L’Antre – Brian Evenson

À la suite du roman Immobilité de Brian Evenson publié chez Rivages, intéressons-nous à la novella L’Antre du même auteur, publié chez Quidam. Comme je vous le disais dans la chronique précédente, les deux textes ont beaucoup en commun et forment un diptyque. Le roman fut publié en version originale en 2012 et la novella en 2016. C’est dans cet ordre qu’il est préférable de les lire car le roman précède chronologiquement la novella qui constitue une suite se déroulant quelques dizaines d’années plus tard, soixante-dix ans voire plus. Le personnage principal d’Immobilité, nommé Horkaï, reparait dans L’Antre sous le nom d’Horak. Enfin, de nombreux éléments de l’univers dans lequel le récit se situe sont expliqués dans le roman mais pas dans la novella. La raison pour laquelle ces deux textes sont publiés le même mois par deux maisons différentes fait partie des mystères de l’édition française. Si cela ne fait aucun sens du point de vue éditorial, les lecteurs que nous sommes ne se plaindront pas d’avoir les deux à disposition dans le même temps.

Les années ont passé depuis Immobilité, mais à l’évidence les choses ne se sont pas améliorées.  Le monde est encore un peu plus mort qu’il ne l’était déjà. Si Horkaï avait été éveillé pour se lancer dans une quête de sens et d’identité au sein d’un monde sans raison, le narrateur de L’Antre, simplement désigné par la lettre X, n’a même plus ce loisir. Il vit dans l’antre, un complexe sous-terrain, dans lequel il perpétue la vie, ni plus ni moins, selon un principe établi par un certain Aarskog et transmis jusqu’à lui par des générations successives (mais brèves, chaque individu vivant 5 ans en moyenne) jusqu’à son prédécesseur Wollen, et avant lui Vigus et Vagus. Les noms de chaque génération se succèdent selon l’ordre alphabétique. X est donc la 24e génération. (Selon ce décompte, nous serions au moins 120 ans après Immobilité.)

« J’œuvre contre moi-même. Certaines partie en moi sont prêtes à me trahir et je n’ai plus sur elles aucun contrôle évident, surtout si je m’endors. »

Mais voilà, X n’est pas seul dans sa tête. Littéralement. Il est une sorte de composite de plusieurs individus qui l’ont précédé. La question qui le préoccupe alors est de savoir s’il est un humain, une personne, ou plusieurs. Etre humain ou être une personne sont deux notions distinctes. C’est le Terminal de l’antre qui lui en fait la révélation. Découvrant l’existence d’une autre personne « conservée » en dehors de l’antre, X va aller réveiller Horak.

« Mais vous, dit-il enfin. Selon quelle définition prétendez-vous être une personne ? »

Avec L’Antre, Brian Evenson poursuit le questionnement initié dans Immobilité sur la nature humaine et la définition que l’on peut donner d’une personne (voire de la vie sentiente) en dehors de la biologie et de la capacité à se définir soi-même. L’Antre est un texte moins sombre que ne l’est Immobilité, mais on y retrouve la plume précise et féroce de l’auteur. Il est moins marquant aussi, mais il ouvre la réflexion à des territoires annexes, ce qui est beaucoup pour un texte si court.


D’autre avis : Gromovar, le Maki, Le Nocher des livres,


  • Titre : L’Antre
  • Auteur : Brian Everson
  • Publication originale : 2016, anglais [US]
  • Edition française : 6 janvier 2023
  • Traduction : Stéphane Vanderhaege
  • Nombre de pages : 110
  • Support : papier et numérique

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