Jurassic Park et les sciences — Jean-Sébastien Steyer et Nicolas Allard

Il y a presque 100 ans, en avril 1926, Hugo Gernsback lançait Amazing Stories, le premier magazine entièrement dédié à la science-fiction, avec la volonté de mêler divertissement et éducation scientifique et technique. La scientifiction, nom sous lequel se désignait le genre à l’époque, puisant l’inspiration de ses récits dans les sciences, il n’est guère étonnant que les sciences aient leur mot à dire en retour. Scientifiction est aussi, en hommage appuyé, le nom de la rubrique scientifique que le bon professeur Roland Lehoucq tient dans les pages de la revue Bifrost, et dans lesquelles il confronte les récits science-fictifs aux connaissances scientifiques actuelles. Cette rubrique, forte de son succès et de l’intérêt des lecteurs de la revue, a donné naissance à Parallaxe, une collection d’essais de vulgarisation scientifique prenant pour support la science-fiction, toujours dirigée par Roland Lehoucq et publiée par les éditions Le Bélial’.

C’est dans ce cadre que nous avions croisé le paléontologue Jean-Sébastien Steyer à travers ses participations dans l’ouvrage collectif Dune, exploration scientifique et culturelle d’une planète-univers (2020) ou encore dans La Vie Alien (2022).

Dans un nouvel ouvrage publié chez Belin, Jean-Sébastien Steyer s’est associé avec Nicolas Allard, professeur de littérature et spécialiste de pop culture, auteur de nombreux ouvrages dont Dune, un chef-d’œuvre de la science-fiction (2020) et Les Mondes extraordinaires de Jules Verne (2021) que j’avais chroniqués sur ce blog. Tous deux ont dirigé une collection de longs articles réunis sous forme de chapitres dans Jurassic Park et les sciences.

Comme son titre l’indique, l’essai est consacré à la franchise Jurassic Park, lancée avec le film éponyme de Stephen Spielberg, sorti en 1993, et adapté du roman de Michael Crichton publié en 1990. La franchise compte désormais six films, sortis entre 1993 et 2022, et un septième est annoncé pour 2025. Vous le savez, l’idée centrale de la série tourne autour du projet complètement c… assez fou d’un milliardaire de profiter des avancées en génétique pour faire revivre des dinosaures et ouvrir un parc d’attractions sur une île dans le Pacifique. Jusqu’à ce que tout parte en vrille. Nous tenons donc là un vrai sujet scientifique où paléontologie et biologie se rencontrent.

Dans Jurassic Park et les sciences, cinq auteurs se passent le relais pour porter un regard scientifique sur la franchise. Jean-Sébastien Steyer, en tant que spécialiste des fossiles, intervient sur les questions de paléontologie et, en plus de dire ce qui va et ce qui ne va pas dans les films, profite de l’occasion pour amener le lecteur à revoir les bases et proposer une mise à jour de nos connaissances sur les dinosaures, la recherche ayant grandement évolué depuis la sortie du premier opus. Nicolas Allard étudie les origines littéraires du roman de Michael Crichton et du film de Steven Spielberg, en replaçant l’œuvre dans le cadre plus global des « mondes perdus », depuis Paris avant les hommes de Pierre Boitard (1861) et Voyage au centre de la Terre (1864) de Jules Verne, jusqu’à aujourd’hui. Sachez que les deux premiers films qui ont mis en scène des dinosaures datent de 1914 ! Dans un deuxième article, Nicolas Allard donne une description critique et détaillée de l’ensemble de la franchise à travers les films et au-delà. Thierry Jandrok, psychologue clinicien et lui aussi auteur de différents ouvrages sur la fantasy et l’œuvre de Stephen King, s’intéresse à la dimension psychologique de Jurassic park et relie le thème aux mythes essentiels de l’humanité, ainsi qu’à ceux propres à l’enfance. Jean- Philippe Uzan, cosmologiste, s’intéresse plus particulièrement au personnage de Ian Malcom interprété par l’inoubliable Jeff Goldblum. Le mathématicien, spécialiste du chaos, occupe en effet un rôle central dans l’histoire, étant celui qui prophétise que tout va partir en vrille. C’est l’occasion pour Jean-Philippe Uzan d’aborder la question de l’éthique scientifique. Enfin, la biologiste Alice Lebreton aborde la question essentielle qui nous brûle à tous les lèvres : mais est-ce possible en fait de faire revenir des espèces disparues grâce aux avancées de la génétique ? (On y parle de « désextinction » et j’en profite pour vous dire que c’est précisément le sujet de la novella Défenses d’extinction de Ray Nayler qui sortira en mai prochain dans la collection Une Heure-Lumière chez Le Bélial’. Tout est lié, il n’y a pas de hasard.)

Jurassic Park et les sciences est un essai dense et passionnant qui convoque différents domaines des sciences dans une discussion autour d’une œuvre de science-fiction marquante, et s’apprécie sans qu’il soit nécessaire d’être fan absolu de la franchise de films et de tous les avoir vus. Il vaut mieux certes aimer les dinosaures, mais qui n’aiment pas les dinosaures ? Ajoutons que l’ouvrage est très joliment enrichi de nombreuses illustrations d’Alain Bénéteau, et vous avez dans les mains un superbe bouquin.


  • Titre : Jurassic Park et les sciences
  • Sous la direction de : Jean-Sébastien Steyer et Nicolas Allard
  • Publication : 30 octobre 2024, Belin
  • Nombre de pages : 256
  • Format : broché (28 €)

3 réflexions sur “Jurassic Park et les sciences — Jean-Sébastien Steyer et Nicolas Allard

  1. J’ai adoré le premier film, les autres, bof bof… je tremble encore de peur devant le t-rex et la cabine des chiottes et devant la scène avec les vélociraptors (des poules pas contentes et très grandes) poursuivant les gosses…

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