Scorpion – Christian Cantrell

Scorpion est un techno-thriller futuriste de l’écrivain américain Christian Cantrell, développeur, technophile et auteur de plusieurs romans de SF autopubliés, dont le roman Containment qui s’est vendu à 125 000 exemplaires. De quoi éveiller l’intérêt de quelques maisons d’édition. De fait, Scorpion a été publié par Penguin/Random House en juin 2021. Pour la petite histoire, j’ai lu le manuscrit du roman fin 2020 pour le compte d’un éditeur à qui j’ai recommandé le titre (il n’a pas donné suite) avec toutefois quelques petites réserves et concluais ma fiche de lecture par « un scénario très travaillé qui à mon avis a un énorme potentiel du côté du cinéma. Ça ne m’étonnerait pas que les droits soient rapidement achetés ». Je me trompais lourdement. En fait, les droits avaient déjà été achetés par la 20th Century Fox. Christian Cantrell a basé son roman sur une novella qu’il avait écrite en 2010 et publiée sous le titre The Epoch Index. En 2018, le site The Hollywood Reporter annonçait l’achat des droits et la réalisation d’un film produit par Matt Reeves (Planet of the Apes) et dirigé par Brad Peyton (San Andreas) sur un scénario de Justin Rhodes (Terminator : Dark Fate de Tim Miller). Le film n’est pas sorti, et selon le site IMDb, il est toujours « en développement ».

Scorpion est ce que je qualifierai de thriller de science-fiction grand public, qui ne vise pas les fans hardcore de SF, mais pourra tout de même séduire ces derniers. Il contient certes des éléments de SF, surtout sur sa dernière partie, mais aucun concept difficile à accepter par des lecteurs peu habitués à se tordre l’esprit. Il se rapproche en cela des romans de Blake Crouch. D’un point de vue purement science-fictif, il n’est pas d’une originalité folle car il reprend des choses lues par ailleurs. Par contre, c’est un page turner d’une redoutable efficacité (je l’ai lu en une journée), dont la construction est très maitrisée. Le principe du fusil de Tchekhov y est utilisé de façon habille et de nombreux éléments qui semblent initialement mineurs prennent une importance capitale dans la phase de dénouement. Organisé en trois parties, le récit n’est pas avare en rebondissements et révélations tonitruantes, notamment en fin de deuxième partie où l’histoire prend une direction inattendue. Il y a toutefois un élément qui peut gâcher le plaisir : la révélation finale est identique à celle d’un film récent, mais postérieur à l’écriture du roman (je n’en dirais pas plus). Et c’est sans doute là le point qui a retardé la finalisation du film The Epoc Index.

Le roman s’ouvre sur un chapitre racontant la découverte d’un message crypté noyé dans la masse de données enregistrées au CERN. Ce message, qui personne ne comprend, s’ouvre sur une citation d’Hamlet :

« We know what we are, but know not what we may be. »

Ce message, resté indécryptable, prendra le nom de Epoch Index.

Une dizaine d’années plus tard, et six ans après une attaque terroriste nucléaire sur Séoul, nous suivons l’enquête menée par Quinn Mitchell, analyste à la CIA, sur une série d’une vingtaine de meurtres commis à travers le monde par un individu qui signe en gravant sur le corps de ses victimes par un nombre premier de 4 chiffres. Aucun lien apparent ne lie les victimes, dont certaines sont très jeunes (un bébé de 9 mois est assassiné, ce qui constitue un des points de bascule du roman.) Pour le lecteur, il n’y a pas de mystère sur l’identité du meurtrier car elle nous est révélée rapidement et l’on suit en parallèle l’enquête de Quinn et les actes de Ranveer, le tueur. Ce sont ses motivations qui constituent le mystère.

La deuxième partie entre dans le détail de l’enquête. C’est l’occasion pour l’auteur de décrire un monde ultra-connecté où la surveillance est généralisée, les mouvements de chaque personne à travers le monde peuvent être suivis, et où les crypto-monnaies servent le crime international. À ce stade, le roman est un thriller d’espionnage avec une légère saveur cyberpunk, se déroulant une vingtaine d’années dans le futur tout au plus. Les technologies décrites, bien que très présentes, sont déjà existantes (voitures autonomes, lunettes connectées, ce genre de chose). L’auteur développe très bien tout cela, souvent de manière critique (le chapitre 17 est notamment à se pisser dessus de rire). On sent que l’auteur est ici dans ses compétences professionnelles. C’est une vision d’un futur proche tout à fait convaincante et très réaliste.

Quinn finit par mettre la main sur Ranveer, le tueur, ou plutôt celui-ci accepte de la rencontrer. Et c’est là que tombe la grosse révélation : il ne choisit pas ses victimes mais obéit à des ordres qui lui sont donnés dans… l’Epoch Index qu’il a réussi à faire décrypter. Et là, grosse grosse révélation, dont je ne peux évidemment rien dire, mais qui entraine le roman dans un sous-genre bien connu de la SF. Le tout est basé sur des technologies quantiques développées par la CIA dans la troisième partie du roman. L’auteur prend soin d’éviter les pièges les plus évidents parmi les tropes de ce sous-genre (cela pourrait toutefois rebuter les grands lecteurs de science-fiction qui le trouveront trop timide). Notamment, il préserve l’unité de lieu et de temps de son récit, et c’est là une de ses qualités, ce qui fait que ça fonctionne, et que tout l’édifice reste solidement ancré dans un certain réalisme. Le scénario est complexe. De très nombreux personnages interviennent au cours de l’enquête et de nombreuses ramifications internationales sont mises en jeu. Mais l’ensemble reste très cohérent, à mon avis bien développé, même si pas d’une folle originalité d’un point de vue purement science-fictif.

En conclusion, Scorpion est un techno-thriller grand public, un page turner qui joue avec des aspects science-fictifs marqués, bien que peu développés, et repose sur « un scénario très travaillé qui à mon avis possède un énorme potentiel du côté du cinéma. Ça ne m’étonnerait pas que les droits soient rapidement achetés » (!), sauf à considérer que le twist central est trop proche de celui d’un film récent, comme je le disais ci-dessus. Personnellement, j’ai trouvé le scénario de Scorpion nettement plus solide que celui du film en question. Roman efficacement écrit, il est plaisant de se laisser emporter dans le tourbillon de l’histoire.


  • Titre : Scorpion
  • Auteur : Christian Cantrell
  • Publication : juin 2021, Penguin/Random House
  • Langue : anglais
  • Nombre de pages : 400
  • Format : papier et numérique

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