Planetfall – Emma Newman

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Planetfall d’Emma Newman est un roman de SF psycho-sociale publié à l’origine en Anglais en 2015, puis traduit en Français en 2017 dans la collection J’ai Lu. Il s’agit du premier roman de l’auteure anglaise qui s’était jusqu’alors illustrée dans des nouvelles de fantasy urbaine. Ce roman a reçu un certain écho dans la presse et a fait connaître son auteure jusque chez nous. Il a une suite, After Atlas, publiée par J’ai Lu au début de cette année.

L’histoire. Planetfall nous envoie vers un avenir indéterminé, et raconte les événements qui vont conduire en quelques jours à la chute d’une colonie humaine sur une planète lointaine. Le récit est fait à la première personne par Renata Ghali, ingénieure de la colonie. C’est pas ses réflexions, ses souvenirs, doutes et peurs que nous apprenons au fil du roman l’histoire de la colonie. Celle-ci est installée depuis 20 ans au pied de la « Cité de Dieu », une sorte de monument extraterrestre gigantesque étrangement organique, ressemblant vaguement à un arbre. Il y a quelques décennies de cela, Lee Suh-Mi a eu une vision provoquée par l’absorption d’une drogue qui l’a plongée dans le coma. Cette vision lui a révélé la position d’une planète sur laquelle se trouverait…Dieu. En quelques années, elle a convaincu des scientifiques, ingénieurs et spécialistes en tout genre de la suivre et de construire un vaisseau spatial, l’Atlas, qui les emmène jusqu’à la dite planète. L’arrivée sur place ne se passe pas sans heurt. Suh est portée disparue dans la Cité de Dieu, une partie des navettes d’atterrissage s’écrase en tuant les occupants, et les survivants créent la colonie sous la forme d’une société utopiste. Mais cette société est construite sur un mensonge. L’arrivée dans la colonie d’un étranger, descendant de survivants du crash, va faire resurgir le passé.

Ce que j’en pense. Le roman a quelques qualités mais aussi de nombreux défauts.

J’ai aimé le point de vue original de Renata Ghali qui est un personnage singulier, affecté d’un stress post-traumatique qui prend la forme d’une syllogomanie sévère. (La syllogomanie est un trouble du comportement consistant à collectionner de manière maladive les objets.) Le problème de ce point de vue unique portée par une personnalité à la marge de la colonie est que les autres personnages ne sont absolument pas développés et n’apparaissent à travers le roman que comme des caractères monodimensionnels. Il y a le manipulateur, la folle religieuse, l’étranger trop curieux. Une fois ce rôle défini, chacun n’exprimera que ce trait sans jamais en départir.

J’ai aimé la construction de cette colonie autour d’une adaptation aux conditions locales et une philosophie « zéro déchet » par nécessité de recycler tous les matériaux. Il y a là une bonne idée. Malheureusement, son exploitation ne repose essentiellement que sur une technologie qui relève de la magie : l’imprimante 3D. Les imprimantes 3D de la colonie vont aussi bien vous imprimer votre petit-déjeuner, vos vêtements, un rein, une arme, ou votre maison. L’imprimante 3D, c’est le gadget à la mode en SF. Ainsi utilisée comme réponse à toutes les difficultés de l’installation d’une colonie humaine sur une planète étrangère, amène à enterrer complètement la thématique qui aurait pu être intéressante, à défaut d’être totalement originale. Dans le même ordre d’idée, Emma Newman pose rapidement le problème du contact avec une vie microbiologique à laquelle l’humain n’est pas adapté, mais balaye tout aussi rapidement ses conséquences à court terme en avançant l’adaptation rapide des organismes. C’est encore là un peu facile.

J’ai aimé la lente révélation du mensonge à l’origine de la colonie, le suspens maintenu tout au long du roman. Cependant, toute cette construction repose sur l’idée ridicule d’une transhumance humaine sous le prétexte d’aller chercher Dieu. Le fonctionnement des sectes est toujours surprenant, mais l’idée de faire construire le premier vaisseau capable de voyage interplanétaire et de convaincre des milliers de scientifiques et ingénieurs de se lancer dans un tel voyage uniquement sur la foi des visions d’une jeune étudiante en biologie dans le coma, ne me semble pas une nanoseconde crédible. Quelque soit le genre littéraire, Dieu est toujours un très mauvais ressort romanesque. Dans quelque sens qu’on la prenne, la fin est singulièrement décevante.

En conclusion, malgré quelques bonnes idées, Planetfall d’Emma Newman est un roman qui souffre de trop nombreuses faiblesses à mon goût pour être véritablement intéressant. Ce n’est juste pas mon style de SF. Sa principale qualité est de proposer une lecture facile, dans un style direct et transparent qui ne provoquera ni migraine ni crise existentielle nocturne.

Voir aussi les avis de GromovarXapurCélindanaéLorkhan 


Livre : Planetfall
Auteur : Emma Newman
Publication : 2015 (VO) 2017 (VF)
Traduction : 2017 par Raquel Jemint pour J’ai Lu
Nombre de pages : 318
Support : livre papier


13 réflexions sur “Planetfall – Emma Newman

  1. Je pense que la révélation liée à l’héroïne est si bien traité psychologiquement parlant qu’elle peut justifier la lecture du texte, y compris si on aime d’ordinaire la SF plus velue, cohérente, ou expurgée de religion [malheureusement, notre monde réel laisse une place grande ouverte aux intégrismes et obscurantismes apparemment indéfendables. La soif de transcendance est énorme et la science ne l’a en rien affaibli. Je ne serai pas étonné que nombre de grandes fortunes se lancent dans des projets pharaoniques si des indications troublantes pouvaient leur fournir un espoir crédible à leurs yeux. Je n’aime pas que la SF me fasse bouffer de la religion, mais en tant que français athée, on oublie trop souvent l’état du monde]

    Je trouve regrettable d’aller jusqu’à déconseiller ce court roman.

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    1. Bonjour Chéradénine (excellente référence au passage),

      Ma critique ne représente que mon avis personnel. A partir de là, n’ayant personnellement pas trouvé ce roman intéressant, il me serait difficile d’en recommander la lecture. Je trouverais regrettable, et hypocrite, d’en faire autrement. Je crois que j’explique clairement dans ma critique les raisons pour lesquelles il ne m’a pas enthousiasmé. Chacun, je pense, peut en déduire s’il sera d’accord ou pas avec ces raisons.

      Par ailleurs, je suis d’accord avec toi sur le côté psychologique, je le note d’ailleurs parmi les qualités. C’est un des points réussis du livre.

      En outre, mon avis n’est pas centré sur la question de la religion. Le problème n’est pas d’être athée ou croyant. Certains livres de SF traitent de la religion de manière très satisfaisante, d’autres non. Ici, la foi en Dieu est traitée au degré zéro de la croyance. Je ne connais aucun croyant dans mon entourage qui n’éclaterait pas de rire si on leur proposait d’aller rencontrer Dieu sur une autre planète. Pour moi, ce n’est pas du tout crédible.

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  2. Malgré l’enthousiasme quasi-général, je ne sentais pas ce livre, et ton avis me conforte dans ma méfiance (et ce d’autant plus que nous avons des profils de lecteur extrêmement proches). J’ai d’ailleurs eu l’occasion de lire l’auteure dans un tout autre registre (Gaslamp Fantasy), et j’en était sorti tout aussi peu convaincu. Je vais donc suivre ton conseil et me concentrer sur autre chose (surtout que je suis loin de manquer de matière première).

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  3. C’est vrai que ce roman a de bon avis du coté des lecteurs VO, mais encore une fois apparemment nous n’avons pas les même attentes (ou c’est un problème culturel?) parce qu’il fait un relatif flop par chez nous.
    J’étais sceptique mais plus le temps passe et moins j’ai vraiment envie de le lire, on verra bien ^^ (si ma médiathèque le prend je lui donnerais peut être sa chance !)

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  4. Cherchant la date de la sortie du 3ème volume de cette trilogie, je viens de tomber sur cette critique.
    Personnellement, je l’avais beaucoup apprécié. Et sa suite, After Atlas m’a carrément épaté.
    Quelle surprise donc de voir qu’Emma Newman ne vous a pas plus.

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