Something in the air – Carolyn Ives Gilman

missionDans un premier article sur l’anthologie de hard-SF Mission Critical de Jonathan Strahan, je parlais d’un texte déroutant de l’immense Greg Egan. L’auteur connu pour sa rigueur scientifique y présente une nouvelle où celle-ci ne semble plus de mise. Pour ce deuxième article sur cette collection de textes, je vais vous parler d’une nouvelle qui justement rappelle les bonnes heures de Greg Egan. Il s’agit de Something in the air de Carolyn Ives Gilman, autrice américaine dont j’ai déjà eu l’occasion de dire du bien récemment à l’occasion du Grand Prix de l’Imaginaire qu’elle a reçu pour la nouvelle Voyage avec l’extraterrestre publiée dans la revue Bifrost. Dans celle-ci, Gilman amenait l’étrangeté de l’espace jusqu’à nous, dans Something in the air, elle fait précisément l’inverse.

L’exploration scientifique

Le Tangier est un vaisseau d’exploration scientifique qui a voyagé pendant 12 années vers T46C, une jeune étoile bleue. Il s’agit d’un navire de petite taille, qui n’emporte que six personnes en sommeil cryogénique. En plus des trois membres composant le personnel de navigation, trois scientifiques complètent l’équipage : Willem (astrobiologiste), Gifford (géologue), et Mariela (astrophysicienne).  C’est depuis la Terre que Mariela a commencé à étudier le spectre de lumière émise par l’étoile. Confondant les scientifiques par son instabilité, il constitue un des mystères qui ont motivé la mission du Tangier. Mariela a proposé un modèle mathématique qui implique que l’étoile se trouverait dans un état d’indétermination quantique, oscillant en permanence, et se comporterait comme un seul atome. L’autre versant du projet scientifique qui guide la mission est l’étude d’une planète rocheuse découverte dans la zone d’habitabilité lors du premier passage du Tangier. C’est le projet de Willem. Il leur faudra se mettre d’accord sur le déroulement de la mission en définissant les priorités malgré leurs intérêts divergents et des personnalités qui ne manqueront pas de s’opposer.

Dès leur arrivée dans le système, l’étrangeté de T46C devient énigme. L’étoile ne se comporte plus comme observé précédemment. Pour décrire ce phénomène, Mariela le compare à la réduction du paquet d’onde en mécanique quantique, processus qui intervient lorsque l’on observe une particule, fixant ainsi le résultat de la mesure. La planète de Willem ne tient pas ses promesses mais Mariela découvre une anomalie qui se révèle être une autre planète, montrant des caractéristiques intéressantes, dont la présence d’une atmosphère respirable. Ce qu’ils découvriront sur place remettra en question leur perception de l’univers.

Interprétation

Dans Something in the air, Carolyn Ives Gilman se saisit d’un concept scientifique, l’interprétation de von Neumann-Wigner de la mécanique quantique, et en explore les conséquences comme l’avait fait Egan de manière très différente dans le roman Isolation. L’interprétation de von Neumann-Wigner en mécanique quantique est l’équivalent de l’hypothèse de Sapir-Whorf en linguistique. On sait que ça ne marche pas, mais ça fait de bonnes histoires de SF. Dans cette interprétation, la conscience est responsable de la réduction du paquet d’onde du système observé. L’intervention d’un observateur conscient détermine donc le résultat de l’observation. Carolyn Ives Gilman pousse les choses un peu plus en invoquant la conscience de l’observé et son rapport à l’observateur, se rapprochant des théories sur l’holomouvement et de l’ordre implicite du physicien David Bohm. De manière un peu plus terre à terre, ce que Carolyn Ives Gilman propose dans Something in the air est une illustration extrême de la perturbation irréversible des écosystèmes étrangers par l’explorateur humain.

En conclusion

Carolyn Ives Gilman propose avec Something in the air une nouvelle de hard-SF très réussie, riche et dense, qui mêle habilement aventure scientifique spatiale et réflexion sur la conscience et la perception de l’altérité dans les recoins les plus étranges de notre l’univers.  Si les béliaux ont l’envie de publier une autre bonne nouvelle de Carolyn Ives Gilman dans les pages de Bifrost, Something in the air me semble un bon choix. Je dis ça, je dis rien.


Un autre avis d’Apophis sur le recueil au complet.


2 réflexions sur “Something in the air – Carolyn Ives Gilman

  1. Je viens de finir le texte d’Hamilton (que j’ai trouvé excellent, même s’il recycle lourdement la propre substance de l’auteur ainsi que celle de Dan Simmons) qui précède celui-ci. Ce sera ma lecture du début de soirée, après la finale dames de Wimbledon.

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