
Inédite en français lors de sa sortie en 2017 dans la collection Une Heure Lumière chez le Bélial, 24 vues du Mont Fuji, par Hokusai est une novella de Roger Zelazny publiée à l’origine dans la revue Isaac Asimov’s science fiction magazine en 1985 et qui a reçu le prix Hugo du meilleur roman court en 1986. La traduction française a été faite, et très joliment, par Laurent Queyssi. Si je n’en parle qu’aujourd’hui c’est que Zelazny revient dans l’actualité avec la sortie en poche le 2 mai dernier du roman L’île des morts dans la collection Hélios chez Mnémos (nous en reparlerons) qui nous donne l’occasion de relire sa plume en dehors du cycle des « Princes d’Ambre » pour lequel l’auteur américain est plus particulièrement connu chez nous. Zelazny a récolté durant sa carrière six prix Hugo et trois Nebula pour des œuvres n’appartenant pas à ce cycle. On peut donc raisonnablement se dire qu’on est passé à côté de l’écrivain si on s’est arrêté à Ambre. 24 vues du Mont Fuji, par Hokusai est une excellente entrée en matière son oeuvre.
On trouve des constantes chez Zelazny, des thématiques qui reviennent sans cesse à travers ses écrits. La première est l’influence des mythologies, qu’elles soient nordiques, hindous ou chinoises, voire lovecraftiennes (A Night in the Lonesome October). On rencontre invariablement des héros ou des dieux (L’île des morts, Les Princes d’Ambre) dans les romans de l’auteur. La deuxième est le thème de l’immortalité qui depuis son premier roman, Toi, l’immortel, imprègne nombre de ses histoires. Et on pourrait y ajouter un antagonisme très présent entre le passé et le futur ainsi qu’un mélange des genres entre science-fiction et fantasy. Et bien figurez-vous que tous ces éléments nous les retrouvons dans ce court texte qu’est 24 vues du Mont Fuji, par Hokusai. De là à penser que cette novella est très représentative de l’œuvre globale de Zelazny, il n’y a qu’un pas que je m’autorise à franchir.
24 vues du Mont Fuji, par Hokusai est une longue poésie qui se pare d’attraits cyberpunk pour la forme science-fictive. C’est un chemin du philosophe, mais pas celui de Kyoto, qu’emprunte Mari, la narratrice à la première personne, en compagnie de deux fantômes, celui de son mari Kit et celui d’Hokusai, le célèbre peintre japonais de la Grande Vague de Kanagawa. L’un vient du passé, Hokusai, l’autre du futur, Kit. L’un existe à travers ses œuvres éternelles, l’autre est devenu un dieu cyberpunk immortel. Des trois, Mari est la seule en vie mais elle est aussi la plus morte. Elle n’emporte pour seuls bagages que la maladie qui compte ses jours, son bâton de pèlerin et 24 estampes d’Hokusai. Le chemin que suit Mari est celui que lui indique celles-ci. Chacune est associée à un chapitre du récit, à une vue du Mont Fuji, et constitue une étape de l’introspection à laquelle Mari se livre. Le parcours que propose Zelazny n’est pas la visite touristique d’un japon futuriste, mais un cheminement dans l’esprit de Mari au gré de ces vues d’un Japon d’estampes. Mari ne vit déjà plus vraiment dans le présent. Les éléments de son histoire se dévoilent petit à petit et l’on comprend sa quête, celle qui l’oppose à Kit qu’elle retrouvera au bout du chemin.
Parcourant ses souvenirs, Mari parle d’art, de littérature et d’imaginaire. L’imagination, dit elle, est ce qui définit l’humain, le vivant, et non l’être divinisé, omniscient et immortel. Par touches, avec l’aide d’Hokusai, elle en appelle aux histoires, aux mythes, fait un clin d’œil en passant à Lovecraft, cite tel auteur ou tel autre. La novella est richement référencée et on y retrouve les marottes de Zelazny. Son écriture est poétique et très évocatrice.
24 vues du Mont Fuji, par Hokusai est une poésie science-fictive dans laquelle passé et futur s’affrontent, dans laquelle vie et immortalité s’opposent à travers le choix de Mari, dans laquelle les mythes du passé deviennent les mythes du futur. C’est une superbe novella, très originale dans son intention, une ode à l’imaginaire, qui nous donne à lire l’élégance de la plume de Roger Zelazny, très bien rendue par sa belle traduction. Un texte de la collection Une Heure Lumière que je ne saurais trop recommander.
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Titre : 24 vues du Mont Fuji par Hokusai
Auteur : Roger Zelazny
Éditeur : Le Bélial’, Une heure Lumière (31 Août 2017)
Traduction : Laurent Queyssi
Nombre de pages : 136
Support : papier et ebook
Ça a l’air super beau comme texte, je suis tenté ! 🙂
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C’est un très beau texte. IL est particulier car nous attendons autre chose. J’ai beaucoup aimé.
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Je n’ai pas encore lu cet ouvrage de la collection Heure-lumière mais comme j’ai aimé Songe d’une nuit d’octobre, je me laisserai bien tenter.
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Et tu aurais bien raison de te laisser tenter !
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Parfaitement d’accord. Il devrait figurer dans les bibliothèques pour cette invitation au voyage, pour illustrer la puissance de l’imaginaire.
(je rattrape mon retard…)
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