Simulacres martiens – Eric Brown

À en juger par les sorties quasi simultanées de la réédition de l’omnibus Le Grand Livre de Mars de Leigh Brackett aux éditions Le Bélial’, du roman Les temps ultramodernes de Laurent Genefort dans la collection Albin Michel Imaginaire, de la réédition en un volume des romans Le Prisonnier de la planète Mars (1908) et La Guerre des vampires (1909) de Gustave Le Rouge aux Moutons électriques, et des Simulacres martiens d’Eric Brown dans la collection Une Heure-Lumière, on pourrait penser qu’il y a une certaine nostalgie de la Mars d’avant Mariner 4 chez les éditeurs français. En effet, si l’idée que la planète rouge puisse être une terre d’aventures burlesques a été foudroyée un beau matin de 1965 lorsque les premiers clichés de son sol aride et dépourvu de la moindre trace de vie arrivèrent jusqu’à nous, Mars a tout de même vécu quelques belles heures ludiques dans la littérature de science-fiction.

Tout commença en 1898 lorsqu’Herbert G. Wells a publié sa Guerre des mondes dans laquelle il imaginait l’invasion de la Terre par des armées de tripodes martiens malintentionnés à notre égard. Nous eûmes chaud, très chaud, et la partie ne fut sauvée que grâce à l’intervention inopinée et rapide de nos fidèles amis les microbes. L’histoire connut de nombreuses adaptations, suites et pastiches et, un beau jour de 2018, le facétieux écrivain britannique Eric Brown s’est dit : Tiens, si on se marrait peu ? Et il écrivit The Martian Simulacra. De notre côté de la Manche, Michel Pagel, grand amateur de pastiches, s’est dit :  Tiens, si on se marrait un peu ? Et il traduisit les Simulacres martiens. Du côté de Moret-Loing-et-Orvanne, Olivier Girard, grand timonier chauve mais poilant des éditions Le Bélial‘, s’est dit : Tiens, si on se marrait un peu ? Et… enfin voilà. Simulacres martiens est sorti le 20 janvier 2022 dans la collection des textes courts Une Heure-Lumière, sous cette magnifique couverture d’Aurélien Police.

Eric Brown – dont nous avions déjà lu et apprécié Les Ferrailleurs du cosmos qui se jouait des pulps – a imaginé une suite à La Guerre des Mondes. En 1898, deux ans après la première tentative, les tripodes sont de retour sur Terre. Car le martien a oublié d’être bête et s’est fait vacciner. Malin, le martien. Bourrée d’anticorps jusqu’au bout des tentacules, une deuxième vague a déferlé sur Terre et l’a conquise une bonne fois pour toute. Done! Les terrifiants tripodes font désormais partie du paysage des villes et des champs un peu partout à la surface de la planète, témoins et symboles de la domination martienne. Mais point de Rayon Ardent cette fois-ci. Ces martiens vaccinés de la nouvelle vague sont pacifistes. Affreusement laids et poulpeux, conquérants mais pacifistes. Ils souhaitent avoir des rapports plus chaleureux mais moins brûlants avec les humains et, pour prouver leur bonne foi, dispensent généreusement les goodies de leur technologie avancée : médicaments, voitures volantes, moteurs électriques, etc. Tout le monde est content, sauf quelques mécontents qui de toute façon ne seront jamais contents, mais qu’importe, les dirigeants de ce monde sont eux convaincus et collaborent joyeusement.

Au tournant du siècle, s’il existe un héros populaire entre tous, invasion martienne ou pas, c’est le détective Sherlock Holmes. Eric Brown ne pouvait l’oublier et lorsque l’ambassadeur des martiens à Londres vient à se faire trucider au coupe-papier, c’est bien sûr à la porte du 221B Baker Street que les extraterrestres viennent frapper pour demander de l’aide. Cette enquête introductive est racontée dans la nouvelle La Tragique affaire de l’ambassadeur martien publiée dans le numéro 105 de la revue Bifrost de janvier 2022. Pour le clin d’œil, y interviennent directement deux apprentis écrivains du nom de Herbert Wells et Rebecca West. Que lecteur se rassure, ou qu’il s’abonne à ladite revue, il n’est pas nécessaire de la lire pour comprendre le roman Simulacres martiens car tous les éléments de compréhension du monde sont rappelés dans ce dernier.

Deux ans après cette tragique affaire, les autorités martiennes font à nouveau appel aux talents de Sherlock Holmes et à son fidèle compagnon le Dr. Watson qui est le narrateur éternel de ces aventures. Cette fois-ci, c’est sur Mars qu’un crime a été commis. À peine ont-ils le temps de se demander « Mais au fait, pourquoi nous ? » que les voilà tous deux embarqués à bord d’un vaisseau spatial en direction de la planète d’origine des nouveaux maîtres de la Terre. En chemin, ils rencontrent Freya Hadfield-Bell, jeune femme au caractère plutôt bien trempé, ainsi qu’un certain professeur Challenger. Une fois sur place, les masques tombent. Evidemment, avec un titre comme « Simulacres martiens », vous imaginez bien que les choses ne sont pas tout à fait ce qu’elles semblent de prime abord et Eric Brown embarque son lecteur dans une série d’aventures pleine de tromperies et de rebondissements.

Les amateurs de romans policiers s’interrogeront sans doute sur l’intérêt d’envoyer Sherlock Holmes combattre des extra-terrestres poulpeux sur le sol martien, ce à quoi, nous, lecteurs intrépides de science-fiction, répondront : « élémentaire mon cher ami : parce que c’est amusant ! » Et c’est pour cette raison qu’on lit avec bonheur ces Simulacres martiens.


D’autres avis : Les lectures de Xapur, Quoi de neuf sur ma pile, Le Nocher des livres, Ombre bones, l’Albedo, Un dernier livre avant la fin du monde, Au Pays des Cave Trolls,


  • Titre : Simulacres martiens
  • Auteur : Eric Brown
  • Traduction : Michel Pagel
  • Publication : le 20 janvier 2022, Le Bélial’, coll. Une Heure-Lumière
  • Nombre de pages : 136
  • Format : papier et numérique

12 réflexions sur “Simulacres martiens – Eric Brown

  1. Un hommage/pastiche envoyant le locataire du 221 B Baker Street sur Mars me tentait déjà carrément. Alors ta chronique, et celle de Lutin, ont achevé de me convaincre de me rendre chez mon libraire pour acheter mon premier Bifrost (et m’y abonner aussi) afin d’enchaîner les deux récits !

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