Un classique : R.U.R. – Karel Čapek

Sans tambour, ni trompette,  nous fêtons cette année le centenaire d’une des figures les plus importantes de la littérature de science-fiction : le robot. Elle apparaît pour la première fois dans la pièce R.U.R.  écrite en 1920 par l’auteur tchèque Karel Čapek (1890-1938). Certes, comme vous avez l’esprit affûté et la langue bien pendue, vous me rétorquerez en ricanant que Mary Shelley a donné naissance à ce thème classique dans Frankenstein ou le Prométhée moderne un siècle plus tôt. Et vous aurez raison. Mais le mot « robot » a bien été inventé par Karel Čapek.  R.U.R. tient pour Rossumovi univerzální roboti en VO, ou Rossum’s Universal Robots en anglais, ou encore les Robots Universels de Rossum dans la version française. Le texte est devenu un classique de la science-fiction et c’est à ce titre que je vous le présente.

R.U.R. n’est pas un roman, mais une pièce de théâtre dont l’histoire est entièrement racontée à travers les dialogues d’un petit groupe de personnages. Elle fut jouée pour la première fois au théâtre national de Prague en 1921. Pour l’anecdote, sachez qu’elle fut jouée en France en 1924 à la Comédie des Champs-Élysées avec Antonin Artaud dans le rôle de Marius le robot. Il s’agit d’un texte relativement court, 224 pages dans sa dernière édition en français chez La Différence, coll. Minos (2019). Dans la version anglaise SF Masterworks chez Gateway dont je dispose, il fait 78 pages.

Rossum est le nom d’un génial inventeur qui a trouvé le moyen de construire une forme simplifiée de l’humain, une construction biologique (et non mécanique) dont il peut choisir le niveau d’intelligence, la force physique, la capacité à ressentir des émotions. Les successeurs de Rossum créent la société R.U.R. et se mettent à produire de façon industrielle des esclaves à faible coût. Ils ne ressentent rien, n’ont pas de sentiments, sont plus productifs que des travailleurs humains, et n’ont aucune revendication. Le marché est énorme et des millions de robots remplacent rapidement les hommes. Devenue oisive, l’espèce humaine s’étiole. Bientôt les gouvernements arment les robots pour qu’ils fassent les guerres et ce qui devait arriver arrive. Les robots finissent par développer une conscience, se perçoivent comme supérieurs à leur créateur devenu obsolète, ils se révoltent. Tout cela est raconté dans la pièce du point de vue des dirigeants de l’entreprise, sur l’île isolée où se trouve son siège social. Eux mêmes ont des idées très différentes sur le sens de l’Histoire.

Le texte  de Karel Čapek est une critique des dérives du monde capitaliste tourné uniquement vers la recherche du profit quel qu’en soit le coût humain. Mais comme souvent avec les classiques de genre qui ont vu s’écouler tant d’années, il est daté et, d’un point de vue purement science-fictif, dépassé. Il est sans commune mesure avec ce qu’Asimov proposera plus tard dans son célèbre cycle. Sa lecture ne changera pas radicalement votre perception de la science-fiction, mais c’est un classique et comme il fête son centenaire, c’est une bonne occasion pour le découvrir (surtout si comme moi vous êtes amateur d’archéologie littéraire).


7 réflexions sur “Un classique : R.U.R. – Karel Čapek

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.