La Nuit était chez elle – Laurent Queyssi

Lecteurs fidèles et attentifs de ce blog, vous savez qu’on se permet ici, parfois, des écarts à la ligne éditoriale qui prétend ne s’intéresser qu’à la science-fiction. Car il m’arrive, comme à vous sans doute, dans le secret des alcôves, de lire d’autres genres, voir même de la littérature blanche. Parce qu’il est bon de sortir la tête de l’eau, de changer d’air et de s’aérer un peu l’esprit, notamment lorsque la production en SF n’est pas à la hauteur de nos attentes. Et parfois même, quand l’envie me prend, j’en parle sur ces pages.

Je lis peu de polar mais l’occasion s’est présentée à moi avec la réception du roman La Nuit était chez elle, amicalement envoyé par son auteur Laurent Queyssi. Ce n’est donc pas un si grand écart car ce dernier n’est pas un inconnu dans le milieu de la SF. Laurent Queyssi est traducteur notamment de William Gibson (la trilogie neuromantique ou encore Périphériques au Diable Vauvert) et d’Alastair Reynolds (la trilogie des Enfants de Poséidon chez Bragelonne ou encore La Millième Nuit chez Le Bélial’), scénariste de BD (dont le très bon Phil, Une vie de Philip K. Dick chez 21g), et romancier de plein droit. Il est donc intéressant d’aller lire ce qu’il peut écrire en dehors de la SF.

La Nuit était chez elle est un roman indépendant mais fait suite à Correspond local (2021) qui déjà racontait les aventures d’Alexandre Loyla, correspondant local d’un quotidien régional du Sud-Ouest dans la petite ville de Castelnau. La ville est imaginaire mais les connaisseurs du coin reconnaitront sans mal Marmande qui étale son ennui sur les rives de la Garonne, lieu de naissance de l’auteur et… de ma mère. J’ai trouvé la coïncidence amusante et ma lecture fut l’occasion d’un rendez-vous en terre connue. Il est toujours intrigant de parcourir un roman en suivant les pas du narrateur lorsqu’ils s’inscrivent dans une géographie familière mais éloignée des tropes citadins habituels au genre. La Nuit était chez elle est un polar rural et Laurent Queyssi tire pleinement parti de la contrainte.

Castelnau est loin de tout. Des préoccupations de la capitale, bien sûr, mais aussi des commodités qu’offrent les grands centres urbains. Lorsque la région est inondée, on attend l’aide de Bordeaux. Lorsque Pascal, le cousin fraichement débarqué chez Alex Loyla, se fait péter deux doigts, il faut attendre son transfert à l’hôpital de Bordeaux. Lorsque les gendarmes sont appelés à la rescousse, ils mettent deux heures à arriver. Tout cela développe chez les personnages le sentiment de devoir se débrouiller seul en cas de pépin. Mais Castelnau est aussi une petite ville dont on a vite fait le tour à pied, et tout le monde se connait, ou tout le monde connait quelqu’un qui connait quelqu’un… et tout se sait. Et lorsqu’une vague de cambriolages chez des particuliers se déclenchent alors qu’Alex et son cousin se retrouve par hasard en possession de ce qui pourrait bien être un manuscrit original de Céline, les choses ne tardent pas à partir en vrille.

La Nuit était chez elle est un faisceau de fausses pistes et d’embrouilles parcouru par des personnages particulièrement bien croqués et attachants malgré leur tendance à aller se mettre dans des situations délicates, voire absurdes. Plus que l’intrigue principale, relativement classique, ce sont les personnages et le cadre du récit qui font à mon avis tout l’intérêt et l’originalité du roman. Ajoutez à cela des repères géographiques familiaux et un partage plus qu’inquiétant des références culturelles – musicales, cinématographiques et littéraires – auxquelles le narrateur fait régulièrement mention au cours du récit (je soupçonne Laurent Queyssi d’avoir mis beaucoup de lui-même dans son personnage principal) et vous avez l’ensemble des raisons pour lesquelles cette lecture m’a enthousiasmé. Les dernières lignes ont même réussi à me tirer une larme.

Il va maintenant me falloir lire le tome précédent, Correspondant Local.


  • Titre : La Nuit était chez elle
  • Série : Correspondant Local
  • Auteur : Laurent Queyssi
  • Publication : 14 octobre 2022, chez Filatures, coll. Alibi
  • Nombre de pages : 240
  • Support : papier et numérique

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