Le temps d’un souffle, je m’attarde – Roger Zelazny

Le prochain numéro de la revue Bifrost sera consacrée à la figure de l’intelligence artificielle telle qu’imaginée par les auteurs de science-fiction. D’ores et déjà, le sommaire détaillé est annoncé sur le site de l’éditeur et, comme pour tous les dossiers spéciaux concoctés par la revue, une bibliothèque idéale est proposée aux lecteurs. Il ne s’agit bien évidemment pas d’une liste exhaustive des romans ayant abordée le thème, les pages de la revue n’y suffiraient pas quand bien même une définition restrictive de l’IA serait avancée pour contraindre le champ bibliographique. Il s’agit d’une liste resserrée à l’extrême de titres qui apparaissent comme des jalons. Aussi, il peut être intéressant de suggérer des lectures qui viendront compléter la liste établie par les concepteurs du dossier : des textes qui n’ont pas rejoint la short list, peut-être moins essentiels, mais tout aussi intéressants pour l’amateur éclairé de science-fiction.

Le Temps d’un souffle, je m’attarde (For a Breath I Tarry) est un texte de Roger Zelazny datant de 1966, publié la première fois en France en 1983 dans Le Livre d’Or de la science-fiction chez Pocket et réédité très récemment dans la très bonne collection Dyschroniques chez Le Passager Clandestin. Le récit se déroule dans un futur postapocalyptique où les hommes ont totalement disparus. Ce monde est habité par des intelligences artificielles toute puissantes qui, depuis leur création, ont pour tâche de réparer et d’entretenir la planète Terre.  Au hasard de ses pérégrinations, l’une d’elle, nommée Gel, va découvrir des vestiges archéologiques de cette humanité disparue, de ces concepteurs dont elle ignore tout, et dès lors s’intéresser à ce qui faisait l’humanité, au point de vouloir devenir humaine.

« Il laissa la question sans la réponse. Mais il s’en posa beaucoup d’autres – sur ce que c’est que d’être Homme. »

Comme souvent dans les textes de SF qui abordent la question de l’intelligence artificielle, et plus généralement de la machine pensante, l’IA est un miroir de l’humanité qui permet à Zelazny de proposer une réflexion sur la condition humaine et tenter de définir ce qui fait sa singularité. Les intelligences artificielles sont mues par la mission qui leur a été donné lors de leur conception et sont liées par des règles, un carcan qui les oblige et les contraint jusqu’à l’absurde face à l’absence de l’humanité qu’elles devaient servir. C’est un thème qui sera repris et plus largement développé par Romain Lucazeau dans Latium (2016). La quête d’humanité de Gel va passer, classiquement, par une tentative de compréhension de l’art, évidemment vouée à l’échec. Cette idée est aussi au cœur du formidable Basqu.I.A.t de Ian Soliane (2021). C’est ailleurs que Zelazny va trouver un peu d’humanité, dans quelque chose de plus fondamental.

Définir ce qui fait l’humanité est la question qui agite aussi bien la littérature que la philosophie depuis des millénaires. Le Temps d’un souffle, je m’attarde est une proposition de réponse faite à travers le miroir que nous tend une création humaine telle que l’intelligence artificielle qui n’est pourtant jamais à l’image de son créateur. C’est un texte court, daté en ce qui concerne l’aspect technologique voire même la définition de l’IA, qui ne va pas changer votre vie, mais qui fournit une lecture intéressante lorsqu’on aborde le thème de l’IA dans la SF et sa fonction symbolique.


  • Titre : Le Temps d’un souffle, je m’attarde
  • Auteur : Roger Zelazny
  • Edition : 19 mai 2022, Le Passager Clandestin, coll. Dyschroniques
  • Traduction : Jean Bailhache, révisée par Dominique Bellec
  • Nombre de pages : 112
  • Support : papier (8€) et numérique (5,49€)

3 réflexions sur “Le temps d’un souffle, je m’attarde – Roger Zelazny

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