Architectes du Vertige – Grand Prix de l’imaginaire

Cinquante piges. C’est l’âge du plus ancien et sans doute du plus prestigieux prix récompensant en France des œuvres de fiction qui s’inscrivent dans le vaste domaine des littératures de l’imaginaire, comprenez science-fiction, fantasy et fantastique. Créé en 1974 par Jean-Pierre Fontana sous le nom de Grand Prix de la science-fiction française, puis devenu Grand Prix de l’Imaginaire en 1992 pour s’ouvrir aux textes étrangers, romans et nouvelles, le GPI fête donc cette année ses cinquante ans d’existence. Pour l’occasion, il a quitté Saint-Malo et son festival des Etonnants Voyageurs pour aller prendre des couleurs sous le ciel montpelliérain à l’occasion de la Comédie du livre qui s’est tenu au cours du mois de mai. Et ce fut un franc succès. Cette célébration ne serait toutefois pas complète si elle ne s’accompagnait d’une rétrospective, un regard tendre porté en arrière sur le chemin parcouru. Le GPI s’est donc associé avec les éditions Le Bélial’ pour faire paraitre Architectes du Vertige, une anthologie regroupant 10 nouvelles primées, représentant le prix, son évolution, ainsi qu’évidemment l’évolution du genre sur les cinq dernières décennies. Les textes sélectionnés par les membres du jury pour figurer au sommaire sont les suivants :

  • Petite mort, petite amie d’Yves Frémion, 1978.
  • Accident d’amour de Wildy Petoud, 1993.
  • Déchiffrer la trame de Jean-Claude Dunyach, 1998.
  • meucs, de Terry Bisson (traduction révisée de Gilles Goullet), 2001.
  • Les Yeux d’Elsa de Sylvie Lainé, 2007.
  • Océanique de Greg Egan (traduction de Francis Lustman et Quarante-Deux), 2010.
  • Le Remède de Lisa Tuttle (traduction de Mélanie Fazi), 2012.
  • La Fille-flûte de Paolo Bacigalupi (traduction de Sara Doke), 2015.
  • Ethfrag de Laurent Genefort, 2016
  • Shiva dans l’ombre de Nancy Kress (traduction de Pierre-Paul Durastanti), 2018.

L’ouvrage, illustré par Caza, est préfacé par Joëlle Wintrebert, présidente du jury depuis 2014, et postfacé par Jean-Pierre Fontana, créateur du prix.

Les présentations faites, arrive le moment où je vais devoir vous donner mon avis, et donc saisir l’opportunité de me faire encore beaucoup d’amis… Etant lecteur de nouvelles compulsif, j’avais déjà lu une grande partie de ces textes, chroniqué certains (suivre les liens en bleu), et les surprises furent donc peu nombreuses. Et donc, sans surprise et c’est là que ça pique, j’ai trouvé la qualité des textes étrangers bien supérieure à celle des textes français. J’ignore si cela relève du biais culturel ou esthétique, mais j’ai beaucoup de mal avec les textes courts français, à quelques exceptions près et notables. Je suis prêt à tous les efforts et même à la bienveillance, mais il m’est difficile de comparer des chefs d’œuvre comme meucs de Terry Bisson, Océanique de Greg Egan, La Fille-flûte de Paolo Bacigalupi ou Shiva dans l’ombre de Nancy Kress – textes qui à eux seuls valent la lecture de l’anthologie, aux textes de nos auteurs hexagonaux. Parmi eux, le seul qui se distingue à mes yeux est Déchiffrer la trame de Jean-Claude Dunyach qui est un texte que je trouve très réussi. D’autre part, j’ai plus bien apprécié les textes les plus récents que l’inverse. La patine du temps ne met pas toujours en valeur la littérature. Ainsi, j’ai particulièrement peu goûté Petite mort, petite amie d’Yves Frémion, texte qui ouvre cette anthologie, et qui est très certainement daté mais a aussi très mal vieilli.

Cela étant dit, la grande surprise, la joie de la découverte, la claque absolue à la lecture de ces dix textes réunis, fut meucs de Terry Bisson. Cette nouvelle, aussi parfaite sur le fond que la forme, est épatante de maitrise. À ce point que je l’ai relue plusieurs fois. Un très grand texte.

Architectes du Vertige, à travers une sélection de textes primés par le GPI, invite à parcourir en 10 pas 50 ans de production littéraire dans les domaines de l’imaginaire. C’est évidemment partiel et partial, mais représentatif, il me semble. Les nouvelles sont de qualité inégale, quand bien même le niveau général est élevé comme on pouvait s’y attendre. Chacun aura ses préférences. Mais ne serait-ce que pour les chefs d’œuvre qui y sont présentés, et qui comptent pour plus de la moitié des pages, c’est assurément une lecture fort appréciable qui peut aussi bien servir d’entrée en matière pour découvrir l’univers de la forme courte en Imaginaire.


  • Titre : Architectes du vertige
  • Auteurs : Yves FRÉMION, Wildy PETOUD, Jean-Claude DUNYACH, Sylvie LAINÉ, Laurent GENEFORT, Terry BISSON, Lisa TUTTLE, Greg EGAN, Paolo BACIGALUPI, Nancy KRESS
  • Publication : 16 mai 2024, Le Bélial’
  • Nombre de pages : 384
  • Support : papier (23,90€) et numérique (12,99€)

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