The Circumference of the World – Lavie Tidhar

Vous ne l’avez peut-être pas encore lu, mais vous avez sans doute entendu parler de l’auteur israélien Lavie Tidhar, notamment parce qu’il est récipiendaire du prix Planète SF et le prix ActuSF de l’uchronie pour le roman Aucune terre n’est promise publié chez Mü en 2021 ou, si vous lisez l’anglais, pour son roman Central Station publié en 2016 et qui a reçu le prix John-Wood-Campbell Memorial. S’il est encore assez peu traduit en français à ce jour, Lavie Tidhar commence à avoir une bibliographie honnête avec une quinzaine de romans publiés en langue anglaise, aussi bien en SF qu’en fantasy.

Je prends peut-être des paris osés mais je dirai qu’il y a peu de chance de voir son dernier roman, The Circumference of the World, un jour traduit chez nous. Non pas que le roman soit mauvais, je l’ai au contraire trouvé très bon, mais parce qu’il s’adresse à un public de niche, la partie du fandom SF qui connait et s’intéresse à l’histoire intime de l’âge d’or de la science-fiction américaine, à ses acteurs et leurs interactions. Il faudra avoir lu quelques livres, comme Astounding d’Alec Nevala-Lee, Strange Angel de George Pendle, Rocket to the Morgue d’Anthony Boucher, la biographie de Robert A. Heinlein de William H. Patterson ou encore In Memory Yet Green, l’autobiographie d’Isaac Asimov, pour pleinement appréhender et apprécier à sa juste mesure, voire simplement le comprendre, le roman de Lavie Tidhar. Je vous propose un test d’éligibilité : si vous ne savez pas qui est Jack Parsons et quel est son lien avec la science-fiction, passez votre chemin, ce livre ne vous intéressera pas.

En sept chapitres et autant de narrateurs différents, The Circumference of the World croise les personnages et les époques pour livrer une histoire de la science-fiction américaine à travers la vie d’un écrivain, un certain Eugene Charles Hartley, qui décida un jour de créer une religion.

« It was all just painted backdrop. It was all a sham. Soon the hidden carpenters would come and carry it all away: pick up the horizon and unhook the sun, and what would be left would be a terrible nothingness, and dust.»

Mais c’est avant tout un roman de science-fiction avec ses twists et ses interrogations existentielles, certains parleraient de métaphysique, et Lavie Tidhar fait là le récit d’une vie de science-fiction vécue (voilà qui plairait à Serge Lehman). C’est un livre bourré d’idées depuis les tropes de la vieille SF jusqu’aux considérations les plus modernes sur la physique (on y parle de trous noirs et de rayonnement de Hawking) et de la grande question du sens de la vie, de l’univers et du reste. Le personnage d’Hartley, vous l’aurez compris, fait référence de manière transparente à L. Ron Hubbard et de nombreux détails de la vie d’Hartley sont tirés d’événements réels. Le roman est truffé de références et de clins d’œil à des œuvres majeures de la science-fiction de cette période. On y croise aussi tout le gratin de l’époque : John W. Campbell, Robert A. Heinlein, Jack Parsons, Isaac Asimov, A. E. van Vogt. L’un des chapitres, absolument brillant, est d’ailleurs entièrement constitué de lettres que s’échangent Asimov, Campbell, Heinlein, Sprague de Camp, mais aussi Kerouac et Ginsberg. Lavie Tidhar livre un portrait sans complaisance, mais avec humour, de ces personnages et leurs travers. (Campbell en prend pour son grade !) Ainsi, si vous ne connaissez rien de ces auteurs au-delà de leurs écrits, vous passerez totalement à côté du livre. À l’inverse, si vous savez les histoires, les anecdotes, les scandales, alors il est probable que vous prendrez beaucoup de plaisir à les voir croqués sous la plume de Lavie Tidhar.

The Circumference of the World est un roman ingénieux, très plaisant à lire, et bourré d’humour. Lavie Tidhar y rend hommage à l’âge d’or de la science-fiction américaine tout en en faisant la critique, exposant ses travers, ses espoirs et ses échecs. C’est une excellente lecture pour les aficionados, sans doute à éviter pour ceux que cette période et ces personnages intéressent peu.


  • Titre : The Circumference of the World
  • Auteur : Lavie Tidhar
  • Publication : 5 septembre 2023, Tachyon publications
  • Nombre de pages : 256
  • Support : papier et numérique

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