
Le weekend dernier, dans la nuit de dimanche à lundi pour nous, a eu lieu à Chicago la remise des Hugo, prix littéraire américain créé en 1953 et considéré comme le plus prestigieux dans le domaine de la science-fiction et de la fantasy. Le prix est attribué dans plusieurs catégories, par vote ouvert aux adhérents de la World Science Fiction Society.

Neil Clarke est un éditeur américain qui a lancé en 2006 le magazine en ligne Clarkesworld. Tous les mois, il publie entre 6 et 8 nouvelles de science-fiction, principalement, et de fantasy, plus occasionnellement, gratuitement accessibles en ligne, avec de plus en plus régulièrement des versions audios des textes. Après avoir été nominé 10 fois dans la catégorie « meilleur éditeur professionnel de format court », en 2012, 2013, 2014, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, Neil Clarke a enfin obtenu le prix cette année. Il était plus que temps.
Vous ne l’avez peut-être pas noté, mais je vous ai parlé de très nombreuses fois de Clarkesworld sur ce blog, à l’occasion de chroniques de nouvelles. Le magazine de Neil Clarke est pour moi ce qui se fait de mieux à l’heure actuelle dans le monde anglosaxon en ce qui concerne la publication de textes courts, et tous les premiers du mois, je lis avidement les nouvelles parutions. La raison est que je considère que la nouvelle, en plus d’être la quintessence du genre, est aussi le laboratoire de la science-fiction. Un magazine comme Clarkesworld est non seulement un précurseur, mais aussi un fort indicateur des tendances du genre. Neil Clarke lui-même déclare dans l’éditorial du numéro de septembre du magazine : « Often, where short fiction goes, the rest of the field eventually follows. » C’est là le cœur des choses et à ce titre, Neil Clarke est l’un des éditeurs le plus influents du genre.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la liste des auteurs, connus ou inconnus à l’époque, dont il a publié les nouvelles – dont certaines ont été récompensées par des prix prestigieux comme le Hugo, le Nebula ou encore le Locus – depuis la création du magazine : Ken Liu, Greg Egan, Rich Larson, Peter Watts, Ray Nayler, Alastair Reynolds, Hannu Rajaniemi, Lavie Tidhar, Sam J. Miller, Catherynne M. Valente, Elizabeth Bear, Jeff Vandermeer, Caitlin R. Kiernan, Mary Robinette Kowal, Yoon Ha Lee, Mike Resnik, Nnedi Okorafor, N.K. Jemisin, Kij Johnson, Aliette de Bodard, Ian McDonald, Vandana Singh, Nancy Kress, Joe Haldeman, Sarah Pinsker, Robert Charles Wilson, Pat Cadigan… et même Ursula Le Guin, et encore tant d’autres.
Neil Clarke est un découvreur de talents, et un faiseur dans le genre. On reproche souvent à la science-fiction américaine d’être refermée sur elle-même, ignorante du reste du monde. Là encore, Neil Clarke s’est imposé comme un précurseur. Il y a quelques années, il déclarait : « l’avenir de la science-fiction est international ». Joignant le geste à la parole, il a très tôt ouvert les pages du magazine à des auteurs venus du monde entier, et Clarkesworld propose très régulièrement des textes d’auteurs chinois, indiens, etc. Neil Clarke est d’ailleurs éditeur d’une anthologie des meilleurs textes de science-fiction chinoise « New Voices in Chinese Science Fiction ».
Bref, si vous vous intéressez à la science-fiction moderne et si vous lisez l’anglais, même un peu, je vous invite à jeter un œil à Clarkesworld.
