[Chronique invitée] Dune, le film vu par Stéphanie Chaptal

(Il y a une semaine je vous proposais mon retour sur l’adaptation cinématographique de Dune par Denis Villeneuve. Cet avis est forcément biaisé par le rapport intime que j’ai avec l’œuvre de Frank Herbert. Pour mitiger mon propos, j’ai invité Stéphanie Chaptal, journaliste et autrice notamment de « Hommage à Hayao Miyazaki » (2020) et « Cyberpunk, Histoire(s) d’un futur imminent » (2020), ainsi qu’animatrice du blog De l’autre côté des livres, à partager ici son avis dès qu’elle aurait vu le film, ce qu’elle a fait dès aujourd’hui. Je lui laisse la parole.)

Avertissement : je vais tenter de limiter les spoilers au maximum, mais si vous n’avez pas lu le livre (et que faites-vous ici ?), courez d’abord le lire ou voir le film avant de lire l’avis suivant.

Dire que le film Dune était tout aussi attendu que craint par les fans du livre est un euphémisme. Après les adaptations vieillissantes du film de David Lynch (de 1984) et des miniséries estampillées SyFy, ceux-ci espéraient voir enfin leur « Dune » porté à l’écran. Et ? Ce n’est pas encore pour cette fois-ci. Comme David Lynch avait fait du David Lynch à partir du roman de base (et que la production s’était fortement mêlée du contenu du film avec un résultat que nous qualifierons pudiquement d’inégal), Denis Villeneuve nous livre SA version de l’histoire de Frank Herbert. Et une version tronquée qui plus est, car, bien qu’il dure 2 heures et 35 minutes, le film ne couvre que la première partie du livre (*spoiler* il s’arrête peu avant que l’on découvre l’intérieur du Sietch Tabr pour la première fois *fin du spoiler*)

Il s’agit donc d’un film de Denis Villeneuve, rappelant très fortement et par sa photographie et par les libertés prises avec l’œuvre de départ son film Arrival (2016) adapté de L’histoire de ta vie de Ted Chiang. Il va y faire les mêmes « trahisons » : en supprimant des personnages (ici principalement l’Empereur, Irulan et Feyd-Rautha) ou des scènes ou au contraire en ajoutant des éléments (Liet-Kynes change de genre, mais voit son rôle étoffé ; Paul éprouve une certaine fascination pour les souris muad’dib, il est vrai très kawaï sur grand écran). Mais son amour du matériel originel transparait à l’écran. Le casting a ainsi été tout particulièrement soigné : Timothée Chamalet extrêmement convaincant en Paul Atreides jeune et semble parti pour avoir l’étoffe nécessaire pour l’incarner plus mûr malgré son image de « minet » (qui collait également à Kyle MacLachlan à l’époque du film de Lynch), Jason Momoa et Dave Bautista sont dirigés beaucoup plus finement que dans leurs rôles habituels de montagnes de muscles et cela se voit. Jason est Duncan Idaho : séducteur, bagarreur, mais également sentimental, loyal et drôle. Presque plus que Josh Brolin en Gurney Halleck (qu’il joue comme son rôle de Cable dans Deadpool 2). Seule erreur de casting à mon goût (qui n’est pas partagée par le propriétaire de ces lieux, mais par une bonne partie de la blogosphère ciné féminine), Rébecca Fergusson qui manque franchement de self-contrôle aussi bien en tant que Bene Gesserit qu’en tant que mère membre d’une Grande Maison militaire comme les Atréides.


Du coup, est-ce un bon film ? Pour un film sortant dans la troisième décennie du 21e siècle, oui clairement. Denis Villeneuve arrive à rendre clairement les différents enjeux de l’histoire sans perdre les spectateurs qui ne seraient pas au préalable familiers avec l’univers créé par Frank Herbert, et sans faire grincer des dents les fans les plus hardcores du livre. Et si le réalisateur prend le temps d’installer son histoire, il ne signe pas un film contemplatif : l’action et le grand spectacle attendus d’un blockbuster sont là et bien là. Tout en restant « réaliste » (pour autant qu’un film avec des vers géants d’un demi-kilomètre, des vaisseaux spatiaux et des champs de force puisse l’être). Certaines trouvailles sont d’ailleurs magnifiques à voir et très explicatives comme les ornithoptères croisement entre un hélico et une libellule ou les boucliers qui passent du scintillement bleuté au rouge lorsqu’ils sont pénétrés. Et les vers ? N’en dévoilons pas trop, mais ils sont largement présents à l’écran et chaque apparition est à la fois un émerveillement de gosse pour qui rêve de les chevaucher depuis ses 10 ans et d’une parfaite logique biologique. Du point de vue sonore, si la musique d’Hans Zimmer n’est pas flattée par les enceintes de la salle de projection (pourtant un UGC de bonne facture), le mélange naturel des langues et le fait que tous ne s’expriment pas en permanence en anglais (galach dans l’univers du film) apportent un vrai plus dans l’immersion tout comme le marqueur sonore de l’utilisation de la Voix (sans propriété télékinésique ni explosive n’en déplaise à David Lynch). Allez le voir, le revoir pour convaincre les producteurs !

Au final, deux heures et demie après être entrée en salle, je n’ai eu qu’un seul regret. Qu’il n’y ait pas de certitude sur la venue d’un Dune part two pour achever ce voyage sur grand écran dans l’univers Herbertien de Denis Villeneuve.

Stéphanie Chaptal.


6 réflexions sur “[Chronique invitée] Dune, le film vu par Stéphanie Chaptal

  1. J’en ressors aussi et je partage totalement votre avis !
    Un Dune version Villeneuve avec des concessions d’une part, des ajouts de l’autre. Un casting qui m’a bluffée (même souci avec Jessica…). Un visuel qui m’a laissée émerveillée par toute la richesse qu’il apporte. Et une pointe de frustration face à cette dimension politique pas assez présente ainsi que cette suite qu’on n’est pas sûre de voir arriver alors qu’elle promet du lourd.
    J’ai adoré. C’était mythique ou mystique, au spectateur de choisir !

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  2. Je partage completement cette critique. Pour ma part plus je ressasse le film que j’ai vu 2 fois et la bande originale que j’ai survolé plus je me dit que ca coince sur la musique et qu’elle ne vivra pas au dela du film. La BO est literalement soporifique ! Pourtant les bandes annones présageait de quelque chose d’extrat avec Eclipse et la 2eme BA … la musique va bien avec le film mais ca tourne rond et au final il n’y a rien qui décolle. On en fait tout un patacaisse avec Hans Zimmer ceci Hans Zimmer cela … J’ai l’impression qu’il a loupé un peu son truc. La bande originale je vais la recommandé pour les maisons de retraite pour la sieste !

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