Locus 2018 : The Martian Obelisk – Linda Nagata

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The Martian Obelisk de Linda Nagata est une nouvelle de science-fiction publiée en 2017 sur Tor.com, et qui vient de remporter le prix Locus 2018 dans la catégorie meilleure nouvelle. Je l’avais lue en Mai dernier, lors de l’annonce des prétendants, mais n’avais pas jugé utile de la chroniquer sur ce blog, estimant qu’elle avait peu de chance de l’emporter face à ses concurrents. Je vous laisse ainsi apprécier la pertinence de mes jugements en matière de SF et de ma compréhension des tendances dans le domaine…

Susannah Li-Langford  est une architecte qui a entrepris de construire à distance un obélisque sur Mars, qui devra s’élever fièrement pendant des milliers d’années, c’est à dire plus longtemps que la civilisation humaine sur Terre, qui elle meurt de catastrophes écologiques en guerres absurdes . Notons de suite que cette idée tordue de construire un obélisque sur Mars n’est pas originale puisque Stephen Baxter à lui aussi basé une nouvelle autour de cette idée dans Obelisk, publiée dans le recueil Edge of Infinity édité par Jonathan Strahan. Les deux approches sont toutefois très différentes. Stephen Baxter imagine un monument grandiose comme une déclaration d’indépendance des colonies martiennes face à l’hégémonie terrestre. Dans la nouvelle de Linda Nagata, l’obélisque n’est que l’obsession personnelle et désespérée de Susannah et son obélisque est un monument mortuaire pour les colonies martiennes qui ont toutes échouées, les colons sont morts, et les humains qui se meurent sur Terre. Un monument pour la fin du monde. Tout ceci est posée en quelques lignes en début de texte.

Sea levels rose along with average ocean temperatures. Hurricanes devoured coastal cities and consumed low-lying countries. A long run of natural disasters made it all worse—earthquakes, landslides, tsunamis, volcanic eruptions.

Susannah travaille depuis 17 ans à la réalisation de son projet, et il lui reste encore six ans et demi avant de pouvoir l’achever. Elle a 80 ans. Elle a perdu ses deux enfants dans différentes catastrophes. Elle reçoit un jour un message de l’IA pilotant les opérations martiennes de construction, qui l’informe d’un danger immédiat, à savoir l’approche d’un véhicule à proximité de son obélisque. Ce véhicule automatique provient d’une colonie morte, Red Oasis, situé à 5000 km de là. Pour une raison assez peu claire, Susannah imagine que quelqu’un en veut, à elle et à son projet.

La nouvelle raconte son dialogue avec son IA et ses tentatives d’écarter le danger qui se présente pour son œuvre, le tout sous la contrainte d’une communication qui met 19 minutes à parvenir de la Terre à Mars. Jusqu’à ce qu’elle découvre la véritable nature de ce véhicule. Et là c’est le twist, qu’on voit franchement arriver dès le début du texte, tout comme la conclusion.

Ce n’est pas tant ce manque complet de surprise qui ne m’a pas convaincu de l’intérêt de cette nouvelle. C’est un défaut plus subtil qui ne cesse de m’agacer lorsqu’on parle de texte de SF : ce n’est pas de la SF ! La partie science-fictive n’est qu’une excuse, par ailleurs assez faiblement menée,  pour raconter une histoire de souffrance personnelle, et de rédemption lorsque l’occasion se présente. L’histoire aurait pu être écrite dans n’importe quel autre cadre, historique ou contemporain. Que cela se passe sur Mars dans une ère pré-apocalyptique pour l’humanité n’apporte strictement rien au texte. Ce n’est qu’un dévoiement de la science-fiction. Et ça, personnellement, ça me fâche.

En face, il y avait par exemple Zen and the Art of Starship Maintenance de Tobias S. Buckell qui est autrement plus jouissif du point de vue purement SF.

Vous pouvez lire la nouvelle de Linda Lagata en VO librement en ligne chez Tor, ou en VF dans le numéro 89 de la revue Bifrost consacrée à Nancy Kress.


8 réflexions sur “Locus 2018 : The Martian Obelisk – Linda Nagata

  1. J’ai lu ce texte dans Bifrost, et je l’ai trouvé d’assez faible envergure. Pourtant, j’aime bien ce que fait Nagata d’habitude. Le côté monument mortuaire m’a rappelé L’étoile d’Arthur C. Clarke, personnellement (un p*tain de texte, à la chute vertigineuse).

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  2. Je crains de poser une question qui fâche, mais est-il possible que les prix de SF aux USA soient influencés par le climat politique américain?
    Par exemple, écarter les auteurs masculins blancs pour privilégier la diversité, peu importe (au fond) les textes?

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    1. Bien sûr, et c’est le cas depuis quelques années déjà. Les jurys ne s’en cachent absolument pas par ailleurs. Le milieu de la SFFF prend clairement position dans le débat sur la représentation des minorités (notons que c’est un pays dans lequel les femmes sont considérées comme minorité). Ces prix sont éminemment politiques. Il n’y a aucun doute là-dessus. Maintenant, je ne dis pas que cette nouvelle a reçu ce prix pour cette raison. D’ailleurs, c’est John Scalzi qui a reçu le prix du meilleur roman. Dans ces prix, la liste des sélectionnés est toujours plus intéressante que celle des récipiendaires à mon humble avis. Ce sont à peu près tous de bons textes.

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    1. Pour qu’il ait eu ce prix, je me doute bien que de nombreuses personnes ont dû l’apprécier. Mais puisque tu es là, tiens, explique moi donc ce que tu lui as trouvé d’extraordinaire à ce texte.

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      1. Bon, déjà, je suis le gars fleur bleue qui a la larme à l’œil chaque fois que « O captain my captain » dans Le cercle des poètes disparus, pour situer. 😉 Ce qui m’a séduit dans ce texte de Nagata (autrice que j’aime bien par ailleurs, j’ai lu deux de ses romans), c’est d’une part son accessibilité — on peut le mettre entre les mains d’à peu près n’importe qui, c’est pas du Rajaniemi –, et d’autre part son relatif optimisme — j’en peux plus des dystopies ; là, c’en est une, mais il y a une lueur au bout du tunnel et du texte. Cliché ? Pas plus que le noir c’est noir habituel. D’ailleurs, je me demande si Mars n’est pas en train, depuis vingt-cinq ans, de (re?)devenir une sorte de symbole d’un avenir possible : Robinson, Bear, Aldiss, Weir, etc. Mais bon, voilà : j’y ai vu/lu une bouffée d’air frais. Apparemment, je ne suis pas le seul, car le Locus est un prix à la fois populaire (plus de mille votants sur les grosses catégories) et exigeant (les abonnés de la revue).

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        1. C’est drôle parce que je lui ai trouvé au contraire un côté très déprimant à cette nouvelle. Comme quoi. Et moi non plus je n’en peux plus des dystopies. Mais je comprends l’argument de l’accessibilité et ce petit, tout petit, espoir qui surgit dans les dernières lignes. Sur la question de Mars, tous les romans ou nouvelles que je lis ces temps-ci proposent Mars comme alternative. Il faut dire que c’est plus que jamais dans l’actualité scientifique. Elon, si tu nous lis, bises.

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