Enfants de sang – Octavia E. Butler

L’autrice américaine Octavia E. Butler (1947-2006) n’a jamais écrit que neuf nouvelles durant sa carrière. C’est étonnamment peu en comparaison d’autres auteurs et autrices de cette importance.  Le numéro 108 de la revue Bifrost lui est consacré et met à l’honneur Enfants de sang (Bloodchild), un texte écrit en 1984 ; il a reçu les prix Hugo, Nebula et Locus en 1985, et étrangement était resté inédit en France à ce jour. Sa traduction a été réalisée par Michèle Charrier.

C’est une nouvelle tout à fait époustouflante dans laquelle Octavia E. Butler inverse les rapports de domination habituellement générés dans les récits de science-fiction et où, inévitablement, se mêlent science-fiction et horreur. Nous sommes quelque part entre le film Alien (1979) et le roman La Monture (2002) de Carol Emshwiller. Si vous avez lu ce dernier, vous ne manquerez pas de faire le rapprochement tant il est évident, jusque dans ses thématiques les plus profondes.

Dans un futur indéterminé mais nécessairement lointain, quelques humains ont cru échapper à la persécution en quittant la Terre des origines pour fonder une colonie ailleurs, sur une planète non nommée dans la nouvelle. Là, ils vivent dans une réserve, sous la domination de l’espèce extra-terrestre insectoïde native – qu’on imagine aisément une sorte de scorpion géant – les Tlics.  Ces derniers utilisent les humains, et principalement les hommes, comme hôte de leurs larves, mêlant ainsi les familles des deux espèces par des liens de sang.

L’histoire nous est racontée par Gan, jeune garçon humain choisi dès sa naissance par une personnalité politique locale T’Gatoi pour devenir son N’Tlick, à savoir le porteur de ses œufs. Encore trop jeune pour comprendre la signification des choses et les ressentiments de sa mère et de son frère ainé, Gan perçoit son rôle comme un honneur. Mais un jour il est le témoin d’une scène à laquelle il n’aurait jamais dû assister.

Octavia E. Butler fait ici preuve d’un incomparable talent pour déployer en 19 pages un récit qui à la fois conçoit un univers et sa raison d’être, et qui s’offre en plus le luxe d’explorer la complexité des relations de domination. On y retrouve des thèmes communs avec les romans de l’autrice, je pense notamment à Liens de sang, La Parabole du semeur et La Parabole des talents, qui mettent en lumière l’empathie des dominés pour les dominants. Un truc véritablement dérangeant.

Enfants de sang est un véritable tour de force qui ne laisse pas le lecteur indemne.


D’autres avis : Gromovar,


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