
[Une première version de cette chronique a été publiée dans le numéro 99 de la revue Bifrost]
Dopé par l’adaptation en série de la trilogie Altered Carbon, Richard Morgan revient à la science-fiction bodybuildée avec Thin Air, un polar postcyberpunk et martien. Le roman emprunte à l’univers de Black Man (prix Arthur C. Clarke 2008) et se déroule trois siècles plus tard. Le vieux rêve technologique d’une terraformation de Mars a fait long feu sur l’autel de la rentabilité économique. Le Martien vit au fond des trous. Valles Marineris est un système de canyons de près de quatre mille kilomètres, couvert par la Lamina, une coupole qui remplace les cieux et enferme un semblant d’atmosphère. Le ciel au-dessus de la vallée est couleur écran plasma en nuances de paprika. C’est la Nouvelle Frontière vendue aux colons par la LINCOLN, entreprise privée derrière chaque pas effectué par l’homme dans l’espace dès qu’il y a du fric à faire. Valles Marineris a des allures de Far-West. La vie politique et économique de la colonie est rongée par la corruption à ce point que la LINCOLN envoie une centaine d’inspecteurs depuis la Terre pour réaliser un audit trop longtemps repoussé et faire le ménage. Mais nul ne sait encore à quel point à Valles Marineris tout repose sur le mensonge. Madison Madekwe enquête sur la disparition du gagnant d’un billet de retour sur Terre, symptomatique de la corruption du système. Voyage financièrement inaccessible à la plupart, la loterie fait partie de la construction du rêve martien et de son dévoiement. Pour sa protection, la police de Valles Marineris lui adjoint les services d’un certain Hakan Veil.
Hakan Veil est terrien. Pour survivre, sa mère avait le choix de vendre sa chair ou vendre la chair de sa chair. Le fœtus fut acquis par Blond Vaisutis, compagnie de sécurité spécialisée dans la protection de vaisseaux spatiaux. Veil est un humain modifié, cybernétiquement et génétiquement, construit pour être mis en hibernation pendant des mois en fond de cale et réveillé en cas de crise, prêt à l’emploi. Il intègre une IA militaire sous forme de filaments-processeurs insérés dans le cerveau et le système nerveux. Licencié suite à une opération qui a mal tourné, il gagne sa vie comme il peut sur Mars. Là, il sort de sa période obligatoire de sommeil annuel et il est au taquet.
Hakan Veil incarne les archétypes du héros morganien et de la SF musclée qui a fait la réputation de l’auteur. Anti-héros cynique et violent, il se distingue toutefois du protagoniste d’Altered Carbon par le sens moral et la conscience politique qui l’anime, lorsque que Takeshi Kovacs en était totalement dépourvu. Veil ne s’arrête pas aux réponses toutes prêtes que lui servent les autorités martiennes ou la LINCLON et va faire dérailler la machine avec extrême préjudice. Soyez prévenus que nous sommes chez Richard Morgan, et Thin Air n’échappe pas aux clichés gros flingue, gros seins, grosse queue, baise et baston. Le roman est toutefois sauvé par un scénario dynamique au profit d’une intrigue complexe qui va de rebondissements en rebondissements et d’un worldbuilding très efficace. Les amateurs du genre seront comblés, les autres préféreront sans doute s’abstenir.
D’autre avis : Apophis, Gromovar, Lorhkan, le Maki, Le nocher des livres,
- Titre : Thin air
- Auteur : Richard Morgan
- Publication : mars 2020, Bragelonne, coll. Bragelonne SF
- Traduction : Claude Mamier
- Nombre de pages : 640
- Format : papier et numérique
Fan de Richard Morgan j’ai bien évidemment lu et apprécié Thin Air. J’ai ensuite enchaîné sur Market Force le dernier Morgan a être traduit. On quitte là son univers biopunk habituel, pour un worldbuilding hypercapitaliste où des multinationales récupèrent la sous-traitance des conflits armés et des renversements de gouvernement.
Lesquelles multinationales réglant leurs problèmes de concurrence par le biais de duels automobiles, quand les cadres de la même boîte ne jouent pas leur promotion au volant.
Richard Morgan faisant du Richard Morgan, c’est toujours sévèrement burné ! Mais avec nettement moins de sexe que dans le reste de ses romans. Et c’est toujours aussi amoral.
Bref une sorte de curiosité, un brin en dessous au dessous de sa production habituelle mais à lire pour les fans.
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