Service Model – Adrian Tchaikovsky

Adrian Tchaikovsky a la fâcheuse habitude d’écrire des romans plus vite que je ne parviens à les lire. Résultat :  je prends inévitablement du retard dans l’exploration de l’œuvre de l’Uber-stakhanoviste de la science-fiction britannique, malgré la sélection rigoureuse que j’opère au sein de sa production pléthorique. Si on se limite à son versant science-fiction – puisqu’il écrit aussi de la fantasy –  il a publié entre 2024 et 2025 : Alien Clay, Saturation Point et Shroud, ainsi que Service Model, qui manquait encore à mes lectures. Parmi ces quatre textes, Service Model n’est pas le plus réussi, je réserverais volontiers cette place à Shroud. Mais ce n’est pas pour autant un mauvais roman : il souffre simplement d’un côté répétitif qui aurait mérité d’être allégé.

Le récit se situe dans un futur indéterminé où la société humaine repose entièrement sur l’utilisation de robots qui prennent en charge toutes les tâches du quotidien, dans les maisons, les fermes, les usines ou encore les administrations. Ou plutôt reposait. Charles est un robot domestique, un valet fidèle et efficace, dont le rôle est de répondre aux besoins de son propriétaire et de coordonner les activités de l’ensemble des autres machines de la maison.  Jusqu’au jour où, de façon inexplicable, sa main dévie de quelques centimètres pendant le rasage matinal et tranche la carotide de son employeur. Désormais sans emploi, sans fonction, et sans raison d’être, Charles décide de partir à la recherche d’un nouvel employeur. Il découvre alors que le monde s’est effondré : les humains ont disparu, les maisons laissées à l’abandon se délabrent, et les robots sont livrés à eux-mêmes, prisonniers de boucles de programmation incapable d’envisager l’absence de leurs maitres. En proie à une crise existentielle, Charles entame un voyage dans ce monde en ruine, guidé par un étrange compagnon, Wonk,  rencontré en route, et se retrouve malgré lui engagé dans une quête de sens qui le mènera jusqu’à… Dieu.

Service Model reprend le schéma classique de la quête personnelle et de l’éveil, avec ses étapes et ses revers. La thématique rappelle celle du roman Un Océan de rouille de C. Robert Cargill publié en 2020 chez Albin Michel Imaginaire. Avec toutefois une différence majeure. Vous l’aurez deviné à la lecture de ce court résumé, le ton est ici résolument humoristique :  le voyage de Charles se fait au gré de situations et de rencontres toujours plus loufoques. Derrière la comédie, le roman déploie une satire mordante, proposant une critique sévère de la société humaine, de son absurdité, et de ses dérives.  Mais avant tout, Service Model reste une œuvre humoristique. Et c’est là que le bât blesse. Non pas qu’il ne soit pas drôle, mais ses ressorts comiques se révèlent vite répétitifs. Ils reposent essentiellement sur l’incompréhension de Charles face aux situations parfois dramatiques, limité par ses algorithmes logiques à l’extrême, sans possibilité d’émettre un jugement de valeur, et la tournure alambiqué de son langage lorsqu’il tente de se dépêtrer d’un paradoxe ou d’un syllogisme. Notons à ce sujet qu’Adrian Tchaikovsky s’amuse beaucoup avec quelques bases de philosophie classique. Avec ses quelque 400 pages, le roman tire en longueur, l’humour s’effiloche, les gags perdent en saveur. La dernière partie heureusement relance l’intérêt et le final, quoi qu’attendu depuis déjà de trop nombreuses pages, est tout à fait réussi.

Service Model est trop long et trop répétitif, mais Adrian Tchaikovsky est un conteur habile et le roman reste une lecture fort agréable.


  • Titre : Service Model
  • Auteur : Adrian Tchaikovsky
  • Langue : anglais
  • Publication : 6 juin 2024, Torr
  • Nombre de page : 384
  • Format : broché (18,27 €) et numérique (5,99 €)

Une réflexion sur “Service Model – Adrian Tchaikovsky

  1. J’ai le même sentiment qui se traduit par une sensation de pression quand je me dis que je vais parcourir sa panoplie.
    Et, il faut reconnaître que tout n’est pas super intéressant.
    Malgré ton constat initial, tu lis suffisamment vite, pour m’épargner cette lecture

    Aimé par 1 personne

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