Les Tiges – Thomas Geha

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Les Tiges est une courte nouvelle de Thomas Geha, publiée en 2012 dans l’anthologie Destination Univers chez Griffe d’encre et qui a reçu le prix Rosny aîné en 2013. À la faveur du confinement, l’auteur a récemment choisi de la proposer en téléchargement gratuit sur son site. Rendons aux blogueurs de SF aux sens affûtés les honneurs qui leur reviennent : ce sont les recensions d’un Cave Troll et de Lorhkan qui m’ont alerté sur l’existence de ce texte dont je parle aujourd’hui. La nouvelle s’inscrit dans un cycle, dit des Planètes pirates, auquel appartiennent les romans Sous l’ombre des étoiles et La Guerre des chiffonneurs de l’auteur. Je ne connais ni ces romans ni l’univers du cycle, et cela n’empêche en rien d’apprécier la nouvelle qui ne réclame aucune autre explication que celles qu’elle offre.

Les Tiges est une nouvelle de science-fiction. Ça fait un bon siècle, voire plus, que critiques et universitaires s’écharpent vainement à tenter de définir ce qu’est la science-fiction. Certains écrivent même des livres sur la question. Je vais vous faire gagner du temps et clore définitivement ce débat : la science-fiction est l’extrapolation sous forme fictionnelle de la science. Voilà, ne me remerciez pas.

Les Tiges est donc une nouvelle de science-fiction. Elle prend comme idée de départ la théorie de la course stationnaire en biologie évolutive, autrement connue sous le nom d’hypothèse de la reine rouge. N’imaginez pas un instant que j’interprète, l’hypothèse est invoquée par un des personnages dans la nouvelle. L’idée est que la sélection naturelle impose au couple proie/prédateur, dans le cadre d’une compétition bipartite, une évolution adaptative conjointe. Il y a donc une course aux armes qui aboutit paradoxalement à une stagnation des rapports de force. C’est encore plus amusant lorsque cette course aux armes invente le mimétisme dans le cadre d’une compétition tripartite avec « une espèce servant de modèle, plus deux autres, l’imitatrice et la dupée ».  C’est ce dont parle Les tiges en imaginant ce que donnerait cette hypothèse si on l’appliquait à l’échelle de l’univers, avec trois espèces en compétition. Cela fait un space-opera assez fûté.

L’humanité s’est prise une déculottée cosmique lorsqu’elle a rencontré une espèce invasive appelée les Ailaidarlis. De ceux-ci, personne ne sait rien, si ce n’est qu’ils ont rapidement transformé les humains en esclaves utilisés comme chair à canon dans l’espace. Là-dessus ont débarqué les Tiges, eux-mêmes en conflit avec les Ailaidarlis. Comme leur nom le laisse supposer, les Tiges sont une espèce végétale, qui possède une intelligence mimétique. Ils ont sauvé une partie des humains des griffes (ou des pseudopodes, ou tentacules, ou… enfin, on ne sait pas) des Ailaidarlis en développant avec eux une forme de symbiose, plus imposée que volontaire du côté humain. La nouvelle raconte une journée dans la vie d’une petite poignée d’humains qui survit à bord d’une station spatiale Tige lors d’une attaque de vaisseaux Ailaidarlis. Tout ceci, me direz-vous, est assez classique. Oui ça l’est et non ça ne l’est pas. Thomas Geha nous gratifie d’une bataille spatiale en bonne et due forme, mais l’accompagne d’une réflexion sur le devenir de l’humanité à long terme dans l’univers, en termes de compétition entre espèces. Les formes de vie imaginées sont franchement originales, ainsi que leurs interactions avec l’humanité, ou ce qu’il en reste. Le texte se clôt sur une révélation vertigineuse qui lui donne tout son sel. J’ai beaucoup aimé.


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