilité de se représenter ce monde, les mouvements, les déplacements, la physique de base de cet univers. Le mal de crâne est rapide, et le désintérêt prompt. Greg Egan n’a jamais brillé par le développement de ses personnages, mais dans ce cas, ils sont totalement inintéressants. L’histoire elle-même n’est pas plus enthousiasmante. Au final, ce que me gêne le plus, c’est qu’il y a de trop nombreuses impossibilités conceptuelles dans un tel monde pour rendre sa description un tant soit peu crédible voire même simplement amusante. Je n’ai eu de cesse durant ma lecture de me dire que l’évolution sous de telles contraintes n’aurait pas abouti aux créatures ni au monde décrits par Egan dans ce roman. Elle n’aurait d’ailleurs abouti à rien. Greg Egan fait le choix de ne pas envisager les conséquences de la géométrie hyperbolique au niveau microscopique. Mais les conséquences sont les mêmes qu’au niveau macroscopique : une simple molécule ne pourrait exister dans ces conditions. Un électron ne pourrait pas tourner autour d’un noyau.

Au final, si j’ai trouvé ce roman très ambitieux, je l’ai aussi trouvé raté car  pénible à lire de par la difficulté, voire l’impossibilité, à se représenter mentalement ce monde. Le roman d’Egan qui m’a le moins convaincu.


Livre : Dichronauts
Auteur : Greg Egan
Publication : 2017
Langue : Anglais
Traduction : Non
Nombre de pages : 312
Format : papier et ebook


5 réflexions sur “Dichronauts – Greg Egan

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