Slow Bullets – Alastair Reynolds

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Slow Bullets est une longue novella (192 pages) d’Alastair Reynolds, publiée en 2015 et récipiendaire du prix Locus du meilleur roman court en 2016. Le texte n’a pas reçu l’honneur d’une traduction française à ce jour quand bien même j’ai ouï-dire que les droits avaient été achetés il y a un bon moment déjà. Alastair Reynolds est un auteur sur lequel je fais autant de louanges que de critiques, suivant les textes. Slow Bullets ne surprend pas au sein de sa bibliographie. Il s’agit d’un space opera qui se déroule dans un futur éloigné, quelque part dans la galaxie. C’est un texte équilibré : malgré sa relative brièveté, le texte regorge d’idées intéressantes, mais il possède tout autant de défauts.

Faite prisonnière par l’ennemi lors d’une guerre dont l’armistice a déjà été signé, Scurelya « Scur » Timsuk Shunde est torturée par Orvin, un sadique notoire qui lui injecte dans la jambe une balle lente qui remonte vers son cœur. Il la laisse ainsi pour morte. Elle reprend conscience à bord du Caprice, un vaisseau de  transport transformé en prison. Quelque chose ne s’est manifestement pas passé comme prévu. Le vaisseau s’éveille ainsi que ses quelque 1000 occupants placés en stase pour le voyage, en orbite autour d’une planète inconnue et nul ne sait où il se trouve, ni quand. Comprenant petit à petit leur situation, et prenant connaissance de l’état lamentable du Caprice, ils vont devoir s’organiser pour survivre. Il y a là un équipage, des civils, et en grande majorité des militaires des deux camps pour la plupart des criminels de guerre. Pas vraiment des gens avec qui vous avez envie de passer des vacances en croisière, sur un bateau en train de couler. Pour Scur, les choses deviennent très personnelles quand elle réalise rapidement qu’Orvin est aussi à bord.

Dans Slow Bullets Alastair Reynolds reprend donc le trope du vaisseau à la dérive en y ajoutant des variantes plus ou moins originales mais qui font le sel de la novella et son plaisir de lecture. Il lance de nombreuses pistes et autant de discussions sur des thématiques comme la perte de mémoire que ce soit à l’échelle de l’individu ou de l’humanité, et ses conséquences sociales. Notamment, quand les occupants du vaisseau se rendent compte que la mémoire de celui-ci s’efface petit à petit, entrainant une perte irrémédiable des connaissances qui y sont stockées, que ce soit en médecine ou en littérature, ils s’activent pour recopier sur les murs du leur gigantesque habitat tout ce qu’ils peuvent encore espérer sauvegarder. Ils en arriveront même à se tatouer la peau au laser. Rien que sur cette idée-là, il y avait un roman passionnant à écrire, une culture à faire émerger, en poussant un peu plus loin les choses. D’autre part, relativement pessimiste, Reynolds remet en question la capacité des ennemis d’hier à devenir les alliés de demain même lorsque leur survie est en jeu. Ainsi les conflits ne cessent d’émerger et les tensions sont présentes à chaque instant. L’intérêt principal du roman se trouve dans la description des difficultés rencontrées par cette micro-société humaine soumise à une pression extrême. Oh qu’on aime les voir souffrir ! (Harkonnen un jour, …)

Malheureusement les pistes ouvertes ne sont que peu explorées. La plupart des idées intéressantes ne sont pas menées à terme, voire sont tout bonnement abandonnées en cours de route. Il en va de même pour les personnages qui sont sous exploités. Ainsi Reynolds introduit un personnage au milieu du roman, de loin le plus intéressant du livre, mais son histoire est mise de côté par Scur qui déclare au lecteur que ceci n’est pas son histoire alors elle ne la raconte pas. WTF Alastair ? Trop d’histoires ne sont pas dites alors que Reynolds crée toutes les conditions pour, comme autant de promesses faites en l’air. Ça porte un nom ce crime littéraire ? En tout cas, ça donne envie de charger le fusil de Tchekhov. Enfin, et c’est la plus forte critique que je ferai, l’histoire tourne entièrement et uniquement autour de Scur alors qu’il y a près de 1000 autres personnes dans le Caprice. Le worldbuilding est minimaliste et nous ne saurons jamais comment la vie s’organise à bord. Seule une petite poignée de personnages intervient dans le récit et leurs motivations, par manque de contexte ou d’historique, ne paraissent jamais crédibles ou suffisamment solides. Les actions de Scur elle-même, bien qu’une explication soit esquissée dans le final, font lever le sourcil plus d’une fois. Son antagonisme avec Orvin est sous-joué et ne participe jamais à la tension narrative alors que c’était explicitement la promesse de départ.

Conclusion lapidaire

Dans Slow Bullets, Alastair Reynolds reprend un trope de la SF et réussit à y insuffler des idées originales et intéressantes pour en faire un space opera sympathique. Mais l’ensemble est fragilisé par la légèreté du développement de ces idées et un worldbuilding minimaliste. L’auteur ne fait que survoler le concept, laissant derrière lui toutes les bonnes histoires qu’il aurait pu raconter.


D’autres avis : Gromovar, Xeno Swarm, YogoElessarLorhkan, Jack Barron Reads,


Titre : Slow Bullets
Auteur : Alastair Reynolds
Publication : mai 2015 chez Gollancz
Nombre de pages : 192
Format : papier et ebook


10 réflexions sur “Slow Bullets – Alastair Reynolds

  1. Merci pour tes retours, c’est toujours intéressant.
    Je vais essayer de lire en 2020 le cycle phare d’Alastair Reynolds, sur le peu que j’ai lu de l’auteur, c’est vrai qu’il a une belle plume qui accroche le lecteur.
    Espérons que d’autres traductions verront le jour.

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  2. Et il a eu le Prix Locus, malgré sa légèreté de traitement ?
    Tu me diras que cela dépend de la concurrence…
    Je me demande si je vais le lire, sans doute que oui, vu que je me le suis acheté il ya quelques temps.

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      1. Je viens de la lire. Je te rejoins, c’est les bonnes bases d’un gros roman. Beaucoup d’idées, pas mal d’originalité dans un concept classique, mais des personnages fades et un worldbuilding tout juste esquissé.
        Alastair Reynolds ne sait pas faire court ?

        Aimé par 1 personne

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