La Fontaine des âges – Nancy Kress

Le 18 février, un nouveau titre vient enrichir la collection des textes courts Une Heure-Lumière chez Le Bélial’ : La Fontaine des âges de Nancy Kress, initialement publié dans Asimov’s Science Fiction en Juillet 2007 sous le titre original Fountain of Age, et honoré du prix Nebula en 2008. C’est Erwann Perchoc qui s’est collé à la traduction. L’illustration de couverture est comme toujours magnifiquement réalisée par Aurélien Police.

J’ai une relation de lecteur compliquée avec Nancy Kress. Certains de ses textes me transportent littéralement, comme le très bon Le Sauveur ou le sidérant Shiva dans l’ombre, tous deux publiés dans le recueil Danses aériennes édité chez Le Bélial’ que je vous recommande joyeusement. D’autres me laissent froid, comme Le Nexus du Docteur Erdmann, publié précédemment dans la collection UHL, voire m’exaspèrent comme le très mauvais The Eleventh Gate. La Fontaine des âges se situe dans une zone d’inconfort où les sentiments se balancent sans jamais s’équilibrer vraiment. Il s’agit d’un roman de science-fiction habile dans sa description d’un futur proche crédible, dans l’imagination et l’utilisation des technologies à venir, mais qui s’enroule autour d’une histoire qui ne me touche pas.

Le futur est proche, donc. Et nous sommes sur terre. Max Feder est riche, très riche. Il est aussi vieux, très vieux. Max Feder est un homme qui a fait fortune à coup d’arnaques, qui a passé cinq années en prison pour cela, et qui désormais végète dans une maison de retraite en attendant la grande faucheuse qui ne saurait tarder à passer le pas de sa porte. Mais Max Feder est aussi un homme qui a aimé. Pas sa femme, pour laquelle il n’a jamais eu aucun sentiment, ni son fils unique qu’il trouve idiot, mais Daria, une prostituée rencontrée lorsqu’il était jeune militaire à Chypre. Daria est son unique amour. Il conserve d’elle un brin de cheveux dans une bague qui ne le quitte jamais. Sauf qu’un incident lui fait perdre cette bague, et Max Feder décide de tout faire, dans ses derniers jours, pour retrouver Daria. C’est à la fois simple et compliqué. Simple car Daria est devenue célèbre en raison d’une forme inconnue de cancer qui lui a donné une jeunesse physique éternelle. Les secrets de sa tumeur sont utilisés par la compagnie LifeLong qui commercialise pour quelques très riches clients cette fontaine de jouvence. Compliqué car personne n’a vu Daria depuis bien des années.

L’examen de l’évolution des technologies biomédicales et de leurs conséquences est comme toujours chez Kress précis et argumenté. C’est une des forces du texte. Max Feder n’est pas un personnage sympathique. Ce qui le rend par ailleurs intéressant et crédible. Daria n’est qu’un fantôme dans l’histoire, une femme fantasmée par Max et par beaucoup d’autres, profiteurs et détracteurs. Nancy Kress revient en flashbacks sur l’existence de Max, et sur l’évolution du monde vers le pire. Son parcours et son obsession sont rendu vivants par la focalisation du récit sur sa personne. Nancy Kress a fait le choix du récit à la première personne. Mais en fin de vie, Max réalise que toute sa vie ressemble à l’une de ses arnaques et à la fin, sur la dernière page, Max ne peut que s’interroger :

« Tout cela a-t-il le moindre sens ? »

La Fontaine des âges pose une question récurrente dans l’œuvre de Nancy Kress : le sens de la vie confrontée à l’évolution des technologies jouant sur la biologie lorsque survient la vieillesse des corps et des esprits. S’y opposent croyances, espoirs, et vécus personnels. Je ne sais pas si c’est la question elle-même, où la façon dont Nancy Kress la traite, mais elle ne m’émeut jamais plus que ça. Ne me reste à lecture qu’une admiration face à la maîtrise à la fois du propos et des outils déployés, à défaut d’être véritablement bouleversé.


D’autres avis : Au Pays des Cave Trolls, Les lectures du Maki,


  • Titre : La Fontaine des âges
  • Autrice : Nancy Kress
  • Publication : 18 février 2021, coll. Une Heure-Lumière, Le Bélial’
  • Traduction : Erwann Perchoc
  • Nombre de pages : 112
  • Format : papier et numérique

11 réflexions sur “La Fontaine des âges – Nancy Kress

  1. J’ai quelques bons souvenirs avec l’autrice que ce soit « L’une rêve, l’autre pas » et quelques nouvelles de son recueil Danses Aériennes. Mais aussi quelques deception comme Les hommes dénaturés ou Après la chute.

    J’essaierai donc celle là sans soucis, le cachet UHL étant un gros plus ! 😉

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    1. Un UHL, ça se tente toujours. Après, on est plus ou moins touché selon sa sensibilité. C’est vrai que pour ma part, Nancy Kress me touche plus quand elle fait de la hard-SF sans sentiment, que lorsqu’elle essaye de nous émouvoir. Va comprendre…

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