
Après quelques mois d’absence due à des événements qui ont laissé à l’humanité un avant-goût de fin du monde, en forme de teaser viral, la belle et science-fictive collection Une Heure Lumière chez Le Bélial’ revient à la rentrée avec deux titres fort excellents qui seront publiés le 27 Août : Vigilance de Robert Jackson Bennett, lu en VO et chroniqué ici, et Les Agents de Dreamland, chroniqué là. Bien qu’ayant une production importante, Caitlin R. Kiernan est peu traduite en français. Seuls deux romans l’ont été à ma connaissance. L’autrice américaine, née à Dublin, est pourtant une nouvelliste acharnée. Il faut dire qu’elle est parfois tout à fait illisible à mon sens. Je n’ai jamais réussi à finir son recueil de nouvelles The Very Best of Caitlin R. Kiernan. Le style est lourd et convoluté, à se demander si elle n’utilise pas un algorithme de tirage aléatoire pour agencer ses phrases. C’est aussi le cas pour la longue novella Black Helicopters publiée chez Tor en avril 2018, texte parfaitement incompréhensible qui s’inscrit dans l’univers de Les Agents de Dreamland et de Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis qui est l’objet de cette chronique. Qu’on se rassure, ces deux textes là sont parfaitement lisibles et même de grande qualité. Vous lirez peut-être les Noirs Vaisseaux avant Les Agents, mais il vous faut savoir que la nouvelle fait suite à la novella et en constitue l’épilogue. Cela dit, les deux peuvent s’apprécier indépendamment l’une de l’autre et l’ordre de publication inversé à quelques jours d’intervalle ne nuit en rien à la découverte. Faites comme bon vous semble.
C’est donc pour introduire ses lecteurs tant à l’univers de la novella à venir qu’à l’écriture de son autrice que les Béliaux, futés comme ils sont, ont choisi de publier dans le dernier numéro de Bifrost d’Août 2020, la nouvelle Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis dont on applaudira la traduction fluide de Mélanie Fazi. Les Agents de Dreamland et Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis sont des textes de déclinaison lovecraftienne qui rafraichit la thématique de l’horreur cosmique en la propulsant vers des sommets d’angoisse. Caitlin R. Kiernan y invoque les Grands Anciens et réveille Cthulhu qui songe à R’lyeh. L’époque et l’évolution du genre littéraire horrifique font que les écrits de Kiernan sont autrement plus noirs et violents que ceux du Maître de Providence. Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis est une nouvelle post-apocalyptique, très sombre, qui décrit la fin du monde telle qu’elle est vue par les yeux de Susannah depuis les remparts de la cité assiégée de Chicago, suite au réveil de Cthulhu en sa cité enfouie de R’lyeh. Même au cœur de Chicago, sous la nuit qui s’annonce, les prêtres et les nécromanciens ne cessent de prier les « choses anciennes ». Toute résistance est futile. Gardienne des remparts qui recueillent les dernières traces d’humanité, Susannah le sait, personne ne viendra pour eux. La plume de Caitlin R. Kiernan est évocatrice et le tableau qu’elle peint est un délice d’inéluctabilité apocalyptique. Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance.
Si vous vous êtes un jour demandé ce qu’il adviendra lorsque R’lyeh s’éveillera, les admirables Les Agents de Dreamland et Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis sont à lire. Avant qu’il ne soit trop tard.
D’autres avis : Apophis la chronique en VO, Gromovar l’évoque,
5 réflexions sur “Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis – Caitlin R. Kiernan”